Quoique relativement rare - une vingtaine de catastrophes et plus de 600 morts lui sont tout de même imputables depuis 1970 -, le phénomène de cisaillement de vent, souvent mieux connu sous le nom anglais de windshear, est à juste titre redouté des équipages. Il s'agit d'une inversion à la fois soudaine et brutale de sens ou de vitesse (ou des deux réunis) du vent entre deux points rapprochés de la trajectoire d'un avion. Cette inversion, qui passerait inaperçue elle intervenait alors que l'avion vole en altitude, est généralement fatale lorsqu'elle se produit au décollage ou à l'atterrissage.
Les formes que peut prendre ce piège atmosphérique sont multiples. Pour l'essentiel, il s'agit des cumulo-nimbus et des microbursts - micro rafales en français. Les cumulo-nimbus (les "cunimb", comme disent les pilotes ou "CB" dans les messages météo (MTO)) sont des systèmes orageux qui se forment à la rencontre de masses d'air instables, chaudes et humides avec des fronts froids. La plupart du temps, il est facile de voir ces grosses masses floconneuses à développement vertical, qui peuvent plafonner à plus de 15000 m d'altitude, mais ils sont parfois noyés dans une couche nuageuse et donc non détectable à l'oeil nu (embedded CB).
Voir :
(3) Les cisaillements de vent et leurs conséquences.
(4) Ces caprices de la météo qui font atterrir les avions avant ou après la piste.
(5) Des systèmes au sol pour surveiller les vents autour des aéroports.
Plus dangereuses parce qu'elles ne s'accompagnent souvent d'aucune manifestation météorologique visible, les micro-rafales résultent de l'effondrement sur terre d'une masse d'air polaire très froide (donc de forte densité) sur une zone plus chaude. À mesure que cet air plonge vers le sol, sa direction verticale s'incurve vers l'horizontale. On peut très approximativement se représenter la micro-rafale comme un gros champignon renversé. La "cheminée", ou, si l'on préfère, la tige du champignon, est généralement d'un diamètre compris entre 1,2 et 2,5 kilomètres et la vitesse des vents descendants peut y atteindre 110 km/h soit, en unités aéronautiques, 60 kt (2), La zone où sévissent les vents - la tête du champignon - n'excède guère 4 km de diamètre pour une hauteur rarement supérieure à 35 mètres. La vitesse des vents y est parfois impressionnante : entre 110 et 145 km/h.
Une troisième cause de cisaillement de vent, la plus sournoise est susceptible de se faire sentir dans le prolongement immédiat des pistes d'aéroport lorsqu'ils sont construits en bord de mer comme à Nice ou à Fort-de-France. Il peut en effet se produire qu'à l'altitude de 250 à 400 mètres le vent vienne de terre, alors qu'il arrive de la mer au ras du sol. Dans ce cas, l'avion décollant vent debout face à la mer se retrouve vent arrière en prenant de l'altitude et à un moment où sa vitesse est encore faible.
Ces phénomènes favorables à l'apparition d'un cisaillement sont prévisibles, mais non le cisaillement lui-même. Par exemple, si l'on sait qu'une inversion de température y est propice, la simultanéité des deux phénomènes n'est pas systématique. Les techniques actuelles conduisent à une probabilité rigoureuse dans le temps et l'espace. Or, tout se joue en moins de quelques dizaines de secondes. Le plus souvent, quand un avion est engagé dans la "cheminée" de cisaillement, il est déjà trop tard.
Normalement, un avion décolle et atterrit face au vent. Dans les deux configurations d'approche et de décollage, il va se trouver pendant un temps très court dans une sorte d'état de vulnérabilité car sa vitesse est voisine de la vitesse critique que l'on appelle vitesse de décrochage. Un avion se maintient en vol grâce à une force de portance par la vitesse d'écoulement de l'air autour de sa voilure. Mais au-dessous d'une certaine vitesse qualifiée pour cette raison de vitesse de décrochage et symbolisée par la lettre V suivie de l'indice s - du mot anglais stall qui veut dire décrochage - l'avion ne peut plus se maintenir en l'air et c'est la chute. La vitesse de décrochage est donc la vitesse au-dessous de laquelle un avion ne doit jamais descendre. En règle générale, l'approche vers la piste d'atterrissage se fait avec une marge de sécurité de 30 %, c'est-à-dire à une vitesse par rapport à l'air de 1,3 s. Il est bien évident qu'un appareil qui traverserait la zone de cisaillement de vent à une vitesse de l'ordre de 1,6 ou 1,7 Vs par exemple, échapperait à tout danger. Mais outre que la cellule se trouverait soumise à très rude épreuve lors de la traversée de la cheminée, il risquerait d'aborder la piste à une vitesse excessive, et de ne pouvoir s'arrêter avant la fin de celle-ci.
Exemple détaillé :
Plaçons en configuration d'approche (démonstration similaire pour le même appareil en configuration de décollage) un appareil dont la vitesse de décrochage Vs égale à 140 kt et qui doit traverser une micro-rafale (descendant d'un cumulo-nimbus) de 3 kilomètres de diamètre qui se serait formée juste avant la piste. Supposons que le pilote (ou ses instruments) détectent la présence du cisaillement au milieu de la cheminée de la micro-rafale. À cet endroit, le vent est purement vertical, ses composantes dans le sens longitudinal (correspondant à la trajectoire de l'avion) sont donc nulles. La vitesse d'approche ne devant en aucun cas tomber au-dessous de 1,3Vs, l'appareil évolue donc à 180 kt au point X. Là, le pilote conscient du danger, décide une remise de gaz. Dans le cas d'un réacteur, il faut savoir qu'entre l'instant où la commande est actionnée et la réponse des réacteurs s'écoulent de 4 à 6 secondes (la réponse est plus rapide avec un moteur à hélice) ; Pendant ces 5 secondes l'avion dont la vitesse, rappelons-le, est de 180 kt va parcourir 600 mètres et arriver au point Y. Mais le vent, encore nul en X, est devenu un vent arrière qui augmente à mesure que l'avion avance vers le point Z. Supposons qu'il ait atteint en Y la valeur de 30 kt, la vitesse aérodynamique de l'appareil n'est plus alors que de 160 kt, c'est-à-dire qu'elle se situe à 10 kt seulement au-dessus de la vitesse de décrochage. Tout se joue entre Y et Z. La distance entre ces deux points est de 1 kilomètre et elle va être parcourue en 10 secondes. La situation est maintenant devenue critique : si l'on procède à un bilan des vitesses au point Z. en supposant que la force du vent arrière soit ici de 60 kt, on constate que compte tenu de l'inertie la vitesse de l'appareil par rapport au sol reste toujours de 180 kt, mais avec un vent arrière de 60 kt, sa vitesse aérodynamique n'est plus que de 180 - 50, soit 130 kt, c'est-à-dire qu'elle se situe à 10 kt au-dessous de la vitesse de décrochage. Autrement dit, l'avion décrochera inéluctablement en un point Y' situé quelque part entre X et Z.
Tout le succès de la manoeuvre engagée depuis la remise des gaz dépend donc de la réponse à une question : l'avion va-t-il à partir de là gagner davantage sous l'effet de l'accélération consécutive à la remise de gaz qu'il ne va perdre sous l'effet du vent arrière ? Dans l'exemple cité, va-t-il être en mesure d'augmenter sa vitesse de 10 kt dans les 10 secondes dont il dispose ? Au-dessus d'un gain de 10 kt, le crash est évité, au-dessous il est inévitable.
Deux conclusions doivent être dégagées de cet exemple. La première s'impose d'elle-même : plus l'accélération est forte, plus la vitesse sera regagnée rapidement. Par conséquent, un avion qui dispose d'une forte réserve de puissance a toutes les chances de mieux se comporter dans un windshear qu'un avion sous-motorisé. La seconde quant à elle, ne va nullement de soi. En effet, contrairement à ce que l'on serait tenté de croire, un avion rapide est plus fortement "pénalisée" qu'un avion lent par la rencontre d'un windshear, cela d'autant plus que le temps nécessaire pour le traverser est court. Pour un avion deux fois moins rapide placé dans les conditions de notre exemple, le gain de vitesse à obtenir serait toujours de 10 kt. Mais au lieu d'avoir à les gagner en 10 secondes, l'appareil aurait à le faire en 20.
Précisons que les vitesses de vent prises dans l'exemple correspondent à un cisaillement d'intensité moyenne. Si on prend le cas d'un windshear comme on en a observé aux États-Unis, la vitesse du vent au sol était de 130 kt. Si on replace cette valeur dans l'exemple, ce n'est pas 10 kts mais 90 (10 ajoutés à la différence entre 50 et 130) qu'il aurait fallu regagner. Autrement dit, l'accélération aurait dû être 5 fois plus forte, ce qui dépasse les possibilités des avions actuels.
Si les phénomènes de cisaillement de vent font davantage parler d'eux aujourd'hui, c'est parce que la menace qu'ils représentent s'est précisée au cours des dernières années. En premier lieu, le nombre d'appareils en service et leur fréquence d'utilisation ayant augmenté, le risque de se trouver pris dans un windshear a statistiquement augmenté. En deuxième lieu, l'avènement du moteur à réaction a, lui aussi, augmenté le risque, une voilure balayée par le flux d'air brassé par les hélices étant en effet moins exposée au risque de décrochage. Enfin, la rapidité d'évolution comme l'augmentation de masse des appareils que l'on met maintenant en service représente des facteurs de risque supplémentaires
Donner l'alerte, d'abord, puis indiquer la procédure à appliquer dès que le phénomène est détecté, telle est la fonction des systèmes correctifs. Deux méthodes différentes sont utilisées pour la détection. La première consiste à comparer les variations qui existent entre la vitesse de l'avion par rapport à l'air (qui peut varier beaucoup à mesure que l'avion passe du vent debout au vent arrière) et sa vitesse par rapport au sol (qui, elle, varie peu en raison de l'inertie). L'alerte est donnée lorsque ces variations dépassent le seuil de 3 kt (1).
La seconde méthode est plus sophistiquée. Mise au point par la firme française THALES (Ex Sextant Avionique), spécialiste européen du "traitement" de windshear pour l'équipement des Airbus, elle repose sur la notion plus complexe d'énergie totale future. L'énergie totale (Et) d'un avion est la somme de son énergie cinétique 1/(1/2 mV²), liée à sa vitesse, et de son énergie potentielle (mgH), liée à son altitude. Au-delà d'un certain seuil de décroissance de l'énergie totale, l'alarme est donnée. Des automatismes commandent alors les manoeuvres susceptibles d'assurer le maintien en vol de l'appareil. II est possible de savoir si l'avion au décollage sera capable ou non de franchir un obstacle qui se trouve devant lui. En d'autres termes, s'il aura ou non gagné assez d'altitude au vu des influences auxquelles il est soumis à chaque instant dans la phase suivant immédiatement son décollage.
Les détecteurs de windshear de Sextant Avionique prennent également en compte l'incidence de portance maximale. L'équation de sustentation d'un avion fait apparaître que la portance est proportionnelle au carré de la vitesse de l'avion, mais également à un coefficient Cz qui varie en fonction du cabrage (2). Pour récupérer une portance compromise par le windshear, le pilote peut donc jouer soit sur la vitesse soit sur le cabrage de son avion. De là la procédure en trois points préconisée par Sextant Avionique : en premier lieu, tout tenter pour maintenir la vitesse tant que la pente sur trajectoire est positive. Autrement dit, tant que l'avion ne s'enfonce pas, mais prend de l'altitude, on joue sur la vitesse. En deuxième lieu, s'efforcer de tenir la pente afin de conserver une altitude constante tant que l'incidence est inférieure a celle du décrochage, c'est-à-dire garder l'incidence qui permet à l'avion de ne pas s'enfoncer. En dernier lieu, lorsqu'il n'est plus possible de faire davantage, il ne reste plus qu'à espérer que le gradient de vent va diminuer plus vite que l'avion n'aura pu gagner de vitesse sous l'effet de la remise de gaz. Et c'est sous cette seule condition que l'avion sortira de la zone à haut risque.
Honeywell et Sextant Avionique travaillent sur des systèmes laser qui permettraient d"'interroger" à distance les masses d'air situées sur la trajectoire de l'avion.
On se tourne vers les émetteurs lasers travaillant dans la bande des 2 micromètres, qui correspond à une "fenêtre" plus propice à la pénétration des zones à forte pluviométrie. Ces radars, qui fonctionnent suivant un principe similaire à celui des radars Doppler, analysent les mouvements de microparticules associées à une cellule orageuse ou à une micro-rafale. Ils ont déjà permis d'obtenir des résultats encourageants à une altitude de 50 000 pieds (16 500 m environ), ils ont pu mesurer des gradients de vent avec une précision de 1 kt, cela à des distances comprises entre 700 et 3 000 mètres. Reste à les expérimenter à basse altitude, là où les phénomènes de cisaillement menacent les avions en approche ou au décollage. S'ils parviennent à donner aux équipages un préavis de 10 à 30 secondes, le danger des windshears pourra être considéré comme définitivement écarté.
Sur A320, il existe deux modes de détections de windshear :
- Réactif, c'est-à-dire une fois que l'aéronef est "dedans".
- Prédictif, c'est-à-dire avant d'y parvenir.
Détection windshear
réactif effectué par les FAC.
Le signal de détection est déclenché lorsque la prédiction du niveau d'énergie de l'avion tombe en dessous d'un seuil minimum prédéterminé. Pour prévoir le niveau d'énergie, les FAC utilisent différentes sources : les ADIRS fournissent les vitesses verticales, air et sol ainsi que la pente ; d'autres sources fournissent des paramètres dérivés comme la pente totale, le gradient de vent longitudinal et le vent vertical. Le seuil d'énergie est exprimé en angle d'incidence qui est comparé avec un seuil au-delà duquel une action pilote est nécessaire.
L'alarme windshear réactif apparaît lorsque l'avion pénètre dans un windshear. Cette fonction détectée par le FAC est active lorsque les volets sont sortis et au décollage 5 s après le déjaugeage jusqu'à 1300 ft ainsi qu'à l'atterrissage de 1300 ft à 50 ft.
Il reste affiché 15 s après la détection du windshear et est associé à une alarme vocale, générée par les FWC (Flight Warning Computer) "WINDSHEAR", répétée trois fois.
Le radar météo fournit la fonction windshear
prédictif.
Ce sont des Radars de nouvelle génération : antenne plate, faible puissance d'émission fonctionnant en bande X. L'image radar présentée sur le ND en superposition aux informations déjà existantes permet d'observer les systèmes nuageux et d'éviter les noyaux denses.
Le Predictive Windshear System (PWS) détecte les windshears jusqu'à 5 NM en avant de l'avion.
Quand le système détecte un windshear, suivant l'échelle sélectée sur le ND (Navigation Display), un message d'alarme rouge ou ambre, ou un advisory s'affiche ainsi qu'une alarme sonore avec trois niveaux qui sont fonction de la distance, de l'altitude et de la localisation du windshear
Des messages sont présentés si un Windshear est détecté devant l'avion et que l'échelle sélectée sur le ND est supérieure à 10 NM ou que le mode sélecté n'est pas le bon, afin que l'équipage affiche la bonne échelle et le bon mode pour obtenir plus de précision quant à la localisation du windshear. Les alarmes vocales du Windshear prédictif ont priorité sur les TCAS, GPWS et autres alarmes FWC, sont inhibées par les alarmes Windshear réactif générées par les FAC et sont inhibées par les alarmes décrochage. La zone des WINDSHEARS est représentée par un symbole rayé noir et rouge complété par deux lignes radiales jaunes.
(1) La vitesse sol peut être obtenue de deux façons : soit par un radar qui "interroge" le sol en permanence soit par un système d'accéléromètres qui détectent les changements de vitesse de l'avion indépendamment des causes qui les provoquent. Lorsque le calculateur de bord détecte une différence entre la vitesse "air" de l'avion (sa vitesse par rapport à l'air ambiant) et sa vitesse inertielle (en fait sa vitesse par rapport au sol) on se trouve en présence d'un cisaillement de vent.
(2) L'équation de sustentation d'un avion est donnée par la formule : Fz = 1/2p S Vp2 Cz où Vp est la vitesse propre c'est-à-dire dire la vitesse par rapport à l'air (à ne pas confondre avec la vitesse par rapport au sol) S la surface portante p la densité de l'air et Cz un coefficient de portance qui varie en fonction du cabrage de l'avion. On voit que plus Vp diminue plus Cz doit augmenter pour conserver une portance donnée.
(3) --------------------------------------------
Les cisaillements de vent et leurs conséquences.
Les vents qui circulent autour de la Terre soufflent à différentes forces et directions. Pour étudier leur influence sur un avion en vol, considérons leurs composantes verticale et horizontale. Les changements dans ces composantes entraînent pour l'avion un gain ou une perte de portance, et donc d'altitude. Sans grande conséquence en altitude, ils peuvent être très dangereux au décollage ou à l'atterrissage.
1. Le cisaillement du vent vertical. Il est dû à un changement de force de la composante verticale du vent (conséquence des mouvements des masses d'air de l'atmosphère) entre deux points rapprochés sur la trajectoire d'un avion. Celui-ci est littéralement poussé vers le bas, mais le pilote a suffisamment d'altitude pour regagner son plan de descente (ou de montée) sans problème.
Ce type de cisaillement disparaît en dessous de 500 pieds (160 m), puisque le courant d'air descendant se transforme forcément en écoulement horizontal à l'approche du sol. Il ne faut toutefois pas sous-estimer son importance, car il s'accompagne généralement de pluies très fortes qui dégradent les performances aérodynamiques de l'avion, surtout dans les plages de vitesse réduite qui sont celles de l'approche en vue de l'atterrissage.
2. Le cisaillement vertical (à ne pas confondre avec le précédent). Il est dû à un changement de force ou/et de direction de la composante horizontale du vent, qui ralentit (par frottement) au fur et à mesure qu'on se rapproche du sol. Il est qualifié de vertical, car le changement s'exerce entre deux points d'altitudes différentes sur le plan de descente ou de montée d'un avion atterrissant ou décollant. Le cisaillement vertical n'est généralement pas dangereux car la différence de vitesse dépasse rarement 10 noeuds par tranche 100 pieds (30 m environ).
3. Le cisaillement horizontal. Le courant d'air descendant au sein d'une cellule orageuse de cumulo-nimbus, par exemple, à son arrivée près du sol s'étaie dans tous les sens en un vent horizontal. Entre deux points très proches sur le plan de descente de l'avion, un vent debout commence par s'ajouter à celui face auquel atterrit normalement l'avion, d'où un gain momentané d'altitude. Puis, dès l'instant où l'avion passe le centre du courant d'air descendant, il est brusquement soumis à un fort vent arrière, d'où une perte soudaine de partance et donc d'altitude. Le phénomène se produisant près du sol, l'avion le percute avant la piste. S'il est au décollage, il peut être plaqué au sol juste après avoir pris l'air.
4. "Microbursts", la grande hantise des pilotes. Leur circulation ressemble à ce qui est décrit ci-dessus, mais ils sont beaucoup plus redoutables : en plus de provoquer un cisaillement horizontal dû à l'inversion du sens du vent, ils soumettent l'avion qui s'y trouve pris à un cisaillement de vent vertical, véritable coup de poing vers le bas, dû au fait ces vents très violents descendent presque au ras du sol avant de s'étaler horizontalement. Les "microburst" sont tout à fait imprévisibles. De dimensions réduites (de 0,8 à 2 km de section seulement, contre une dizaine parfois pour un cumulo-nimbus) donc très localisés, ils se manifestent de manière extrêmement fugace (ils ne durent que de quatre à cinq minutes) dans la plupart des cas, ne sont pas associés à de méchants et de très visibles cumulo-nimbus actifs (donc ni orage ni éclairs), mais à d'éphémères virga (pluies qui s'évaporent avant d'arriver au sol) issues de légers cumulus qui disparaissent en quelques minutes.
Un avion en cours d'atterrissage qui rencontre un tel phénomène voit donc sa portance doublement dégradée. Il chute brusquement de son plan de descente et percute le sol. Les conséquences sont aussi désastreuses pour un avion qui vient de décoller.
----------------------------------------------------------------------------------
(4)
Ces caprices de la météo qui font atterrir les avions avant ou après la piste.
1. Les orages. La convection qui donne naissance aux orages avec pluie et grêle violentes dans le corps et à la base des cumulo-nimbus, encore eux, est propice au cisaillement de vent. L'air chaud aspiré autour du nuage et l'air froid descendant et passant en dessous font subir à l'avion qui traverse la section d'une telle cellule convective un changement de vent de 180°. Dangereux par son intensité, ce type d'activité à l avantage d'être visible par le pilote, qui en tiendra compte lors d'un atterrissage ou d'un décollage.
2. Les fronts de rafale. Associés aux orages, ils représentent les bords d'attaque de la masse d'air froid descendue du cumulo-nimbus. Leurs effets peuvent se produire relativement loin de la base du nuage qui les ont engendrés, et demeurent de ce fait insoupçonnés du pilote (un nuage sur Melun a souvent été la cause du cisaillement horizontal constaté au-dessus des pistes d'Orly près de Paris, 30 km plus loin). En avançant, la masse d'air froid passe au-dessous de l'air plus chaud qui règne au-dessus des pistes. L'avion qui traverse ces courants subit un soudain changement de direction du vent. À l'atterrissage il perd de la portance et donc de l'altitude et peut toucher le sol avant la piste. Au décollage qui se fait, lui aussi face au vent, il subit le vent arrière - donc une perte de portance - dès qu'il prend un peu d'altitude et peut s'écraser au sol.
3. Les masses frontales. Leur traversée elle aussi fait inévitablement subir à un avion un changement de direction du vent. Une masse frontale est la zone de transition entre deux masses d'air de caractéristiques différentes (température, pression, densité, humidité). Le front est la trace au sol de cette zone de transition. Quand il s'agit d'un front chaud (c'est-à-dire quand l'air chaud va à la rencontre de l'air froid et glisse par-dessus) et quand les deux masses d'air sont relativement stables la zone de transition peut se réduire à une centaine de mètres d'épaisseur. Et plus cette zone est mince plus le cisaillement horizontal du vent est brusque et important. Le cas a été observé sur l'aéroport O'Hare de Chicago : entre 700 et 400 pieds (260 et 145 m), lors de son approche en phase terminale d'atterrissage, l'avion est passé en 30 secondes d'un vent arrière de 20 noeuds à un vent debout de 40 noeuds. Il fallait que le pilote y soit préparé ! Sinon son appareil passait au-dessus de la trajectoire nominale de descente. Résultat : il touchait le sol loin après le début de la piste et allait s'abîmer à l'autre bout, faute d'une distance suffisante pour s'arrêter à temps.
4. L'effet de brise. L'aérodrome du Lamentin, à Fort-de-France, en Martinique, en est un exemple : en fin d'après-midi, lors que le soleil a brillé toute la journée, le sol, plus chaud que la mer est surmonté par de l'air chaud qui s'élève pour être remplace par une "brise de mer", plus froide, qui souffle près du sol alors que le vent dominant, en l'occurrence les alizés, continue de souffler en sens inverse dès 100 pieds (30 m) d'altitude. Décollant normalement face à la brise, l'avion a ensuite du mal à prendre de l'altitude à cause du vent arrière qui dégrade sa portance.
-----------------------------------------------------------------------
(5)
Des systèmes au sol pour surveiller les vents autour des aéroports.
Le système LLWAS : Un processeur compare la vitesse du vent mesurée par un anémomètre au centre de l'aérodrome avec celles qui sont relevées par cinq autres, périphériques. Lorsque la différence atteint 15 noeuds, la tour de contrôle est alertée, car un tel changement est suffisamment important et soudain (il s'est produit en 3,5 km seulement, distance séparant l'anémomètre central des périphériques) pour provoquer un effet de cisaillement. Mais le système LLWAS est insuffisant, car il ne mesure la vitesse du vent qu'au niveau du sol et dans un plan horizontal. Or, il est important d'avoir une image plus fidèle des couches traversées par l'avion qui décolle ou atterrit.
Des systèmes acoustiques, utilisant l'effet Doppler pour mesurer les variations de vitesse du vent : une antenne émet vers le ciel une impulsion sonore ; l'écho qui revient au sol varie en fréquence selon la vitesse et la direction des couches de vent qui l'ont renvoyé. Grâce aux mesures de trois antennes, on connaît, jusqu'à 1 000 m d'altitude, la vitesse verticale et horizontale du vent, sa direction, les turbulences et la structure thermique de l'air. Ces systèmes installés à proximité des pistes "sculptent" littéralement le faisceau de descente ILS des avions (qui permet l'atterrissage aux instruments) et déterminent les variations de vitesse des vents.
Détection des cisaillement de vent ou windshear
Les ondes émises par les radars ne sont pas très appropriées pour une détection précise et efficace des cisaillement de vent. Elle sont beaucoup moins réfléchies par les différentes couches d'air que par les obstacles environnants ou le sol et sont particulièrement sensible aux réflexions parasites et un traitement informatique très important est indispensable pour extraire les bonnes informations du bruit. De plus, un radar de ce type n'est efficace pour les moyennes distances, de 2 à 10 km, et très peu pour les courtes distances, moins de 2 km ; le temps de retour du faisceau d'ondes est d'autant plus court que la distance diminue (1/3 de millionième de seconde pour 100 m) et l'écho réfléchi risque de revenir sur l'antenne avant que l'émission du signal l'ayant généré ne soit terminée ce qui entraîne des interférences.
Les ondes sonores sont presque un million de fois plus lentes dans leur déplacement (330 m/s au lieu de 300 000 km/s) et très bien réfléchies par les couches d'air de températures différentes, offrent bien meilleure solution sur les courtes distances. Le procédé est déjà ancien mais était difficile à mettre en oeuvre. En s'inspirant des technologies utilisées dans les antennes plates des radars et grâce au traitement informatique des échos reçus, il est maintenant possible de se servir du Sodar ou de ses dérivés, invention française (Voir article sur le radar, paragraphe Radars à " balayage électronique ").
Basé sur le même principe de base que le radar, le train d'ondes radioélectriques est simplement remplacé par un train d'ondes sonores de fréquence donnée, un « bip ». La transmission du son dans l'air varie fortement en fonction de la fréquence et le choix de celle-ci est primordial. Les ultrasons sont très bien réfléchis par les différentes couches d'air, mais sont trèsmal transmis : une portée d'une centaine de mètres est un exploit ! Les graves sont très bien transmis et le faisceau porte très loin, mais ils sont délicats à focaliser et il faudrait utiliser des réflecteurs paraboliques de très grandes dimensions (pour une fréquence de 10 Hz, il faudrait une antenne d'environ 300 m de diamètre). De plus, ces fréquences sont moins bien réfléchies par les différentes couches d'air et, dans la nature, les sons graves sont omniprésents (moteurs, vent dans les arbres, etc) et constituent une source permanente de parasites. Le meilleur compromis semble être une fréquence sonore de 2000 Hz.
Ne s'agissant plus d'ondes radio mais d'ondes acoustiques, la conception électronique de l'antenne sera totalement différente de celle des radars. Sur les premiers appareils de sondage acoustique de l'atmosphère, un transducteur (haut-parleur spécialement conçu pour travailler sur une fréquence donnée) était placé au foyer d'une parabole, elle-même entourée par un tronc de cône. Cet ensemble constituait une « lentille acoustique » de focalisation permettant d'émettre un faisceau d'ondes sonores relativement fin. Le défaut majeur réside dans la nécessité de l'orienter mécaniquement, solution coûteuse et lourde à mettre en oeuvre.
Pour remédier à ce problème, l'antenne est conçue sur le même principe que les "antenne à balayage électronique". C'est d'une plaque portant plusieurs rangées comportant plusieurs diffuseurs chacune. La focalisation du faisceau sonore s'obtient en jouant sur la phase du signal émis par chaque diffuseur. Ces phases sont fixées de manière à ce que les amplitudes des ondes sonores s'additionnent dans la direction choisie ; dès que l'on s'écarte de cet axe, leur somme diminue jusqu'à s'annuler quand elles sont en opposition de phase - phénomène classique des ondes constructives et destructives. L'avantage de ce système réside dans la possibilité, simplement en modifiant la mise en phase des diffuseurs, d'orienter virtuellement l'antenne, sans aucune action mécanique. Dans la pratique, le calcul de la phase d'émission de chaque élément est confié à un ordinateur, capable de modifier extrêmement rapidement « l'angle de tir » de l'appareil.
Et comme pour les radars à balayage, outre cette tâche de gestion de l'émission, l'ordinateur traite également les échos reçus car, les transducteurs, comme tout haut-parleur, sont réversibles et peuvent fonctionner comme des micros. Ils captent ainsi les échos des signaux qu'ils ont émis. Tout comme dans le cas de l'émission, l'antenne réceptrice est ainsi virtuellement orientable. En effet, si l'écho provient d'un point situé dans l'axe de l'antenne, l'ensemble des capteurs le reçoit avec une phase identique, chacun d'entre eux étant à la même distance du point de réflexion. En revanche, si le point de réflexion n'est pas dans l'axe, certains diffuseurs seront plus proches de lui. Ceci se traduira par un écart de phase du signal reçu par chaque diffuseur. Cet écart sera mis à profit par l'ordinateur pour déterminer la direction de ce point. Il sera donc possible de ne retenir que ceux provenant de la zone observée.
Après analyse de la phase et de l'amplitude des échos, l'ordinateur fournira une image des couches d'air rencontrées par le faisceau. Cette image pourra être présentée en fausses couleurs ou, si l'on souhaite avoir de plus amples précisons sur les turbulences que les couches d'air renferment, sous forme de vecteurs dont l'orientation et la longueur indiqueront respectivement la direction et l'intensité des vents.
Si le Sodar ne présente pas grand intérêt sur le plan météorologique pur en raison de la zone extrêmement locale qu'il analyse, il est, en revanche, un instrument précieux pour la surveillance des entrées de pistes dans les aéroports. Ce système a été testé, il y quelques années, à Roissy-Charles De Gaulle mais je ne sais pas ce qu'il en est actuellement.
Dominique Ottello