Au moment où le groupe européen EADS lance la construction d’un Airbus très gros porteur, l’Airbus A380, Boeing joue les révolutionnaires. Délaissant le marché des gros porteurs avec notamment la mise en sommeil de son 747-X allongé, la firme de Seattle a proposé le 29 mars 2001 un avion de 200 à 250 places qui pourrait voler pendant plus de 16.000 kilomètres près de la vitesse du son : mach 1.
Pas question cette fois, d’établir des records ou de jouer les ‘Concorde’ en volant à plus de mach 2. Le Sonic Cruiser de Boeing n’a d’autre ambition que de croiser juste en dessous de mach 1, à Mach 0,95 (95% de la vitesse du son), tandis que les long-courriers actuels se contentent d’une vitesse comprise entre mach 0,80 et mach 0,85. La différence est faible, seulement quelque 100 Km/h.
Malheureusement depuis le 29 mars 2001, Boeing a publié très peu d’informations sur son Sonic Cruiser et on pourrait se demander si le jeu en vaut vraiment la chandelle ! C’est une opération à la fois technologique et économique. A elle seule, l’augmentation tarifaire des billets liée aux gains de vitesse et de temps ne saurait en effet financer une exploitation trop coûteuse de l’appareil. |
D’après Alan Mullaly, président de Boeing Commercial Airplanes, la mise en service du Boeing Sonic Cruiser est prévue entre 2006 et 2008. D’ici là, les équipes de Boeing - qui ont une longue pratique civile et militaire des vols en mode subsonique, transsonique et supersonique - vont devoir se mettre rapidement au travail et trouver des solutions à certains problèmes de fabrication.
Le recours à des technologies avancées réduirait sans aucun doute le coût d’exploitation de cet avion mais cela prendrait beaucoup de temps à développer. L’emploi d’alliages d’aluminium et de techniques connues paraît raisonnable, d’autant que l’augmentation envisagée de la vitesse ne soumet pas les structures (déjà à très basse température à ces altitudes : environ – 50°C) à des échauffements considérables (pas plus de 8°C). En revanche, l’utilisation de matériaux composites pour des parties secondaires et non critiques de l’appareil, comme des bords d’attaques, des dérives, des empennages et des planchers, n’est pas exclue pour tenir des devis de poids.
Voler à presque mach 1 - Boeing envisage même d'aller jusqu'à mach 0,98 - implique d'inévitables contraintes de renforcement de certaines pièces, qui pèseront sur la masse de l'appareil. Des contraintes qui tiennent au profil donné à l'aile pour croiser à ces vitesses-là. Plus on va vite et plus la flèche, l'angle que fait l'aile avec la cellule, doit être pointue. Plus la flèche est pointue, plus on diminue la portance au décollage et à l'atterrissage et plus la vitesse de l'appareil dans ces phases du vol doit être élevée, à moins de créer comme sur certains avions de chasse des ailes à flèche variable, déployées à basse vitesse et serrées près du corps quand la vitesse est élevée. Trop cher et gourmand en masse, assènent les spécialistes, qui soulignent également que la vitesse oblige à diminuer l'épaisseur de l'aile, ce qui réduit d'autant la place disponible pour le carburant. D'où le choix de Boeing d'une aile en "double delta", qui peut combiner forte flèche et bonne capacité d'emport en carburant. Une solution que Boeing a plus ou moins testée en soufflerie dans les années 1980 avec des maquettes d'avions équipés, eux aussi, d'une voilure en double delta et de moustaches, des "canards", destinées à améliorer l'équilibre de l'appareil. Les Américains devront absolument investir dans les souffleries. Non pas pour en construire d'autres, ils les ont déjà, mais pour développer des techniques d'essai et de mesure spécifiques. On maîtrise bien les choses jusqu'à mach 0,9, mais au-delà, il faudra développer d'autres moyens, d'autant plus qu'il faudra repenser aussi la partie moteur de l'avion.
Les moteurs devant équiper un tel engin existent. Ce pourrait être des groupes dérivés des turboréacteurs General Electric GE 90, des Rolls-Royce Trent 900 et des Alliance GP 7000 existants. Mais, si on peut garder le compresseur à haute pression, la chambre de combustion et la turbine à haute pression de ces moteurs, force sera de les optimiser pour que le "Sonic Cruiser" puisse voler plus vite et plus haut, au-dessus du trafic actuel tout en étant peu bruyant. Cette équation est délicate à mettre en œuvre car il faudra travailler notamment sur le profil des entrées d'air et sur le taux de dilution des moteurs. Les militaires et les industriels américains disposent d'une très grande expérience sur les paramètres qu'ils vont devoir ajuster pour concevoir un "avion vert", un appareil aussi peu polluant que possible alors que la vitesse est synonyme de consommation accrue de carburant.
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