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Phraséologie la question de l'anglais |
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L'utilisation de l'anglais dans les communications radio a été la cause de multiples incompréhensions ayant entraîné des incidents voire des accidents.
Ce n'est pas la langue anglaise en tant que telle qu'il faut blâmer,
mais plutôt les mauvais collationnements, la mauvaise phraséologie, le
manque d'écoute lors des réponses, en deux mots : la routine, manière de
penser, d'agir, purement machinale et répétitive, fondée sur l'habitude
et sur la compréhension de ce l'on *s'attendait* à entendre et non pas
de ce l'on a réellement entendu.
Analyse d'un incident qui aurait pu être dramatique.
Numéros des vols, compagnie et matricules avions occultés par mes soins.
Le B747 se pose vers 21h57 locales (nuit) en piste 22L de New - York JFK
après un vol sans incident. La visibilité est de 660m avec un plafond de
300ft. L'avion dégage la piste par la bretelle J, puis reçoit du
contrôle sol l'autorisation de cheminer via "J " puis le taxiway " Y "
et d'attendre sur la voie " G ". Peu avant d'arriver sur " Y ",
l'équipage est autorisé par le même contrôleur à poursuivre tout droit
sur le taxiway " J " et à attendre pour traverser la piste 22R. La
terminologie employée par le contrôleur est : " In fact (Flight Number)
heavy I'll tell you what, just taxi straight ahead on Juliet and hold
short 22R ". Le CDB collationne suivant la terminologie qu'il croit
employée par le CTL en disant : " okay straight ahead on juliet and no
hold short on two two right ". Le contrôleur ne relève pas l'écart. Il
n'y a pas d'autre intervention du contrôleur destinée à (Flight Number)
jusqu'après sa traversée de la piste 22R. Les avions au décollage de la
22R sont contrôlés par un autre contrôleur sur une autre fréquence.
Alors que le B747 s'apprête à traverser la 22R, le contrôleur
responsable des décollages de la 22R autorise un B757 à décoller.
Celui-ci passe juste après le lift-off derrière (Flight Number).
L'équipage (Flight Number) apprendra le lendemain qu'une réclamation a
été déposée auprès de l'ATC.
Analyse et commentaires
Erreur de compréhension de l'équipage
A l'origine, l'équipage a mal compris l'instruction du CTL lui demandant
de maintenir au point d'arrêt. Le contrôleur a dit : " In fact (Flight
Number) heavy I'll tell you what , just taxi straight ahead on Juliet
and hold short 22R". L'équipage a, quant à lui, compris " In fact
(Flight Number) heavy I'll tell you what, just taxi straight ahead on
Juliet, no hold short 22R". L'incompréhension de l'équipage est
confirmée par le rapport d'incident dans lequel le CDB indique (de
mémoire) qu'il a collationné "disregard hold short". En anglais, la
prononciation du "and" est contractée en "N", ce qui pour un
interlocuteur non anglophone s'identifie, lorsque la syllabe suivante
comporte le son "O", à "no". Lors des écoutes postérieures de la bande
effectuées à la compagnie YYYY et au BEA, une différence de
compréhension suivant l'origine linguistique de l'auditeur a
effectivement été mise en évidence: Sans avoir été informés au préalable
de la teneur de la bande, tous les anglophones (4 intervenants, dont 2
américains, un anglais et un canadien anglais) ont compris " and hold
short ". Tous les francophones sans exception ont compris " no hold
short ". L'erreur initiale provient donc d'une différence linguistique
qui n'est pas propre à l'équipage concerné. L'écoute de la bande ne fait
pas apparaître de difficulté d'expression en anglais du CDB.
Collationnement de l'instruction ATC par l'équipage
Après l'erreur de compréhension initiale, certains éléments auraient pu
permettre d'éviter l'incident : la phraséologie ATC comprise par
l'équipage n'était pas standard. Un doute aurait pu de ce fait
s'installer sur la validité du message entendu. Il semble
malheureusement, au travers des retours d'expérience fournis par les
équipages, que l'utilisation d'une phraséologie non standard par les
contrôleurs américains soit relativement fréquente, ce qui conduit à une
acceptation sans remise en question de clairances non standard. En ce
sens, le début de la phrase " In fact (Flight Number) heavy I'll tell
you what " relève du langage familier et non de la phraséologie
standard. Ceci a pu contribuer à ce que l'équipage s'attende à une
instruction transmise également dans des termes non standards. En
conséquence, il semble important : - de demander (dans la mesure du
possible) aux équipages de faire répéter l'ATC non seulement dans le cas
où la clairance n'est pas claire, mais aussi lorsque la phraséologie
utilisée n'est pas standard. Les fréquences très chargées constituent
certainement un obstacle à cette recommandation. - de s'assurer que les
équipages effectuent un collationnement en utilisant une phraséologie
strictement standard, laquelle est réputée éviter tout risque de
confusion. - d'informer la FAA des difficultés de compréhension que crée
l'utilisation par les contrôleurs d'idiomes ou de phrases non prévus
dans la phraséologie internationale. - de développer cette question dans
les groupes de travail internationaux sur la phraséologie.l'équipage
ayant compris " no hold short 22R " n'a pas répondu suivant la
phraséologie standard, laquelle devait être dans ce cas : " crossing
runway 22R", mais a collationné la phrase qu'il avait cru entendre.
Cette pratique semble avoir plusieurs causes : - Il est apparemment
fréquent parmi les équipages de répéter strictement le message ATC reçu.
Dans l'esprit, cette pratique a pour but de "coller" au message de
l'ATC, afin d'éviter les erreurs de compréhension mutuelles, notamment
lorsque la phraséologie ATC n'est pas standard. On voit au travers de
l'incident que cette pratique n'assure pas le but recherché. - Le
collationnement par répétition à l'identique du message entendu, est
rapide, il mobilise peu ressources car il active seulement la mémoire à
court terme; il permet de compléter la compréhension du message pendant
le collationnement lui même.
Séparation des fréquences à JFK
Le roulage en sortie de piste 22L et pour traverser la 22R est assuré
par un contrôleur différent du contrôleur qui autorise les décollages en
22R et les autorisations respectives sont envoyées sur deux fréquences
différentes.
S'il est habituel que les fréquences roulage et décollage / atterrissage
soient séparées, dans ce cas où une piste est systématiquement croisée
après chaque atterrissage, la séparation des fréquences a pour
conséquence qu'une erreur ne peut pas être rattrapée par l'un des
équipages concernés, ceux-ci ne veillant que leur fréquence respective.
Dans le cas de l'incident, les autorisations envoyées à chaque avion
n'ont été effectivement entendues que par cet avion.
Absence de détection par l'ATC d'un mauvais collationnement
D'après le rapport FAA, le contrôleur motive cette absence de détection
par l'accent du pilote de la compagnie qualifié de " Heavy ". Le " no
hold short" collationné par l'équipage a été compris comme un "and hold
short" par le contrôleur. Le contrôleur a en fait entendu ce qu'il
s'attendait à entendre. L'usage d'une phraséologie non standard pour
accuser réception d'une autorisation de croisement de piste ( crossing )
n'a pas permis au contrôleur de déceler l'erreur de compréhension
commise par l'équipage.
La phraséologie utilisée
par l'ATC de JFK n'était pas conforme non plus à ce qui aurait dû
être dit. En phraséologie, il ne sert à rien de faire des phrases
shakespeariennes. Bien souvent, plus on en dit, plus le risque
d'incompréhension du "récepteur" augmente. Cela est également valable
pour les messages en français, d'ailleurs.
D'ailleurs ça m'est arrivé aussi : un trafic simple et des pilotes français
sympa qui arrivent d'Amérique, donc une phraséologie qui se relâche chez
moi, d'où une incompréhension, d'où une descente sans autorisation car il y
avait eu ambiguïté.
Par chance le trafic en-dessous était à 7 NM donc c'est resté dans les
clous.
Une bonne leçon en tout cas : même au prix de 5 répétitions, ne jamais
lâcher le morceau s'il subsiste un risque d'ambiguïté.
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Par Dominique Ottello, Approcheur Persan et VinMan. |
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