L'idée de s'élever, de se mouvoir, de se diriger dans l'air comme les oiseaux, les insectes, les chauves-souris ou les poissons volants, a hanté depuis très longtemps l'esprit de l'homme. Ce rêve, les traces que nous en avons remontent à l'antiquité grecque...
La liberté pour deux Grecs
Il semblerait, du moins c'est ce que dit la légende, que le premier homme ayant volé (et atterri) fut Dédale, arrière-petit-fils d'Erecthée, roi d'Athènes. Condamné à un bannissement perpétuel pour avoir assassiné son neveu, il se retira en Crête, où il construisit pour Minos le fameux labyrinthe, dans lequel il fut enfermé pour avoir aidé Ariane et Thésée. Pour en sortir, il se fit des ailes qu'il s'attacha avec de la cire ; il en fit autant pour son fils Icare. Il prit son vol vers l'Italie et atterrit dans la Calabre, sur les rochers de Cumes. Mais Icare, contre l'avis de son père et grisé par cette liberté, s'est élevé et approché trop près du soleil, alors la cire qui tenait les plumes de ses ailes se mit à fondre, il tomba dans la mer et fut ainsi la première victime de l'aviation. Nous connaissons tous cette légende. Mais si nos deux héros existèrent, il est plus probable qu'ils échappèrent à Minos et à sa galère grâce à un navire équipé de voiles, dont l'usage n'était alors pas connu en Grèce. Icare (trop curieux ?) tomba par-dessus bord et se noya. Comme le voilier ne fut pas rattrapé, on rapporta au roi que Dédale s'était enfui avec des ailes... Le rêve était né, il y a plus de 3000 ans.
Du rêve à la raison
Mentionnée par une seule de nos sources et non trouvée sur la toile, cette tentative de vol serait la première de l'histoire. Mansourah, près de Tlemcen, en Algérie. Nous sommes à l'aube du XIVe siècle et on vient d'y achever de construire une tour-minaret qui défiera les siècles (on peut encore aujourd'hui en admirer l'imposante ruine). L'architecte a eu l'idée de répéter la tentative de Dédale et Icare. Il se jette dans le vide du haut de sa tour, soutenu par des ailes de toile et... il aurait plané... Cette histoire est d'autant plus sujette à caution que celui qui la rapporte la situe au Xe siècle alors que la construction de la tour de Mansourah commence vers l'an 1300.
Ce qui est certain, c'est que nombreux furent les hommes qui s'essayèrent à « voler » en imitant le Dédale de la légende. Le premier homme volant dont l'histoire ait conservé le nom est J.-B. Dante de Péronne, au XVe siècle, que ses ailes trahirent et qui se cassa les jambes. On trouve aussi Olivier de Malmesbury, bénédictin anglais au XVIe siècle, qui s'étant conformé à la description donnée par Ovide des ailes de Dédale fit l'essai et en resta infirme.
D'après certains historiens, un moine savant anglais, Roger Bacon, aurait été le premier, au XIIIe siècle, à penser au ballon et au dirigeable, plus légers que l'air. Dans une traduction de son oeuvre "Secrets de l'art et de la nature" éditée à Paris en 1542 (250 ans après sa mort) on trouve le passage suivant : "Un tel engin doit être un grand globe creux en cuivre ou tout autre métal approprié extrêmement fin, le rendant aussi léger que possible. Il doit être rempli d'un air éthéré ou de feu liquide, et lâché d'un endroit élevé dans l'atmosphère où il flottera comme un vaisseau sur l'eau." Bacon omit de spécifier comment obtenir l'air éthéré nécessaire...
La première approche scientifique du vol fut celle d'un Italien bien connu des Français, au début du XVIe siècle...
Léonard de Vinci, le génie
Avant 1500, Léonard de Vinci, le premier, étudie scientifiquement le problème. Des pages et des pages d'écriture, plus de quatre cents dessins l'attestent: le Florentin a pressenti l'hélicoptère et le parachute. Le règne de l'air et celui de l'eau ont particulièrement attiré son attention. L'aérologie conduit, à partir du vol des oiseaux, à des principes qui doivent mener au mécanisme général d'une machine. Personne, pas même Léonard de Vinci, n'avait découvert que le cœur d'une hirondelle en vol doit battre 800 coups par minute, un pigeon respirer 400 fois par minute... Il n'est pas possible au corps humain de se mesurer à des moteurs à aussi haut régime. Cependant Léonard de Vinci a compris qu'il ne fallait pas imiter servilement la nature mais l'interpréter mécaniquement. Il pensa augmenter la force musculaire au moyen d'un système de leviers et de poulies, symboles, à l'époque, de la pointe du progrès technique et de la puissance mécanique. Dessins et expériences datent de la seconde période florentine (1481-1482), puis du séjour milanais (1482-1499). Un modèle aurait volé, mû par un moteur à ressort. Des essais de vol en vrai grandeur ont dû être faits, mais nul n'en a conservé la trace. Les écrits et dessins de Léonard de Vinci n'ont été réellement connus que deux siècles et demi après sa mort...
De Léonard à Jean-François
Il est difficile, pour les premiers temps des « vols » des plus lourds que l'air de séparer explicitement l'aérostation des machines volantes, elles-mêmes classées en trois catégories : les hélicoptères, les orthoptères et les aéroplanes. Une machine volante est un appareil plus un moteur tel que le premier, actionné par le second, enlève tout le système, le soutienne et le dirige dans l'air et le tout de manière autonome. Les hélicoptères sont destinés à s'élever verticalement à grâce à des "ailes" tournantes actionnées par un moteur. Les orthoptères sont des appareils destinés à imiter le vol ramé, au moyen d'ailes battantes. Les aéroplanes ont pour objet d'imiter le vol plané à l'aide de surfaces "planes", immobiles et animées dans leur ensemble d'un mouvement de propulsion horizontale ; la sustentation est le résultat de la propulsion.
Francesco di Mendoza, mort en 1626, émit l'idée qu'un vaisseau de bois rempli de "feu élémentaire" pourrait flotter dans les airs. Puis John Wilkens, évêque de Chester, reprit l'idée de Bacon et déclara que l'air des plus hautes couches de l'atmosphère étant d'une densité plus faible que celui des couches inférieures, une enveloppe remplie d'air des couches supérieures pourrait s'élever.
Un jésuite, Francesco de Lana-Terzi, pensa qu'un vide presque total obtenu par la pompe à air (inventée en 1650) était à la fois plus léger et plus pratique à obtenir qu'un "air éthéré" pu un "feu élémentaire". Il fit le premier projet précis et fondé sur des bases scientifique d'un véhicule plus léger que l'air, en 1670 : Fabriquer 4 minces sphères de cuivre, en extraire l'air, les attacher à un équipage en forme de bateau et le laisser s'élever. Malheureusement, les essais et les calculs montrèrent que si les sphères étaient assez légères pour devenir moins pesantes que l'air, elles imploseraient sous la pression atmosphérique, et si par contre elles étaient plus résistantes, elles devenaient trop lourdes...
En 1678 ou 1679, un serrurier de Sablé (dans le Maine) nommé Besnier construisit des voiles ou de volets à leviers, mus par le jeu alternatif des mains et des pieds. Il se jeta d'un toit et put ralentir sa chute et tomber doucement à une certaine distance. Il aurait ainsi fait quelques glissades.
De 1709 à 1720, le Père Bartolomeu Lourenço de Gusmão, un autre Jésuite, de Lisbonne, inventeur du Passarola (Grand Oiseau), extravagant aérostat qui aurait prit son vol le 5 août 1709, eut, paraît-il, un certain succès, mais on manque de détails sur ses expériences et il mourut sans livrer son secret. Un récit contemporain de l'un des essais accompli par Gusmão devant le roi du Portugal, au palais royal, nous dit que Gusmão alluma un feu dans une maquette qui s'éleva rapidement et glissa dans les airs. Son vol fut brusquement interrompu lorsqu'elle heurta les rideaux... la machine se renversa et les enflamma ainsi que d'autres objets dans la pièce. Le chroniqueur rapporte que le roi ne s'offusqua pas des dégâts, qui durent lui paraître minimes vu l'intérêt de l'expérience. Les dessins que l'on connaît nous montrent une machine équipée de tous les systèmes de sustentation possibles : parachute, ailes battantes, air raréfié, aimant et même fusées... toute la panoplie ! Ces dessins furent probablement l'œuvre d'un artiste à l'imagination débordante qui entendit parler des expériences de Gusmão et en donna sa propre interprétation.
Le Suédois Emanuel Swedenborg (1688-1772) imagine en 1714 une machine volante réduite à une aile ovale de 55 m², propulsée par des rames. La première "aile volante" en quelque sorte.
Nous voilà en 1742 : Jean-François Boyvin de Bonnetot, Marquis de Bacqueville, tente de traverser la Seine en sautant du toit de son hôtel, quai des Théâtins, à l'aide de quatre ailes accrochées aux bras et jambes. Son équipement est proche de celui de Besnier. Il s'élance et arrive à planer. Il réussit presque, mais se pose prématurément et brutalement sur un bateau-lavoir et se casse une jambe.
Un certain Allard sortit estropié de ses essais sous Louis XVI.
Le chanoine Desforges s'élança avec son cabriolet volant en 1772 du haut de la tour Guitet, à Etampes, mais sans succès.
Launay et Bienvenu présentèrent à l'Académie, en 1784, un hélicoptère empruntant sa force à une lame de baleine fléchie. Egalement en 1784, on fonda de grands espoirs sur la machine de A.-J. Renaux. L'inventeur prétendait faire exécuter un mouvement de balancier à des ailes munies de clapets qui se fermaient à l'air quand chaque plan descendait. Il aurait effectué une glissade réussie à Embrun.
Au siècle des lumières, nombreuses sont donc les personnes qui défient ainsi la nature avec plus ou moins de lucidité, mais toujours avec passion.
Jean-Pierre, Sophie, Jean-François, Joseph-Michel, Jacques-Etienne, ...
La découverte de l'aérostat par les frères Montgolfier suscite un engouement tel pour les "globes" que les recherches sur les appareils plus lourds que l'air seront suspendues et vont prendre un certain retard. Blanchard, Resnier de Goué, Deghen, Berlinger (deux Français, un Suisse, un Allemand) proposeront bien quelques solutions et tenteront même quelques expériences en vol...
Jean-Pierre Blanchard (que quelques-uns appellent aussi François), aéronaute, né en 1753 aux Andelys, avait construit un navire volant lorsque Montgolfier inventa le ballon aérostatique. Il s'attacha à perfectionner ce dernier, inventa le parachute, et fit de nombreuses ascensions et démonstrations devant des foules enthousiastes, en Europe et en Amérique, de 1784 à 1808.
Le matin du 7 janvier 1785, l'aéronaute s'envole des falaises de Douvres, traverse la Manche et touche la terre ferme dans une forêt près de Calais. C'est la fortune, et la gloire. A partir de là, toutes les capitales se disputent sa curieuse machine, dirigée en partie à l'aide d'un gouvernail, en partie à l'aide de rames. C'est alors que Jean-Pierre et Sophie se rencontrent et s'unissent. Marie-Madeleine-Sophie Armant, née près de La Rochelle en 1778, prit part aux voyages aérostatiques de Blanchard, s'initiant aux manœuvres de la machine.
En 1808, au cours de sa 66ème ascension, près de La Haye, Jean-Pierre Blanchard est frappé d'une crise d'apoplexie dans son ballon. Il tomba de sa nacelle d'une hauteur de 20 mètres dont il ne se remettra pas. Il mourut onze mois plus tard. Après le temps de l'opulence, la gène financière s'était installée au foyer. D'une force de caractère peu commune, Sophie reprend le flambeau et veut gagner sa vie comme l'avait fait son mari. Et d'emblée, le succès est éclatant. Toutes les grandes villes françaises se l'arrachent, bientôt suivies par les capitales européennes.
Si en général, ses ascensions se passent bien, quelques-unes frôlent la tragédie. Ainsi en 1812 à Turin, où un fort courant l'emporte soudain en altitude dans une zone si froide que ses mains et son visage se couvrent de glaçons. A la descente du ballon, les paysans accourus ont été terrifiés à la vue de cette femme figée dans une raideur cadavérique. Cinq années plus tard, à Nantes, alors qu'elle tente de se poser, un fort vent se lève et emporte le ballon qui ira s'écraser dans un arbre. L'équilibre de la nacelle est précaire et Sophie en sera difficilement extraite par les témoins. Le temps passe et son succès va croissant.
Le 6 juillet 1819, elle se produit dans le cadre d'une fête organisée par Ruggieri, directeur du Tivoli, dans ses jardins rue de Clichy à Paris. Ruggieri a pensé à une ascension marquée par l'embrasement d'une couronne de feux de Bengale, pour donner l'impression d'un feu d'artifice tombant du ciel. Hélas, alors que le ballon s'élève, il est pris dans un courant qui déséquilibre l'aéronaute et la torche enflammée qu'elle tient vient au contact de l'orifice de l'enveloppe remplie d'hydrogène. Sophie tente vainement d'étouffer le feu qui se propage. Le vent pousse le ballon dont l'enveloppe résiste encore vers Paris, il s'abat sur une maison de la rue de Provence. La nacelle après avoir glissé sur le toit s'arrête brutalement sur un crampon. Sophie Blanchard est précipitée dans le vide et se tue.
Elle fut la première femme aéronaute, un fabuleux destin, elle à qui son époux moribond avait prédit "tu n'auras après moi d'autre ressource que de te noyer ou te pendre".
L'histoire a surtout retenu le nom des Montgolfier. Lorsque Cavendish eut découvert l'hydrogène, en 1766, le Docteur Black essaya, sans y réussir, de faire monter dans l'air une vessie remplie de ce gaz extrêmement léger. Les deux frères Etienne et Joseph Montgolfier, fabricants de papier à Annonay (Ardèche), furent plus heureux. Le 5 juin 1783, une enveloppe faite d'une toile d'emballage, doublée de papier, de forme à peu près sphérique, ayant environ 866 m³ de capacité, ouverte par en bas, et portant suspendu à sa partie inférieure un réchaud, fut lancée solennellement sur la place publique d'Annonay. Bientôt le physicien Charles imita cette expérience en substituant l'hydrogène à l'air chaud, et le premier ballon qu'eût encore vu Paris s'éleva au Champ-de-Mars le 27 août 1783, salué par le canon, au milieu d'une foule immense qui couvrait les places, les avenues et les toits. Montgolfier renouvela à Versailles, en présence de la cour, l'expérience d'Annonay, avec un aérostat qui s'éleva à un demi-kilomètre, emportant un mouton, un coq et un canard dans une cage suspendue à l'appareil. Ces animaux revinrent sains et saufs. Montgolfier et son collaborateur Pilâtre de Rozier firent peu après une ascension en ballon captif.
Enfin, le 20 novembre 1783, Pilâtre, enhardi par ce premier succès, se hasarda avec le marquis d'Arlandes sur un aérostat entièrement libre, et fit ainsi le premier voyage aérien.
Le 7 janvier 1785, Blanchard et Jefferie accomplirent la traversée de Douvres à Calais. Le 15 juin de la même année, l'aventureux Pilâtre de Rozier et Romain tentaient une expédition semblable en ballon à hydrogène, mais les deux aéronautes trouvèrent la mort sur les falaises de Boulogne.
Deghen, s'inspirant des travaux de Blanchard, tenta à Paris, en 1812, de réaliser un moyen terme entre l'aérostation, qui faisait fureur, et l'aviation. Il essaya de se mouvoir dans l'air après s'être suspendu par la ceinture à un petit ballon destiné à l'alléger. Il échoua et faillit être écharpé par la foule.
Autour de Sir George, le "père de l'aéronautique"
En 1799, l'Anglais Sir George Cayley, aujourd'hui considéré comme le "père de l'aéronautique", établit les principes du vol dans le projet d'un aéroplane disposant d'ailes fixes, d'une nacelle pour un pilote assis et d'un empennage équipé d'un stabilisateur et d'un gouvernail de direction et de profondeur. Dix ans après, il construisait le premier planeur habité de l'histoire, sur lequel il aurait décollé sur quelques mètres. Ses idées eurent cependant peu d'écho véritable, sinon auprès d'une poignée de bricoleurs inventifs parmi lesquels on peut compter l'ingénieur anglais Samuel Henson, mais aussi le Russe Alexander Mozhaiski et le Français Félix du Temple qui, dans les années 1880, font quelques bonds propulsés par un moteur à vapeur.
En 1800, Calais se lance du haut d'un mât au jardin d'Idalie (Paris), et sa machine se brise en tombant. A la même époque, l'autrichien Karl Friedrich Meerwein (1737-1810) aurait volé à deux reprises avec une aile volante ovale.
En 1842, Philipps construisit un hélicoptère à quatre ailes qui était un véritable tourniquet à vapeur, qui s'éleva.
En 1854, Leturr, à Londres, trouva la mort dans une expérience de parachute prétendu dirigeable.
De Groof, en 1871, revient à l'aviation proprement dite, et se tue dans une expérience à Crémone (1874) ; les ailes de sa machine étaient mues au moyen de bras et d'un ressort antagoniste en caoutchouc.
Dans les essais, on a souvent remplacé les surfaces planes et rigides par des surfaces un peu flexibles et légèrement concaves. Pour obtenir au début une vitesse suffisante sans le secours de la machine destinée à l'entretenir, on lance toujours l'engin.
En 1843, Henson lança un aéroplane à voiles fixes, muni en outre, pour la propulsion, d'hélices mues par une machine à vapeur. C'est l'"Aerial Steam Carriage" (ou "char à vapeur volant"), premier modèle d'un aéroplane digne de ce nom.
Décembre 1856. Sur la plage de Tréfeuntec (Finistère), avis de fort coup de vent. Une charrette emmène à toute vitesse un étrange canot ailé, l'Albatros. Dans l'aéronef, un marin sans peur, Jean-Marie Le Bris (1817-1872). Des témoins ont authentifié la scène : grâce à la vitesse cumulée du vent et de la charrette, le planeur breton a bel et bien décollé et s'est élevé à une altitude estimée à 100 m. C'est le premier vol attesté d'un plus lourd que l'air avec passager.
En attendant Clément
En 1863 paraissent les hélicoptères à ressort de montre du Vicomte Ponton d'Amécourt, de La Landelle et Nadar. C'est d'ailleurs de La Landelle qui inventa le mot "aviation" la même année. Les expériences de ses amis Nadar (nom d'emprunt de Félix Tournachon), G. de La Landelle et Ponton d'Amécourt inspirèrent à Jules Verne le roman Cinq Semaines en ballon.
Edmond Perrier, dans le National du 8 mai 1869 écrivait : "Laissons de côté, pour cette fois, le mode de locomotion des oiseaux, l'aviation, comme disent depuis quelque temps, - malheureusement pour nos oreilles - les gens qui voudraient nous inventer des ailes".
En 1865, le Vicomte construisit un hélicoptère à vapeur.
En 1870, Alphonse Pénaud invente le "moteur caoutchouc", bien connu aujourd'hui des jeunes modélistes. En tordant un écheveau de caoutchouc sur lui-même, il a obtenu un moteur extrêmement léger. L'année suivante, il fait voler un petit appareil à aile battante, et un hélicoptère, jouet amusant et peu coûteux.
Pénaud et Gauchot proposent en 1876 un aéroplane avec coque amphibie (avec des redans, dispositif qui sera réinventé 40 ans plus tard, en 1912 !), train d'atterrissage escamotable, hélices à pas variable, gouvernes compensées et commande unique pour la profondeur et la direction !
Pauvre Penaud... cherchant désespérément un financement, et repoussé par Giffard (à l'époque très célèbre et très riche, mais partisan du plus léger que l'air) en qui il pensait pouvoir trouver un mécène, il s'est suicidé.
Vers 1874, le Français Félix du Temple parvient à lancer son aéroplane à vapeur le long d'un plan incliné, avec un jeune marin à bord. Mais pour qu'il y ait décollage, il ne faut ni plan incliné ni moyen additionnel (catapulte, contrepoids), et, pour qu'il y ait vol, il faut: trajectoire soutenue, dirigeabilité, enfin atterrissage à un niveau au moins égal à celui du point de départ.
En 1890, Tatin et Richet perfectionnent la construction d'un petit aéroplane à vapeur qui pèse 33 kg et a 6,60 m d'envergure, et qui, en juin 1897, fut expérimenté à Sainte-Adresse, près du Havre. Lancé sur la piste, il s'éleva, puis s'abaissa, se releva encore, et tomba dans la mer à une distance de 140 m.
En 1894, un nommé Delprat songea, pour actionner les ailes, à transformer le mouvement alternatif des membres, et construisit une bicyclette, dite "aérienne" qui, comme ses congénères, ne quitta jamais le sol.
Clément Ader : une vocation tardive mais obstinée
Du téléphone à l'Eole
Le français Clément Ader, né à Muret en 1841, mort à Toulouse le 3 mai 1925, est le premier à avoir fait voler un engin autopropulsé autonome plus lourd que l'air le 9 octobre 1890. Jusque là, il s'était montré un bon ingénieur, sans plus.
S'il avait, dix ans auparavant, installé les premières lignes téléphoniques et apporté quelques perfectionnements à la transmission électrique de la voix, il l'avait fait en honnête technicien, sans éclat. Rien, jusqu'en 1880, ne laissait prévoir que cet ingénieur prudent allait lever les yeux vers le ciel et s'attaquer au problème qui depuis trente-cinq siècles hantait l'esprit des hommes.
Un jour qu'il se rendait au Ministère des Postes, comme toujours ganté de noir et coiffé d'un minuscule chapeau melon, il avait entendu un crissement de soie dans le ciel. Allongeant son cou hors du haut col à angles droits - dont le port donnait un indéfectible sérieux aux "messieurs" de cette époque - il avait suivi la brève apparition, entre deux maisons, d'un cigare jaune que traînait péniblement une hélice. C'était le jeune ingénieur Giffard qui pour la première fois essayait son dirigeable muni d'un moteur à vapeur et démontrait qu'on pouvait un jour espérer diriger les ballons, les aérostats, comme on les appelait.
Ader regarda longuement le ballon pointu des deux bouts qui, dans le vent qui le poussait, amorçait à droite et à gauche des esquisses de virages sans cependant jamais arriver à tourner bout pour bout et à se mettre le nez à la brise. L'ingénieur des téléphones resta longtemps à la même place, les yeux levés vers le ciel bleu redevenu vide. Puis il haussa les épaules et reprit son chemin d'un pas rapide vers son bureau, attentif à rattraper le temps perdu. Mais son regard restait pensif...
L'Avion
Clément Ader exulte ! Cet après-midi, dans le parc du château d'Armainvilliers, le savant français a volé aux commandes d'une machine volante de sa conception, l'Eole. C'est dans le plus grand secret qu'Ader et ses assistants étaient venus s'installer dans la propriété de Mme Isaac Péreire, la veuve du célèbre banquier. Dès le mois d'août, des essais ont eu lieu et, aujourd'hui, à l'exception de Mme Péreire, d'une de ses amies et de sa famille, il n'y avait dans l'enceinte du château que Clément Ader et ses deux contremaîtres, Eloi Vallier et Espinosa. Une aire de manœuvre de 200 mètres de long sur 25 de large, battue au rouleau et entièrement dégagée de tout obstacle, avait été préparée. Dans l'après-midi, "l'avion", c'est ainsi que l'ingénieur appelle l'Eole, est amené sur la piste. Il n'y a pas de vent, ce que souhaite Ader, car, en dehors des commandes du moteur et de celle qui permet de reculer ou d'avancer les ailes, l'Eole ne dispose pas de gouvernail. Un peu avant quatre heures, on met en marche le moteur. Il est à vapeur, à deux cylindres et d'une qualité exceptionnelle. D'une puissance de 20 ch., l'ensemble moteur, chaudière et condenseur compris, pèse moins de 3 kg par cheval, du jamais vu ! Pour être certain de décoller, Ader a allégé au maximum l'Eole, en enlevant deux des réservoirs. Le moteur fait tourner un arbre horizontal qui entraîne l'hélice dont les quatre pales sont en bambou refendu. Prouesse étonnante, les ailes sont articulées et repliables. Savamment étudié, leur profil en creux les distingue des aéroplanes de l'époque. A quatre heures quatre minutes, l'Eole roule sur la piste improvisée, puis, ayant augmenté la vitesse du propulseur, Ader se sent soudainement soulevé dans l'air. Au même moment, les assistants d'Ader placés à mi-distance sur la piste, voient les roues se détacher du sol et l'Eole parcourir une cinquantaine de mètres en rasant la piste à 20 cm avant de retoucher le sol. Il est 16h06. Ader sort de la machine visiblement ému. Sans perdre son sang-froid, et avant de rédiger un procès-verbal, il ordonne à tous de garder le secret et demande à ses contremaîtres de marquer l'endroit exact où ils ont vu les roues de l'Eole quitter terre.
Un exploit sans lendemain et une bien étrange machine, fabriquée de A à Z par Ader. Parmi d'autres bizarreries, des ailes en bois articulées, recouvertes de soie et inspirées de celles d'une chauve-souris, la roussette des Indes. Inventeur surdoué mais isolé des autres chercheurs par le secret militaire, Ader ne pourra jamais assurer la stabilité de ses modèles. Après un échec en 1897 avec l'Avion III, l'armée lâche le pauvre Clément qui, dégoûté, abandonne toute recherche. Il détruira ses plans et brûlera l'Eole. Seul à subsister, l'Avion III dont il fait don au Musée des Arts et Métiers.
C'est Clément Ader qui a créé le mot "AVION" comme peut en témoigner le "Mémoire descriptif à l'appui de la demande d'un brevet d'invention" où, pour la première fois, ce mot - du latin avis, oiseau - est employé. Ader l'a adopté pour distinguer son invention des aéroplanes qui n'étaient alors que des planeurs. Le mot avion désigne aujourd'hui tout appareil d'aviation piloté, ou aéronef, qui, parmi les plus lourds que l'air, ou aérodynes, assure sa sustentation au moyen d'ailes fixes (ou à géométrie variable) et dont la propulsion est assurée par un ou des moteurs. Sont donc exclus des aérodynes, les planeurs et les hélicoptères.
Cependant, en juillet 1894 dans le Kent, l'Américain naturalisé Anglais Sir Hiram Stevens Maxim fait brièvement décoller son "aéroplane". Cette machine, une cellule biplan propulsée par deux petits moteurs à vapeur, avait une superficie de voilure de 370 m² pour un poids de 3600 kg et emportait un équipage de trois hommes. Les rails à glissières, sur lesquels s'est fait le lancement, ont été soulevés par la machine. Le principal intérêt de cet engin dans l'histoire de l'aviation est d'avoir été une curiosité. On doit à Maxim un total de deux cent soixante et onze inventions, parmi lesquelles un piège à souris perfectionné et, hélas, le fusil automatique qui porte son nom.
Les frères Wright ne sont pas loin...
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