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Guide d'identification Lockheed SR-71 Blackbird |
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Plan 3 vues |
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Historique |
En concurrence directe avec le Supermarine Spitfire pour le prix du plus bel avion ayant un jour pris l'air, le SR-71 n'est aujourd'hui plus en service, du moins officiellement. Il continue néanmoins à faire des essais à haute altitude pour la compte la NASA.
En 1959, le gouvernement américain lança secrètement un appel d'offre (projet Gusto) pour doter la CIA d'un appareil de reconnaissance stratosphérique capable de succéder au U-2 dans sa tâche, ce dernier étant trop vulnérable aux missiles de longue portée. La CIA cherchait donc à acquérir un avion capable de voler à Mach 3+ et à très haute altitude. De nombreux constructeurs répondirent présents, dont Boeing, Convair, General Dynamics, North American et Lockheed, à travers sa structure des projets spéciaux, les Skunk Works. Ce dernier l'emporta.
Une salade russe de désignations
Soyons précis à ce sujet pour ne perdre personne :
Le concept proposé par le directeur des Skunk Works, l'ingénieur Clarence "Kelly" Johnson, portait le code A-1. La lettre A fait certainement référence au programme Archangel, nom interne aux Skunk Works pour désigner le projet Gusto (le programme du U-2 portait le code Angel, ceci expliquant cela). Pour l'anecdote, le nom officiel du projet chez Lockheed était OXCART, ce qui compliquait encore les choses... Il fallut attendre le projet A-7 pour voir surgir un design ressemblant grossièrement à celui que nous connaissons aujourd'hui. Pire encore, ce n'est qu'au onzième coup d'essai que sortit de la feuille de dessin l'avion qui serait construit et testé, le futur A-11.
L'avion ne fut dévoilé que tardivement par le président Lyndon Johnson, deux ans après son premier vol, sous le code A-11.
La CIA répertoria l'appareil sous le code A-12, une nomenclature qui ne correspondait à aucune logique de classification en vigueur à ce moment-là. Cette dénomination CIA A-12 vient de "article 12", la ligne budgétaire
qui a permis de financer le projet. La CIA commanda un premier lot de 12 avions.
Les documents OXCART désignent effectivement l'avion sous le code A-11.
Bref, tout ceci pour dire que le A-12 était en fait un A-11 qui servit de base au futur YF-12A. Certains disent cependant que de légères transformations (section radar réduite) du A-11 ont permis de le redésigner A-12. Si après ça, quelqu'un a de l'aspirine, je suis preneur.
Premiers vols du A-12
L'appareil vola pour la première fois le 26 avril 1962 à partir de Watertown Strip (Groom Lake), dans le Nevada. A noter que l'avion décolla à l'insu de son pilote, qui n'avait prévu pour ce jour-là que des roulages à grande vitesse et qu'il n'était alors pas noir mais simplement argenté, le revêtement de protection n'étant pas encore appliqué. Son existence demeura secrète jusqu'au 30 septembre 1964, date de présentation au public. Très rapidement, il s'appropria un certain nombre de records tels que ceux de la plus haute altitude en vol stabilisé (24 462 m), la vitesse moyenne la plus élevée sur un circuit de 500 km (2 644 km/h) ou de 1000 km (2 718 km/h).
L'avion était presque 100% nouveau tant ses caractéristiques de vol étaient particulières. Du coup, il a fallu tout inventer :
le révolutionnaire moteur Pratt & Whitney J58, capable de rester continuellement en post-combustion;
l'alliage de titanium Beta B-120 pour le fuselage, afin de résister aux hautes températures du vol trisonique (80% des premiers alliages produits ont dû être rejetés car insatisfaisants);
le carburant à faible volatilité JP-7;
des huiles lubrifiantes haute température;
Du A-12 au YF-12A
En 1959, Lockheed réussit à convaincre l'USAF qu'un A-12 modifié en intercepteur ferait un meilleur remplacement pour le F-106 que le coûteux et moribond programme F-108 Rapier. Les militaires, intéressés par cette option, autorisèrent la modification de trois A-12, qui prirent alors la désignation AF-12 avant d'être renommés YF-12A. Contrairement au A-12, un pur monoplace, le YF-12 était un biplace en tandem, doté d'un radar de tir et d'un armement qui lui était spécifique. Il vola pour la première fois le 7 août 1963 et entama une série de tests qui se prolongea sur deux années. Durant cette période, un YF-12A fut perdu dans un accident et près d'une dizaine de tirs de l'énorme missile air-air longue portée AIM-47A Falcon. Les résultats furent cependant si enthousiasmants qu'une commande de 93 F-12B fut votée par le Congrès le 14 mai 1965. Néanmoins, le Secrétaire à la Défense Robert McNamara enterra le programme en refusant de donner l'argent, car il estimait que l'avion n'était pas une nécessité vitale. Les YF-12 furent reversés à la NASA en 1969.
M-21 et D-21
Deux avant le premier vol du A-12, le pilote de U-2 de la CIA Francis Gary Powers fut abattu au-dessus de l'Union Soviétique. Le tollé diplomatqiue qui suivit força les Etats-Unis à signer un accord qui interdisait le survol des territoires soviétique et américain par des appareils pilotés. Le A-12, conçu comme appareil de pénétration profonde, se voyait donc privé de son principal rôle sans même avoir encore servi. Kelly Jonhson pensa avoir trouvé la parade à ce traité en transformant le A-12 en plateforme de lancement d'un drône D-21 (D pour Daughter ou fille). Dans ce cas, le A-12 (dont deux exemplaires furent construits à cet effet, les n° 940 et 941) prenait la dénomination M-21 (M pour Mother ou mère). L'ensemble était codé M/D-21.
Le D-21, totalement automatique, était largué par un M-21 à une vitesse supérieure à Mach 3 et à une altitude de 80 000 ft. Il devait ensuite suivre un plan de vol prépogrammé, prendre les images nécessaires et se délester de ses caméras au-dessus d'un territoire neutre ou ami avant de s'autodétruire.
Trois vols d'essai furent menés à bien sans rencontrer de problèmes, le M-21 devant s'inscrire dans une descente à 0,9G pour permettre une séparation propre. cette manoeuvre n'étant pas des plus simples à exécuter en territoire ennemi, lors du quatrième test, il était prévu de faire un plongeon à 1G. Deux secondes après avoir décrocher D-21, celui-ci, déséquilibré par les turbulences de sillage du M-21, vint frapper son avion-porteur et le coupa proprement en deux. Les pilotes attendirent d'avoir atteint une altitude plus convenable avant de s'éjecter et de tomber en mer, où le navigateur se noya. Cette mort mit fin au projet M/D-21.
Du YF-12A au SR-71
Le programme de développement du A-12, dont une douzaine d'appareils volaient régulièrement pour le compte de la CIA, conduisit à la conclusion que la version biplace YF-12A était nettement plus pratique lorsqu'il s'agissait de mener à bien des missions de reconnaissance stratégique à une telle vitesse et à de telles altitudes. Du coup, sur demande de l'USAF, un YF-12A fut prélevé et transformé en avion espion, prenant de ce fait la désignation SR-71A. Le premier avion de série vola le 22 décembre 1964. A partir de cet instant, les États-Unis disposaient de deux appareils de reconnaissance Mach 3+.
Le 28 décembre 1966, le Bureau du Budget décida que l'un des deux appareils, du A-12 ou du SR-71, devait être retiré avant le 1er juin 1968 pour cause de double emploi. Jusqu'à cette date, les A-12 basés à Kadena (Japon) effectuèrent plusieurs missions au-dessus de la Corée du Nord et du Vietnam. En novembre 1967, le A-12 et le SR-71 furent testés pour savoir lequel d'entre eux resterait en service. Le SR-71 l'emporta même si les résultats des tests sont aujourd'hui sujet à débat tant, pour certains, le A-12 semblait supérieur. Rapidement, le SR-71 remplaça le A-12 dans ses missions de reconnaissance, le A-12 volant pour la dernière fois le 8 mai 1968.
Entre 1968 et 1990, année de son retrait du service actif, le SR-71 a effectué près de 3 550 sorties opérationnelles au-dessus de pays comme l'ex-Union Soviétique, la Corée du Nord ou la Libye. Un grand nombre d'avions ont été perdus, surtout parce la technologie était encore mal connue et que les Blackbirds ont donc essuyé les plâtres, comme le montre le tableau ci-dessous :
Type |
Construits |
Perdus |
A-12 |
13 |
5 |
M-21 |
2 |
1 |
YF-12 |
3 |
2 |
SR-71A |
29 |
11 |
SR-71B |
2 |
1 |
SR-71C |
1 |
0 |
Officiellement, le SR-71 n'a pas de remplaçant dans le domaine de la reconnaissance stratégique, outre les satellites d'observation militaire. Cependant, quelques membres de la communauté aéronautique estiment aujourd'hui que l'US Air Force maintient, à partir de la base ultra-secrète de Groom Lake (Area 51) dans le Range de Nellis AFB (Nevada), quelques appareils de la classe Mach 6+ répondant au nom de code Aurora. L'avenir dira si tout cela se confirme.
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Spécifications |
Dimensions (SR-71A seul) |
Envergure |
16,95 m |
Longueur |
32,74 m |
Hauteur |
5,64 m |
Surface alaire |
163,23 m² |
Masse à vide |
27 215 kg |
MTOW |
77 110 kg |
Masse de carburant |
36 290 kg |
Performances |
Vitesse maximale |
3 220 km/h à 24 000 m 2 125 km/h à 9 145 m |
Vitesse de décollage |
370 km/h |
Vitesse d'approche |
334 km/h |
Vitesse en courte finale |
278 km/h |
Vitesse typique de montée |
741 km/h |
Plafond pratique |
au-dessus de 24 400 m |
Consommation |
30 282 L/h |
Distance de décollage |
à 63 500 kg : 1 646 m |
Distance d'atterrissage |
à 27 215 kg : 1 097 m |
Rayon d'action moyen |
1 930 km |
Distance franchissable |
à 24 000 m sans ravitaillement à M.3 : 4 800 km |
Nota : les données sont trop parcellaires pour le A-12 et le YF-12A pour les présenter dans ce tableau. Si d'autres détails nous sont fournis, nous pourrons alors dresser un comparatif équitable.
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Motorisation |
Version |
Spécificités |
Toutes versions |
Deux réacteurs Pratt & Whitney JT11D-20B (J58) de 10 430 kgp chacun à sec et 14 740 kgp en post-combustion. Nous vous conseillons la lecture de l'excellent article de Philippe Rico à propos du J58 sur le site Aerostories. |
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Versions |
Version |
Spécificités |
A-12 |
Version de reconnaissance monoplace, construite pour le compte de la CIA, équipé de caméras à vision verticale. |
YF-12A |
Version destinée à devenir un intercepteur de haute altitude. Avionique : Radar doppler Hughes AN/ASG-18. Armement : missile air-air à guide semi-actif et infrarouge en phase terminale Hughes AIM-47A Falcon.
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F-12B |
Dénomination de série du YF-12A. |
YF-12C |
Dénomination provisoire du futur SR-71. |
M-21 |
Plateforme de lancement pour le drône D-21. |
SR-71A |
Version de reconnaissance biplace en tandem, les deux membres d'équipage (un pilote et un officier systèmes) s'asseyant dans des habitacles séparés. Côté améliorations, notons une plus forte attention portée sur la furtivité, avec des plastiques résistant à la chaleur recouvrant des structures absorbantes radar et une peinture Iron Ball qui en plus aide à dissiper la chaleur. Avionique spécialisée : caméras à vision latérales et divers senseurs.
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SR-71B |
Version destinée à l'entraînement. L'habitacle arrière reproduit le poste avant pour pouvoir former les nouveaux pilotes sur la machine. |
SR-71C |
Version destinée à l'entraînement issue de la transformation d'un SR-71A après la perte d'un modèle B. |
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Critères d'identification |
Plutôt que d'identification d'un avion aussi typique, il est surtout question dans ce cas de parvenir à différencier les différentes versions du A-12 et du SR-71. la chose est, somme toute, aisée : |
Le A-12 |
Très similaire au SR-71, les principaux éléments l'identifiant sont :
Disposition monoplace (pas de hublot à l'arrière de la verrière du cockpit) (1);
Apex de fuselage plus étroit, surtout au niveau du nez (2);
Fuselage plus étroit (3).
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Le YF-12A |
Le YF-12A est le plus simple à identifier :
Quilles anti-roulis sous les nacelles moteurs (1);
Apex de fuselage éliminé au niveau du nez (2).
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Le SR-71A |
Le SR-71A est le plus large de tous, le plus long aussi. Il n'a pas de quilles anti-roulis sous les nacelles (1) et son apex de fuselage est extrêmement large (2). Il est biplace, comme le YF-12, mais la silhouette diffère légèrement.
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Le SR-71B |
Le SR-71B est reconnaissable au premier coup d'œil grâce au deuxième cockpit surélevé pour donner au pilote-instructeur une meilleure visibilité vers l'avant.
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Pays utilisateurs |
États-Unis (US Air Force) |
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Où voir les Blackbirds ? |
Un grand nombre d'appareils est actuellement exposé dans des musées à travers les Etats-Unis. Voici où le touriste aéronautique pourra les trouver :
#924 A-12 Blackbird Airpark, Palmbale, CA
#925 A-12 Intrepid Sea and Air Museum, NY
#930 A-12 Alabama Space and Rocket Center, Huntsville, AL
#931 A-12 Minnesota ANG Museum, St Paul, MN
#933 A-12 San Diego Aerospace Museum, San Diego, CA
#935 YF-12A USAF Museum, Dayton, OH
#937 A-12 Southern Museum of Flight, Birmingham, AL
#938 A-12 USS Alabam Battleship Memorial Park, Mobile, AL
#940 M-21 Museum of Flight, Seattle, WA
#951 SR-71A Pima Air Museum, Tucson, AZ
#955 SR-71A AFFTC Museum, Edwards AFB, CA
#958 SR-71A Museum of Aviation, Robbins AFB, GA
#959 SR-71A Air Force Armament Museum, Eglin AFB, FL
#960 SR-71A Castle Air Museum, Merced, CA
#961 SR-71A Kansas Cosmosphere & Space Center
#962 SR-71A Imperial War Museum, Duxford, Angleterre
#963 SR-71A Beale AFB, CA
#964 SR-71A Strategic Air Command Museum, AShland, NE
#968 SR-71A Virginia Aviation Museum, Richmond, VA
#973 SR-71A Blackbird Air Park, Palmdale, CA
#975 SR-71A March Field Museum, March AFB, CA
#976 SR-71A USAF Museum, Dayton, OH
#979 SR-71A USAF History & Tradition Museum, Lackland AFB, TX
#980 SR-71A Dryden Flight Research Center, Edwards AFB, CA
#981 SR-71C Hill Aerospace Museum, Hill AFB, UT |
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Anecdotes |
L'alliage utilisé pour l'enveloppe du SR-71 était de nature assez poreuse et censé fournir le maximim de ses capacités à très grande vitesse. Du coup, l'avion avait tendance à perdre beaucoup de carburant au sol ou au moment des ravitaillements, le JP-7 fuyant entre les plaques légèrement disjointes car trop froides. La moindre photo d'un SR-71 au ravitaillement révèle ces traces de carburant s'écoulant sur le fuselage (voir photo ci-dessous). |
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Témoignages de pilotes |
indisponible |
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Photos |
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Bibliographie |
Pour aller plus loin, nous vous conseillons un epu de lecture :
Paul F Crickmore, Lockheed SR-71. The secret missions exposed, Osprey-Aerospace. |
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Auteur : Sergio |
Photos : NASA, Lochkeed Martin et US Air Force. |
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