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Guide d'identification SEPECAT Jaguar |
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Plan 3 vues |
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Historique |
En 1964, l’Armée de l’air cherche un remplaçant à ses Mystère IV , qui équipent les 7ème et 8ème escadres de chasse, ses F-100 des 3ème et 11ème escadres, ainsi que ses F-84 F des 1ère, 4ème et 9ème escadres qui arrivent à bout de potentiel. Une fiche-programme est établie par l’Etat-major pour un appareil devant faire l’objet de deux versions : un biplace d’entraînement avancé et un monoplace d’attaque au sol. Les spécifications prévoient une formule biréacteur, des capacités de décollage et d’atterrissage courts à partir de pistes en herbe, ainsi qu’un rayon d’action de 500 km à très basse altitude sur réservoirs internes.
De leur côté, les Britanniques sont confrontés depuis 1963 au remplacement des Folland Gnat, Hawker Hunter et Canberras. L’OTAN réfléchit également à un programme d’appareil d’appui tactique léger, de conception simple et pouvant être construit en grand nombre à faible coût.
En France, un programme baptisé ECAT (Ecole de Combat et Appui Tactique) fait l’objet d’un concours entre les constructeurs français. Les candidats en lice sont :
- Dassault, avec ses projets de la série 900,
- Sud-Aviation, avec son SAX-126 « petit Vautour »,
- Bréguet, avec son projet 121A.
C’est ce dernier projet qui est choisi en 1965 ; ses principaux avantages sont sa simplicité de conception, sa facilité de maintenance et un temps de rotation réduit entre deux vols minimisé.
Les besoins communs de l’Armée de l’air et de la RAF conduisent les deux pays à signer un accord de coopération pour la réalisation d’un appareil commun issu du projet Br 121, qui sera réalisé par Bréguet et British Aircraft Corporation pour la cellule, Rolls-Royce et Turboméca pour les réacteurs.
Le 10 juin 1965, l’avion est baptisé Jaguar, un nom qui s’écrit de la même façon dans les deux langues, et qui évoque un animal rapide et courageux. En mai 1966 est créée la SEPECAT (Société d’Etude et de Production de l’ECAT).
La construction du 1er prototype E 01 débute dans l’usine Bréguet de Vélizy en décembre 1967. Bernard Witt le fait décoller d’Istres pour son 1er vol le 8 septembre 1968, après que les gouvernements français et britanniques eurent signé une commande de 200 appareils chacun. Le 8ème et dernier prototype décolle de Warton en Grande-Bretagne le 30 août 1971. Il s’agit du 1er biplace sortant des chaînes britanniques, et il est très proche de la version de série.
Le 1er appareil de série, le E 1, prend l’air à Toulouse où est située la chaîne d’assemblage française, le 2 novembre 1971 ; il est suivi le 15 mars suivant du E 2, avant d’être remis au CEAM de Mont-de-Marsan le 4 mai. La transformation du 1er escadron, l’EC 1/7 « Provence » va commencer l’année suivante, toujours à Mont-de-Marsan.
Une fois transformé sur sa nouvelle monture, l’EC 1/7 s’installe dans ses nouveaux quartiers de la base de Saint-Dizier le 24 mai 1973.
Dans l'avenir, les derniers Jaguars de l'Armée de l'Air devraient laisser leur place au dernier né de Dassault Industries, le Rafale.
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Spécifications |
Le Jaguar est un biréacteur mono- ou biplace en tandem de construction métallique. Il possède une aile haute, construite en une seule pièce, avec une flèche de 40° dont la structure bi-longerons abrite des réservoirs de carburant. Des becs de bord d’attaque à fente occupent 2/3 de l’envergure, entre les « fences » et le saumon d’aile. Le bord de fuite est occupé par des volets à double fente, les intérieurs se braquant à 40 °, les extérieurs à 23°. La voilure n’est pas équipée d’aileron. Le gauchissement est assuré par des spoilers sur l’extrados. Leur relatif manque d’efficacité à basse vitesse est compensé par le braquage différentiel de l’empennage horizontal monobloc (comme sur Tornado). Les entrées d’air ont une section carrée, sans piège à couche limite, et sont munies de trappes additionnelles sur le côté. Le train d’atterrissage massif permet d’utiliser l’avion sur des terrains sommairement aménagés. L’avion possède également un parachute-frein utilisé en secours, ainsi qu’une crosse d’arrêt certifiée à 2 g. Le monoplace possède une perche de ravitaillement en vol rétractable sur le côté droit de la pointe avant. Tous les Jaguar possèdent 2 canons de 30 mm (DEFA pour les français, Aden pour les autres) à l’exception des biplaces britanniques qui n’en possèdent qu’un.
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Dimensions |
Envergure (m) |
8,692 |
Corde à l'emplanture (m) |
3,58 |
Corde au saumon (m) |
1,13 |
Longueur (m) |
Jaguar A : 16,836 Jaguar E (sans perche) : 17,536 Jaguar E (avec perche de ravito) : 17,57 |
Hauteur (m) |
4,813 |
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Surfaces alaires |
Surface alaire (m²) |
24 |
Bec de bord d'attaque (m²) |
1,05 |
Volets (m²) |
4,12 |
Spoilers |
0,90 |
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Empennage |
Surface de la dérive (m²) |
3,90 |
Envergure empennage horizontal (m) |
4,53 |
Surface empennage horizontal (m²) |
7,80 |
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Masses |
Masse à vide équipé |
Jaguar A : 7 315 kg Jaguar E : 7 378 kg |
Masse au décollage avion lisse |
Jaguar A : 10 910 kg Jaguar E : 11 058 kg |
Masse maximale au décollage |
14 800 kg |
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Carburant |
Le carburant est contenu dans des réservoirs structuraux dans le fuselage et les voilures, ainsi que des réservoirs pendulaires RP 36 (jusqu’à 3). Les réservoirs interne ont un capacité totale de 3360 kg, chaque RP contient 956 kg de pétrole. Nota : sur Jaguar comme sur Mirage 2000 (et Transall), le pétrole est compté en kilogrammes, alors que sur Mirage III, F1 et autres Alphajet, il est compté en litres. Sur C-135, il est compté en livres (!) |
Performances |
Vitesse maximale haute altitude |
M1.35 |
Vitesse maximale basse altitude |
M1.1 |
Vitesse d'atterrissage (kt) |
135 |
Vitesse de décollage (kt) |
180 |
Facteur de charge max. |
+ 7.5G |
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Motorisation |
Le Jaguar est propulsé par 2 turboréacteurs double corps et double flux Rolls-Royce Turboméca Adour. Les chiffres suivants s’appliquent aux moteurs des avions français.
- Masse : environ 750 kg
- Longueur : 2.97 m
- Diamètre de la soufflante : 0.56 m
- Taux de dilution : 0.8
- Taux de compression : 11
- Poussée unitaire max à sec : 2343 kg
- Poussée unitaire pleine charge PC : 3313 kg
Un système de PC modulée permet, lorsqu’il est enclenché, un allumage partiel de la post-combustion à partir du régime de 80 %, et d’atteindre pratiquement la PC mini alors que la manette des gaz est encore en secteur « plein gaz sec » à 100 % ; cela évite les à-coup de poussée au branchement de la PC dans les phases délicates comme le ravitaillement en vol, et donne plus de souplesse de pilotage en mono-réacteur.
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Versions |
Version |
Spécificités |
Jaguar A |
Monoplace français d’attaque au sol. 2 prototypes (A 03 et A 04) et 160 appareils de série (A 1 à A 160). |
Jaguar E |
Biplace français d’entraînement. 2 protoypes (E 01 et E02) et 40 appareils de série (E 1 à E 40). Ne possède pas le système d’armes du A. Ravitaillable en vol. |
Jaguar M |
Prototype du Jaguar Marine (M 05 / F-ZWRJ) Prévu pour entrer en service vers 1975, il est finalement abandonné, au profit du Super-Etendard.. Le Jaguar M 05 est donc l’unique représentant d’une version qui devait être construite à 50 exemplaire pour équiper 3 flottilles. Par rapport aux autres versions, la structure est renforcée, mais la modification la plus visible est celle du train d’atterrissage : le train principal perd son diabolo au profit d’une seule roue à pneu haute pression, alors que la jambe de train avant est équipée d’un diabolo et d’un amortisseur gonflable donnant à l’avion une assiette de 8° au catapultage. Une crosse d’appontage est également montée. Après des essais d’ASSP (appontages simulés sur piste) à Nîmes et à Bedford, la 1ère campagne de catapultages et d’appontages réels a lieu à bord du Clémenceau du 13 au 17 juillet 1970. Une seconde campagne a lieu du 20 au 27 octobre 1971.
Après l’abandon du Jaguar Marine au printemps 1973,le M 05 continue à participer aux autres essais du programme Jaguar, notamment aux essais de vrille. Après son dernier vol le 12 décembre 1975, l’avion est finalement conservé au musée de la Marine à Rochefort.
Deux dispositifs issus de cette version seront adoptés sur les appareils de l’armée de l’air ; il s’agit premièrement du télémètre laser dans la pointe avant, sous le tube pitot, qui équipera les Jaguar A 81 et suivants (plus quelques autres rétrofités), et deuxièmement du dispositif de PC modulée, qui permet un allumage progressif de la post-combustion alors que la manette des gaz est encore en secteur sec et de disposer ainsi d’une variation continue de la poussée entre « plein gaz sec » et « Pc mini ». Ce dispositif qui équipe tous les avions de série est particulièrement utile en cas d’approche mono-réacteur (phase de vol où on comprend pourquoi y z’en ont mis 2, des réacteurs) et le ravitaillement en vol.
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Jaguar S |
Prototypes du monoplace britannique d’attaque au sol (S 06 / XW560 et S 07 / XW563) |
Jaguar GR.1 |
Version de série du monoplace d’attaque au sol britannique : 165 appareils. |
Jaguar GR.1A |
75 GR.1 modernisés avec le FIN 1064 |
Jaguar GR.1B |
Désignation officieuse des 10 GR.1A ayant la capacité TIALD |
Jaguar T.2 |
Version de série du biplace britannique d’entraînement. 38 appareils pour la RAF. Système d’armes partiel du GR.1 (pas de télémètre laser), non ravitaillable en vol. |
Jaguar T.2A |
14 T.2 modernisés avec le FIN 1064. |
Jaguar T.2B |
Désignation officieuse des 2 T.2 modifiés TIALD. |
Jaguar GR.3 |
Version en service du monoplace britannique. |
Jaguar GR.3A |
Dernière version du monoplace britannique, avec TIALD asservi au viseur de casque. |
Jaguar T.4 |
Biplace britannique au standard du GR.3 |
Jaguar T.4A |
Biplace britannique au standard du GR.3A, sans viseur de casque. |
Jaguar 96 |
Ancienne désignation du programme GR.3 et T.4. |
Jaguar 97 |
Ancienne désignation du programme GR.3A et T.4A. |
Jaguar ACT |
XX765. Cet avion a servi de banc d’essais de commandes de vol électriques. |
Jaguar EB |
Biplace équatorien (2 exemplaires). |
Jaguar ES |
Monoplace équatorien (10 exemplaires). |
Jaguar OB |
Biplace omanais (4 exemplaires). |
Jaguar OS |
Monoplace omanais (20 exemplaires). |
Jaguar BN |
Biplace nigérian (5 exemplaires). |
Jaguar SN |
Monoplace nigérian (13 exemplaires). |
Jaguar IM |
Version indienne anti-navire, équipée du radar Agave, construite par HAL. 12 exemplaires construits. |
Jaguar IS |
Monoplace d’attaque indien, 104 construits, 20 en production (sept. 2002). |
Jaguar IT |
Biplace indien, 15 construits, 17 en production. |
Jaguar GR.1 (interim) |
Désignation des 16 GR.1 ex-RAF loués à l’Inde. 14 ont été restitués, dont un livré à Oman. |
Jaguar T.2 (interim) |
Désignation des 2 T.2 ex-RAF loués à l’Inde. L’un d’eux a été livré à Oman. |
Shamsher |
Nom indien du Jaguar, signifie « Epée de Justice ». |
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Critères d'identification |
Les formes de l’avion sont particulièrement caractéristiques. On peut remarquer les ponts suivants :
- la pointe avant, avec le télémètre laser et la caméra Omera 40 ;
- le « fond plat » ;
- l’aile haute ;
- les entrées d’air de section carrée ;
- la ligne courbe de l’arête dorsale avec les prises d’air ;
- le train d’atterrissage « costaud » ;
- les quilles sous les tuyères des réacteurs ;
- les aérofreins en pétale ;
- l’empennage arrière en arrière des tuyères.
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Ne pas confondre |
Deux avions ont des silhouettes un peu similaires, l’Orao et les Mitsubishi F1 (monoplace) et T2 (biplace).
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SOKO J-22 Orao |
En service en Roumanie et en Yougoslavie, l'Orao se distingue du Jaguar par les éléments suivants :
- Nez dépourvu de télémètre (1) ;
- Absence de prise d'air dorsale (2) ;
- Aérofrein ventral monobloc (3).
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Mitusbishi F1 et T2 |
Les Japonais sont les seuls utilisateurs de cet avion. Il est reconnaissable grâce à : :
- Piège à couche limite en avant d'une entrée d'air rectangulaire (1) ;
- Absence de montants de pare-brise (2) ;
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Pays utilisateurs |
Version |
Pays |
Equateur |
La Force aérienne de l'Equateur s'intéresse au Jaguar dès 1972. Elle passe commande de 12 appareils en 1974, répartis en 10 monoplaces et 2 biplaces. Ces avions équipent l'Escuadron de Combate 211, qui fait partie de l'Ala de Combate 21 basée à Taura près de Guayaquil. 3 Jaguar GR-1, ex-RAF, sont également commandés en 1991 pour compenser l'attrition, mais n'ont pas été livrés.7 appareils seraient encore en ligne aujourd'hui. Peu de modernisations ont été entreprises sur ces avions depuis leur livraison : il s'agit principalement du remplacement du NAVWASS par une centrale à inertie FIN 1064. Par ailleurs ces avions ont encore un bon potentiel, car ils ont relativement peu volé, bien qu'ils soient probablement intervenus dans les conflits frontaliers avec le Pérou.
Effectif
- Jaguar EB : 283, 305
- Jaguar ES : 289,302, 309, 318, 327, 329, 339, 340, 348,349
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France |
Le 1er Jaguar biplace de série (E1) destiné à l'Armée de l'air a fait son premier vol le 02 novembre 1971. Au total, 40 biplaces sont construits ; dépourvus de la plus grande partie de l'avionique présente sur les monoplaces, ils sont dédiés aux missions de transformation et d'entraînement au combat des pilotes récemment affectés sur l'avion, principalement au sein de l'EC 2/7 "Argonne" basé à Saint-Dizier. A partir du E27, une perche nasale fixe permet le ravitaillement en vol ; au fil des années, tous les biplaces seront équipés de cette perche.
Un total de 160 Jaguar A monoplaces a été livré, le 1er vol du A1 ayant lieu le 20 avril 1972, la livraison du A160 le 14 décembre 1981. Le système de navigation est basé sur un radar Doppler DECCA RDN 72, l'avionique comprend également un calculateur de navigation Crouzet, un calculateur de tir CSF 31, une centrale gyroscopique, une centrale aérodynamique Eldia, et un ensemble VOR-ILS et TACAN. Une caméra panoramique OMERA 40 est montée dans la pointe avant : elle utilise des films négatifs noir et blanc ou positifs couleur de 70 mm et peut prendre jusqu'à 10 clichés par seconde d'horizon à horizon. A partir du A81 (et également sur quelques avions rétrofités), la pointe avant abrite aussi un télémètre laser TAV 38 J. Les 30 derniers Jaguar A ont été modifiés pour pouvoir mettre en œuvre les armements guidés par laser, et l'emport de la nacelle ATLIS. Le couple Jaguar-ATLIS a été mis en évidence particulièrement lors de la guerre du Golfe.
Les Jaguar ont été utilisés dans différentes missions. Jusqu'au 1er septembre 1991, les EC 1/7 et 3/7 (ainsi que le 4/7 à Istres avant qu'il ne devienne le 3/4 et se transforme sur M 2000N) de Saint-Dizier mettaient en œuvre l'AN 52 et avaient pour mission l'assaut nucléaire pré-stratégique. Les 4 escadrons de la 11ème Escadre de Toul (le 4/11 étant stationné à Bordeaux) avaient pour mission l'assaut conventionnel, l'avion étant capable d'utiliser tout l'éventail de l'armement air-sol existant : bombes lisses ou freinées de 125, 250 et 400 kg françaises, 500 lbs, 750 lbs US, bombes anti-pistes BAP 100, BAT 120 et autres Bélougas, sans oublier les roquettes de 2,75 et 5 pouces, 68 et 100 mm. Les armements guidés laser comprennent les AS 30 L, les BGL 400 et 1000 kg, ainsi que les GBU 12 US. Spécialisés dans l'intervention sur les théâtres extérieurs, les escadrons de la 11 mettaient également en œuvre le "bidon-photo" ou RP 36P pour la reconnaissance. Enfin, le 9ème escadron équipé de Jaguar, l'EC 3/3 basé à Nancy-Ochey, utilisait dans son rôle d'assaut anti-radar le missile franco-anglais AS 37 Martel.
Appécié pour sa rusticité, sa robustesse et sa facilité de maintenance, le Jaguar n'équipe plus qu'un seul escadron, l'EC 1/7 "Provence" de Saint-Dizier que j'ai eu l'honneur de commander. Il doit être retiré définitivement du service à l'horizon 2005, et céder la place au Rafale.
Effectif
- Jaguar E , protos : E 01, E02
- Jaguar A , protos : A 03, A 04
- Jaguar M , proto : M 05
- Jaguar E : E 1 à E 40
- Jaguar E : A 1 à A 160
Unités (actives ou éteintes)
EC 1/7 Provence, BA 113 Saint-Dizier, Assaut / Reconnaissance (AR), depuis mars 1973 ;
EC 2/7 Argonne, BA 113, Transformation, de 10/74 à 6/2001
EC 3/7 Languedoc, BA 113, RA, 3/74 à 6/2001
EC 4/7 Limousin, BA125 Istres, AR, 4/80 à 7/89
EC 1/11 Roussillon, BA 136 Toul-Rosières, AR, 3/76 à 7/94
EC 2/11 Vosges, BA 136, GE/Assaut, 11/76 à 7/96
EC 3/11 Corse, BA 136, AR, 2/75 à 7/97
EC 4/11 Jura, BA 106 Bordeaux, AR, 12/78 à 6/92
EC 3/3 Ardennes, BA 136 Nancy-Ochey, Assaut antiradar, 3/77 à 5/87
CITAC 339, BA 116 Luxeuil, Entraînement, 7/88 à 7/2001
EC 5/330 Côte d’Argent, BA 118 Mont-de-Marsan, Expérimentation
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Grande-Bretagne |
En juillet 1973, le Jaguar Conversion Team voit le jour à Lossiemouth en Ecosse pour mener à bien la transformation des premiers pilotes des Sqn 6 et 54 (qui volaient jusqu'alors sur Phantom à Coningsby). Le Sqn 54 est ainsI le premier à s'installer avec ses Jaguar à Coltishall pendant l'été 1974. En septembre de la même année, le JCT de Lossiemouth devient le 226 OCU (Operational Conversion Unit) et voit son parc passer à 25 avions, répartis en 14 monoplaces et 11 biplaces.
Le Sqn 6 reçoit ses Jaguar GR1 en octobre 1974. Ces avions sont équipés en série d'un télémètre-écartomètre laser LRMTS (Laser Rangefinder and Marked Target Seeker) sous la pointe avant, d'un détecteur de menaces RWR dont l'imposant carénage traverse la dérive et d'une perche de ravitaillement en vol rétractable. Les premiers appareils de série sont par la suite tous rétrofités pour intégrer ces équipements.
Le wing de Brüggen, en Allemagne, échange ses Phantom contre des Jaguar à partir d'avril 1975. Les Sqn 14, 17 et 31 sont déclarés opérationnels en décembre 1976 et intégrés à la 2ème Allied Tactical Air Force de l'OTAN. Un 4ème escadron, le Sqn 20, perd ses Harrier à Wildenrath pour compléter le wing de Brüggen en mars 1977. Ces escadrons seront rééquipés en Tornado entre juillet 1984 et octobre 1985.
Enfin, les Sqn 2 de Laarbruch et 41 de Coltishall sont à leur tour transformés sur Jaguar : la mission de ces deux dernières unités est la reconnaissance tactique, grâce à un pod spécifique développé par British Aerospace. Le Sqn 2 perdra ses Jaguar à compter de septembre 1988.
Du GR1 au GR1A…
Les 3 escadrons de Coltishall (6, 41 et 54) devraient conserver leur monture jusqu'en 2008-2010, grâce à une succession de programmes de modernisations qui ont débuté en 1978. Entre 1978 et 1984, les moteurs sont remplacés par des Adour Mk 104 plus puissants (3,6 tonnes de poussée PC PC). Au début des années 80, le système de navigation et d'armement NAVWASS des Jaguar GR1 (qui intègre une centrale à inertie, un radio-altimètre, le LRMTS, un HUD et un Map Display) est remplacé par un système plus moderne Ferranti FIN 1064.
Au total 70 GR1 monoplaces 19 T2 biplaces subissent cette modernisation et prennent les appellations de GR1A / T2A. C'est à la même époque que les Jaguar britanniques reçoivent des lance-leurres AN/ALE-40 fixés sous l'arrière des réacteurs ainsi que la capacité d'emport du couple lance-paillettes Phimat-brouilleur AN/ALQ-101 et des missiles air-air Sidewinder.
…et au GR3
Des avions vont ensuite subir des améliorations en urgence en vue de la Guerre du Golfe. Ce rétrofit va concerner une trentaine d'appareils : des rails lance-missiles sont installés à l'emplacement des fences sur l'extrados des ailes,ainsi qu'un nouvel IFF intégrant le mode 4, un nouveau poste radio à évasion de fréquence Have-Quick, un nouveau système vidéo d'enregistrement du viseur et un détecteur de menaces Sky Guardian 200-13 PD.
En 1994, après qu'il eut été décidé de prolonger la carrière opérationnelle de la bête (dont le retrait du service devait initialement intervenir en 1995), un dizaine de GR1A et 2 T2A sont dotés de la capacité d'emport de la nacelle de désignation TIALD 400 (Thermal Imaging And Laser Designator) de GEC-Marconi afin de permettre le tir en autonome de munitions guidées par laser. Ces avions sont désignés GR1B et T2B.
Enfin, suite aux opérations de 1995 en Bosnie, il est décidé d'homogénéiser l'ensemble de la flotte et de moderniser le système d'armes : installation d'un bus de données numérique 1553B, capacité d'emport du pod TIALD, nouvelles nacelles de reconnaissance Vinten Vicon 18-601 GP(1), capacité d'emport de l'ASRAAM (Advanced Short Range Air to Air Missile), nouvelle visualisation tête basse à cristaux liquides, HUD à champ large, centrale inertielle numérique hybridée GPS et GPWS. Les avions prennent la désignation de Jaguar GR3 et T4.
Depuis 1994, les cockpits des Jaguar britanniques sont équipés d'éclairages compatibles avec le vol sous NVG (Night Vision Goggles); en 1998 les pilotes ont perçu des casques de vol avec viseur/désignateur intégré.
Effectif
- Jaguar B : XW566
- Jaguar S : XW560, XW563
- Jaguar GR.1, 1A, 1B et GR.3 : XX108 à XX122,XX817 à XX827, XX955 à XX979, XZ101 à XZ120, XZ355 à XZ378, XZ381 à XZ400
- Jaguar T-2 et variante : XX828 à XX847, XX915 à XX916, ZB615
Unités (actives ou éteintes)
2 (AC) Sqn, Laarbruch, Reconnaissance, 2/76 à 12/88
6 Sqn, Coltishall, Assaut, depuis 10/74
14 Sqn, Brüggen, Assaut, 4/75 à 10/85
16 Sqn, Coltishall, Transformation, depuis 11/91
17 Sqn, Brüggen, Assaut, 6/75 à 3/85
20 Sqn, Brüggen, Assaut, 3/77 à 6/84
31 Sqn, Brüggen, Assaut, 1/76 à 10/84
41 Sqn, Coltishall, Reconnaissance, depuis 4/76
54 Sqn, Coltishall, Assaut, depuis 3/74
226 OCU, Lossiemouth, Transformation, depuis 10/74 (devient 16 Sqn en 11/91)
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Inde |
Dès 1966, l’Indian Air Force émet le besoin d’un nouvel avion d’attaque au sol pour remplacer ses vieux Canberra et Hunter. En 1978, sont achetés 150 Jaguar répartis en 3 tranches :
- 40 construits par BAC,
- 45 assemblés par HAL à partir de kits fournis par BAC,
- 65 construits par HAL.
En attendant les premières livraisons, 18 Jaguar ex-RAF sont loués pour former un premier escadron (Sqn 14). Ces avions seront convoyés d’UK en Inde en juillet 79, par leurs pilotes Indiens après leur transformation chez BAC à Warton et dans la RAF à Lossiemouth en Ecosse (où se situe le 226 OCU) et à Coltishall. La livraison des 40 Jaguar du 1er lot permet de restituer les avions loués et d’équiper les Sqn 14 et 5, ce dernier abandonnant ses Canberra. Ce lot comprend 5 biplaces IT identiques aux T Mk 2 britanniques, et 35 monoplaces IS également identiques aux GR Mk 1 des Anglais, avec système de navigation et d’attaque NAVWASS et réacteurs Adour Mk 804 E semblables aux Mk 104 E qui équipent les appareils de la RAF depuis 1978. De même que les Jaguar International, les monoplaces indiens (Jaguar IS) disposent de rails lance-missile au-dessus des ailes, permettant l’emport éventuel de missiles air-air Magic I.
Après avoir été réduite dans un premier temps de 110 à 74, la commande a été réévaluée et la production de Jaguar par HAL s’élève actuellement (septembre 2002) à 129, et elle continue.
Les avions de la 3ème tranche sont propulsés par des Adour Mk 811 plus puissants, équipés d’un bus numérique MIL STD 1553B et d’un système de navigation et d’attaque de conception locale DARIN qui intègre un collimateur tête haute à large champ Smiths HUDWAC, une visualisation tête basse GEC-Ferranti et une centrale à inertie Sagem ULISS 82. Ces avions équipent les Sqns 26 et 27 à Gorakhpur. 12 d’entre eux sont équipés d’un radar Agave et de la capacité d’emport et de tir du missile anti-navire Sea Eagle. Ils équipent le Sqn 6 à Puna, et leur mission est l’attaque à la mer (ils sont dénommés Jaguar IM).
La panoplie des armements emportés comprend les CBUs (Cluster Bomb Units) Hunting BL 755, des bombes lisses et freinées de 1000 livres, des bombes Matra de 250 et 400 kg, des bombes anti-pistes Durandal, des roquettes et depuis quelques années des bombes guidées laser. Les Jaguar (construits par BAC) des sqns 5 et 14 de l’escadre d’Ambala ont une capacité de reconnaissance photographique grâce à l’emport d’un pod Vinten VICON 18 Srs 601 (GP). Certaines sources affirment que les Jaguar indiens ont une capacité nucléaire.
En 2001, 17 biplaces supplémentaires sont commandés ; ils sont équipés d’une centrale à inertie hybridée GPS fabriquée par Sextant, et on pense qu’ils joueront le rôle d’Airborne FAC et de désignateur laser, grâce au pod de désignation israélien Litening. Cette nacelle incorpore un FLIR et une caméra vidéo qui, avec en plus l’utilisation de NVG (Night Vision Goggles), augmente les capacités d’intervention de nuit.
Enfin, 20 Jaguar IS supplémentaires ont été commandés dernièrement pour former un 6ème escadron de 1ère ligne.
Un ambitieux programme de modernisation doit permettre aux appareils indiens de rester opérationnels jusqu’en 2020-2030, grâce à une nouvelle avionique, de nouveaux écrans de visualisation, de nouveaux brouilleurs, et d’autres améliorations mineures. Les Jaguar IM recevront un nouveau radar israélien ELTA ELIM-2022, en remplacement de l’Agave. Le Jaguar est toujours en cours de production en Inde, celle-ci devrait s’achever en 2008.
Effectif
- Jaguar GR.1 (loués) : JI 003 à JI 018
- Jaguar T.2 (loués) : JI 001, JI 002
- Jaguar IM : JM 251 à JM 262
- Jaguar IS : JS 101 à JS 204
- Jaguar IT : JT 051 à JT 065
Unités
5 Sqn, Ambala, Assaut, depuis août 1981
6 Sqn, Poona, Assaut maritime, depuis 1987
14 Sqn, Ambala, Assaut, depuis septembre 1980
16 Sqn, Gorakhpur, Assaut, depuis octobre 1986
27 Sqn, Gorakhpur, Assaut, depuis janvier 1985
Aircraft & Systems Testing Establishment, Bangalore, Expérimentation
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Nigéria |
En 1983, le Nigéria commande 18 Jaguar (13 monoplaces et 3 biplaces) et prend 18 options supplémentaires qui ne feront finalement pas l'objet de commandes fermes. Les premiers appareils arrivent sur la base de Makurdi le 30 octobre 1984, pour former la 12ème Escadre de chasseurs-bombardiers.
Il semble que les 11 avions survivants aient cessé de voler en 1988. A la suite de difficultés économiques, le Nigéria ferme 7 de ses 13 bases aériennes en 1991, et les avions de Makurdi sont retirés du service. Des rumeurs ont ensuite couru sur leur sort, après qu'ils ont été proposés à la vente à d'autres pays. On pense néanmoins qu'ils sont toujours stockés sur leur ancienne base de Makurdi.
Effectif
- Jaguar BN : 700 à 704
- Jaguar SN : 705 à 717
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Oman |
En 1974, le sultanat d'Oman commande 12 Jaguar International (dont 2 biplaces). Une seconde commande identique est passée en 1980. Les premiers appareils arrivent à Oman le 09 mars 1977, les derniers fin 1983. 3 avions (2 mono- et 1 bi-) en provenance du lot d'avions ex-RAF initialement loués à l'Inde sont livrés entre 1982 et 1998. Les 2 escadrons équipés (n° 8 Squadron et n° 20 Squadron) sont basés à Masirah (Island) jusqu'en 1990, puis à Thumraït. 2 des biplaces omanais possèdent des particularités uniques : un détecteur de menaces dans la dérive et une perche de ravitaillement en vol nasale semblable à celle des Jaguar E français.
Les Jaguar omanais sont équipés dans un 1er temps de missiles air-air Matra 550 Magic qui seront remplacés par des AIM 9P-4 par la suite. Les avions ont fait l'objet de plusieurs modifications, comme l'installation du système inertiel Ferranti FIN 1064, pour être portés au standard britannique GR 1A/T 2A. Le dernier avion ainsi modernisé a quitté Warton pour Oman en octobre 1989.
En septembre 1997, le gouvernement décide un nouveau programme de modernisation des 17 appareils restants : ceux-ci doivent être équipés d'un nouveau cockpit à écrans multi-fonctions, d'une nouvelle visualisation tête haute et de commandes HOTAS (Hands On Throttle And Stick). Enfin 6 avions doivent recevoir la capacité d'emport du pod TIALD (Thermal Imaging And Laser Designator).
Effectif
- Jaguar OB : 201, 203, 213, 214
- Jaguar OS : 202, 204 à 212, 215 à 224
- Jaguar GR.1 : 225, 226
- Jaguar T.2 : 200
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Le point de vue des mécanos |
(d’après l’adjudant-chef Millet) |
Les mécanos ont contribué plus que largement à la réussite et au prestige de ce rapace technologique. A l’entrée en service de l’avion en 1973, les mécanos, curieux et inquiets, se demandaient à quelle sauce ils allaient être mangés. Quand on parle d’un avion celui-ci est toujours porteur d’histoire, de joies, de peines, les ressources humaines mises à son service dépassent de beaucoup la réussite technologique et opérationnelle. Quand on a vu les premiers avions se poser à Saint-Dizier, ça a été un émerveillement pour nous, les mécanos anciens du Mystère IV ! D’abord la remise en œuvre est plus facile : plus de pistolet pour le plein de kéro, mais une prise Nato de remplissage sous pression, et le remplissage est automatique. De même plus besoin de tirer ou pousser le long du parking la bonne vieille remorque d’oxygène gazeux : il suffit de changer la bonbonne d’oxygène liquide. Ces vieux briscards de mécaniciens constataient aussi une révolution au niveau des moteurs, de conception modulaire, dont l’entretien devenait plus facile. Et puis il y avait de l’électronique, un véritable système d’armes, encore le franchissement d’une étape pour beaucoup de spécialistes…
Les différents réglages ne se faisaient plus à l’oreille ou par tâtonnements et les dépannages du style « coup de pied technique bien dosé » étaient abolis. On utiliserait désormais des valises de test, avec des fiches de travail hyper précises…Les « vieux » mécanos, artistes en leur temps, au visage buriné par des heures de boulot sur les parkings par tous les temps, ont dû s’habituer à de nouvelles méthodes de travail.
Puis en 1975 les mécanos de Toul-Rosières se mettent aussi au boulot sur la bête ; c’est le début d’une longue période de bourlingues à travers le monde en Afrique à Dakar, Libreville, Bangui ou N’Djaména, mais aussi à Nellis Air Force Base près de Las Vegas aux Etats-Unis pour participer au célèbre Red Flag , ou au Canada, ou encore dans le Golfe Persique. C’était l’époque où on avait toujours une valise à la main, et la caisse à clous dans l’autre. Que de souvenirs !
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Témoignages de pilotes |
Choup, 1/7 "Provence" |
Bangui – juillet 19xx.
Bien qu’il soit à peine 07h00 du matin, il fait déjà chaud alors que nous débarquons de nos véhicules plus tout neufs à l’aéroport de M’Poko. Alors que nos mécaniciens s’affairent sur les avions, nous pénétrons rapidement en salle d’opérations pour nous apprêter : les 1ers vols sont prévus dans une heure. Le Monsieur météo local est consulté par téléphone , sa prédiction est sans appel : « s’il ne pleut pas, il fera beau aujourd’hui… »
07h30 : après un rapide briefing avec mon équipier, nous partons vers les avions au moment où le C 160 « nounou 201 » qui doit nous ravitailler en vol tout à l’heure, décolle dans un grand bruissement d’hélices.
Nous sommes accueillis en piste par Moustache, le jovial, volubile et omniscient chef du service, déjà en train d’expliquer aux jeunes mécanos que de son temps, lui, sur F-100… Il s’interrompt à notre arrivée pour résumer à chacun de nous les derniers événements de la vie de nos destriers d’aujourd’hui : le mien aurait des petits problèmes insidieux avec les freins qui chauffent au retour de vol, et plusieurs pilotes ont fait fondre les fusibles (quand les freins sont trop chauds, un fusible dégonfle les pneus avant qu’ils n’éclatent ; cela arrive généralement au parking quand les freins ne sont plus ventilés par le roulage, et c’est souvent parce que le pilote a freiné un peu trop fort ; cela lui vaut en principe une tournée au bar des mécanos…).
En équilibre sur le haut de l’échelle, Jacquot le pistard m’aide à me brêler, puis me montre les sécurités du siège éjectable avant de les ranger, et me gratifie d’une tape sur l’épaule avant de descendre l’échelle et de la retirer. L’extincteur à portée de main, il attend mon signal de mise en route : on commence par lancer le Microturbo, un petit réacteur placé en travers du fuselage entre les aérofreins (c’est pour cela qu’ils sont ouverts, au sol) qui sert de générateur d’air pour lancer les 2 Adours. C’est parti : le droit, puis le gauche, avec un bruit et des vibrations qui rappellent plus un gros camion diésel qu’une Formule 1.
08h00. nous somme alignés sur la piste 35 :
- Bangui, Mamba 1, décollage
- Mamba 1, clair décollage, température 27°, vent du 160 pour 6 kt .
Bon, ces éléments nous donnent un contrôle d’accélération de 15 secondes pour 100 kt, 22 secondes pour 140 kt, une Vloff de 185 kt et une distance de décollage de 1580 mètres. Grâce au parachute de queue et au brin tendu 400 mètres avant la fin de bande (destiné à notre crosse), il n’y a pas de problème d’accélération-arrêt en cas de panne moteur au décollage.
C’est le moment d’être attentif ! Un coup d’œil à l’équipier : il est prêt. Je lâche les freins, les manettes de gaz en butée pleine charge PC, puis lui confirme les temps d’accélération.
Train et volets rentrés, PC coupée à 330 kt, j’amorce un virage par la gauche pour lui permettre de me rattraper, car il a décollé 20 secondes après moi. Un regard à droite alors que je renverse vers notre 1er cap de navigation : il est déjà en place, à 300 mètres de mon avion. Bon petit.
La 1ère partie de la mission est une reconnaissance à vue de l’état de certaines pistes routières après les dernières pluies ; il s’agit également de prendre des clichés à l’OMERA 40 des ponts et des bacs qui les jalonnent. A 450 kt et 250 pieds, nous parcourons les axes prévus : cette première phase du vol ne présente pas trop de difficulté.
Un coup d’œil à la montre et un check pétrole me confirment qu’il est temps maintenant de rejoindre le ravitailleur qui nous attend 70 nautiques plus à l’ouest. La montée vers le FL 100 s’effectue rapidement dans un ciel devenu carrément bleu, et nous pourrons apercevoir la « nounou » à près de 10 nautiques. Il est à l’heure et à l’endroit prévu (qui a dit : pour une fois ?) :
- Nounou 201, Mamba 1, visuel
- Autorisé à rassembler, Mamba.
Nous nous rapprochons donc du C 160, jusqu’en patrouille serrée sur le bout de son aile droite : vitesse 210 kt (il est à fond, lui), volets sortis à 20°, perche sortie ; pendant que je règle les trims de mon avion, un gusse dans la cabine du C 160 s’approche du pilote en place droite, me fait des grands signes de la main, puis me montre …une canette de bière ! (quel humour…de toutes façons, chez moi la bière a du mal à passer à 9h00 du matin…).
- Mamba 1, observation et contact, 2 tonnes, plein complet.
- Autorisé, Mamba.
Je me laisse alors glisser en position d’observation, c’est-à-dire derrière le panier, qui oscille mollement au bout des 28 mètres du tuyau souple, délové depuis une excroissance du logement de train gauche du transallou. Il y a aussi un système de lampes à cet endroit (jaune : c’est prêt, vert : ça coule, rouge : marche pas). L’instant est délicat : il s’agit de rentrer la perche dans le panier le plus proprement possible : on a sa fierté, et puis mon équipier et l’équipage du Transall ne manqueraient pas de relater une éventuelle maladresse, ne me laissant comme solution pour faire taire les ragots que celle de payer ma tournée !
Une fois stabilisé derrière le panier, il faut alors augmenter les gaz pour avancer régulièrement, et aller au contact : schlonkkk ! lampe verte, ça coule. Si on avance trop lentement, le panier risque d’être aspiré par l’entrée d’air, et donc de s’écarter de la perche au fur et à mesure que l’on avance ; si on avance trop vite, on risque de tout casser…Par contre, une fois enquillé, la tenue de place est plus facile, il suffit de repousser le tuyau jusqu’aux repères blancs qui sont peints dessus ; le plein terminé, on réduit les gaz, et on recule dans l’axe, jusqu’à se désolidariser du panier, en évitant de lui donner un mouvement de fouet.
C’est maintenant au tour de mon équipier, et pendant qu’il prend son pétrole, je retourne le remplacer au bout de l’aile droite de la nounou ; tiens, mon copain « houblonophile » de toute à l’heure est de retour derrière le hublot, avec cette fois …un Playboy ! Bon…
Les pleins complétés, nous quittons le tanker pour poursuivre la mission, qui prévoit maintenant un entraînement à l’appui-feu avec nos camarades terriens. Après un rapide transit, le contact radio est établi, et je reconnais aussitôt la voix familière de celui qui se décarcasse (celui qui trouve son nom ne gagne rien, c’est trop facile) qui doit nous assigner les objectifs et nous guider. Travail facile, car les objectifs sont des jeeps P4 camouflées « sable », et ici les hautes herbes sont …vertes ! On les voit donc d’assez loin. Après 45 minutes d’attaques simulées, le pétrole baisse et il est temps de rentrer au terrain, pour se poser entre un avion d’aéro-club et un Puma de l’ALAT.
Retour au parking après un vol de 2h30. Mon n°2 est content, car il sait qu’il a fait en vol ce que j’attendais de lui, puisque je ne lui ai fait aucune remarque. Moustache aussi a le sourire en piste, il sait déjà que les fusibles des freins de mon avion n’ont pas fondu.
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Témoignage n° 2 |
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"Aviano, Gilette 15, request visual in Rivolto !”
Cette fois ça y est. Après une petite heure de vol depuis notre base mère dans l’est de la France, je vais toucher les roues sur la base de l’armée de l’air italienne de Rivolto. C’est en effet sur ce terrain situé près de la ville d’Udine, à une centaine de kilomètres au NE de Venise qu’est stationné le détachement Jaguar français qui participe aux opérations dans les Balkans (il a déménagé depuis vers Istrana).
"Rivolto TWR, Gilette 15, initial, stop !”
“Clear, numero uno” répond le contrôleur italien, dont l’accent contraste quelque peu avec celui du précédent, américain lui, de l’approche de la base voisine d’Aviano, commune pour les deux terrains. Nous sommes maintenant alignés sur l’axe de la piste à 1500’ et 350 kt, l’équipier s’est rapporché en patrouille serrée sur le côté droit.
Un signe de la main, suivi d’un coup de tête, et je pars au break. Il me suivra cinq secondes plus tard. Gaz réduits, AF sortis, je pars en virage de 180° par la gauche vers la vent AR, à 60° d’inclinaison, la vitesse chute régulièrement ; 240 kt, les volets sont sortis à 20°; 220 kt, les AF sont rentrés, les gaz sont ajustés pour anticiper la pousée nécessaire à compenser la future traînée du train d’atterrissage. Travers entrée de bande, vers 200 kt, le train est sorti, les gaz réglés, les volets sortis à 40°. L’incidence monte vers 8° au début du dernier virage vers la piste, je la stabilise à 10° et 155 kt en dégauchissant dans l’axe.
Quelques secondes plus tard, les deux avions ralentissent doucement sur le ciment de la piste. Les "Frecce Tricolori", seuls occupants du terrain avant notre arrivée, sont au roulage : nous avons ainsi la chance de profiter du spectacle quotidien de leurs vols d'entraînement.
Arrivé en salle d'ops, je m'aperçois que les choses sérieuses vont rapidement commencer : je suis prévu en vol dès demain, avec Albert. Le reste de la journée va être passé à assimiler les règlements particuliers de l'opération en cours, soit plusieurs kilos de doc en anglais, publiés par nos alliés de l'OTAN. Pendant ce temps, Albert, présent depuis trois semaines et donc possédant une bonne expérience du théâtre, prépare les détails de la mission.
Nous nous retrouvons donc le lendemain matin, de bonne heure, dans le hall de notre hôtel à Udine, où le sourire de Sandra, la réceptionniste, nous incite à la bonne humeur. Décidément, il faudra que je lui explique, plus tard, comment adhérer à mon club d'admiratrices…
Le trajet en voiture vers la base permet au chauffeur de s'aguerrir aux particularités de la conduite automobile en Italie, basée sur des principes simples comme : pourquoi rouler doucement si on peut aller vite, pourquoi ne pas rouler à trois de front sur 2 voies, etc., le tout agrémenté de force coups de klaxon et d'invectives verbales aux doux noms d'oiseaux... Cela finit de nous réveiller.
Mais l'heure du briefing préalable au vol arrive vite, et celui-ci commence par le traditionnel harnachement et la vérification par chacun qu'il emmène tout ce qui est nécessaire à la mission d'une part, et d'autre part à une éventuelle récupération d'un pilote éjecté au-dessus d'un territoire en guerre : de quoi remplir ses poches. Après avoir revu tous les détails de la mission, et environ 40 minutes avant le décollage, nous partons vers la "piste". Tour de l'avion avec le pistard, installation dans la cabine et mise en route.
Les "Frecce Tricolori", qui s'en donnent à cœur joie au-dessus de l'aérodrome, nous promettent de s'écarter pour nous laisser décoller à l'heure prévue. J'aurai même l'intense privilège de regarder le "crazy flight" du solo qui remonte la piste à quelques mètres de hauteur en agitant son avion sur les 3 axes, de face, à travers la glace frontale, à travers mon viseur, alors que nous nous alignons pour décoller !!!
Le début du vol ne pose pas de problème particulier, si ce n'est qu'il faut s'expliquer avec trois organismes de contrôle italien différents et que l'anglais des contrôleurs locaux, agrémenté de l'accent du crû est parfois… approximatif.
Nous survolons maintenant l'Adriatique, à 25 000 pieds, en route vers notre zone de ravitaillement en vol, désormais contrôlés par un avion radar AWACS de l'OTAN.
Mais la météo s'est dégradée, et nous volons dans les nuages ! Diable, pourvu que le tanker ait trouvé un "trou", une portion de ciel clair, pour que l'on puisse le trouver et rassembler sur lui ! C'est bon le voilà, c'est un KC 135 de l'USAF en train de faire des ronds entre deux paquets de nuages. Nous réduisons alors la vitesse vers 300 kt, et effectuons les actions vitales avant ravitaillement : becs de bord d'attaque rentrés et commande sur "manuel" (en automatique, ils sortent et rentrent en fonction de l'incidence), volets sortis à 5°. Puis je rassemble sur le côté droit de l'appareil, de manière à être visible du pilote en place droite, qui aujourd'hui semble être une jolie jeune femme blonde qui regarde nos deux avions s'avancer et se stabiliser à sa hauteur.
"Texaco, Buzz 15, request precontact !"
La réponse se matérialise dans les écouteurs sous la forme de borborygmes absolument incompréhensibles pour l'oreille d'un français, mais la perche se déploie à l'arrière du tanker, ce qui nous autorise à nous rapprocher. Nous nous laissons glisser en arrière, et descendons un peu pour rejoindre la position dite de "perche droite", position d'où Albert pourra m'observer pendant mon ravitaillement en attendant son tour, pendant que la "baleine" poursuit inlassablement son virage et enchaine 360° sur 360°. Une fois stabilisé en place, gaz réglés et avion trimé sur les trois axes, je branche la PC modulée droite, donne deux coups de trim de direction pour compenser le dérapage induit par les différences de poussée, et sors la perche. En même temps que la perche sort de son logement, un certain nombre de robinets s'ouvrent, d'autres se ferment (certains bruyamment), la mise à l'air libre des réservoirs est ouverte (plus de pressurisation dans les voilures et les réservoir pendulaires, donc). Re-trims, car la trainée de la perche est sensible. Puis, je branche la PCM gauche, re-re-trime l'avion sur les trois axes, surtout en direction (la bille au milieu, c'est important pour réussir le contact), et viens m'aligner derrière le panier du tanker, en me rapprochant jusqu'à environ un mètre : c'est la position de "precontact". Pendant l'avancée, on peut sentir un léger frémissement sur la direction, car la dérive entre dans le souffle du panier.
"Buzz requests contact, as fragged"
"Clear", répond la jolie blonde.
A partir de ce moment, on évite de trop remuer la manette des gaz droite, car l'écoulement d'air dans l'entrée d'air droite est perturbé par la présence de l'ensemble perche + panier. A cette altitude, des mouvements trop brusques ou de trop grandes amplitudes pourraient entraîner un pompage du moteur. Néanmoins, au cours du ravitaillment, l'avion va s'alourdir et la pousée nécessaire augmenter, il faudra alors augmenter doucement les gaz à droite, tout en continuant à piloter sa position avec la manette de gauche, en cherchant à aligner les deux manettes sur une position moyenne…
Etant autorisé au contact, j'augmente "un poil" les gaz à… gauche (ceux qui suivent auront deviné) et me rapproche du panier, d'abord en suivant l'axe du tanker matérialisé par une ligne de peinture sous le ventre, puis en regardant le panier. Encore un détail : les boomers français décalent l'axe de leur perche pour tenir compte du fait que celle du Jaguar est décalée par rapport à la ligne de foi de l'avion et faciliter ainsi le travail du chasseur ravitaillé, mais les boomers US n'en font rien.
J'avance régulièrement, en essayant de positionner ma perche à peu près au centre du panier, et éviter ce que l'on appelle entre nous une "fausse queue" qui, au lieu d'amener la perche au contact au fond du panier viendrait le toucher à la périphérie. Dans ce dernier cas le panier pouvait venir fouetter la perche, voire le nez de l'avion ou la cabine, et là ça n'est pas "une situation d'avenir".
Encore un peu…schlonk ! Ça y est : contact, le tanker met ses pompes en route, ça coule à environ 600 kg/mn.
Il faut encore réajuster les gaz, et surtout mettre pas mal de pied à gauche, "pour former la boucle" : il s'agit de donner au morceau de tuyau souple entre le bout du boom et le panier la forme d'un U, de manière à pouvoir occuper une position médiane et pouvoir réagir, en cas de turbulences notamment, sans tout casser. Bon il ne faut pas rêver, ça doit bien laisser un mètre de liberté.
“ Buzz, how much gas do you request ?”
Tiens la blonde me relance, elle n'a pas dû lire les ordres de vol en entier.
“Buzz would appreciate around 3 tons each, and fill to full !”
“ It will be a pleasure, Buzz
Quelques minutes plus tard, mon tableau de carburant m'indique que les reservoirs sont pleins, et je vais donc laisser ma place à Albert.
Un poil de gaz en moins, je laisse l'avion reculer en revenant dans l'axe de la perche, et c'est le disconnect, puis je rejoins la position de "perche à gauche", alors qu'Albert prend ma place, et qu'un majestueux Prowler nous rejoint par la droite.
Le vol va durer près de trois heures, et le retour à la base sera pimenté par la traversée d'un de ces cunimbs habituels en cette saison. De retour au sol, après le debriefing et l'exploitation des films, la tension nerveuse des heures précédentes laisse place à la décontraction : allons c'est l'heure d'aller déjeuner … et déguster les invariables "pasta con pomodoro".
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Sources |
SEPECAT JAGUAR, Modern Combat Aircraft n°14, par Arthur Reed, édité par Ian Allan Ltd, Londres, 1982.
Jaguar Aeroguide n°2, Linewrights Ltd publication, 1983.
SEPECAT JAGUAR, Famous Airplanes of the World, n°5, Bunrin Do, Japon, 1983.
SEPECAT JAGUAR, Super Profile, Haynes, 1984.
World Air Power Journal n°11, hiver 92, contient une monographie très complète et plein de photos.
Les Avions Bréguet, Docavia n°6, éditions Larivière.
Le développement de l’Aéronautique Militaire Française de 1958 à 1970, thèse de doctorat en histoire de Claude Carlier, éditée par le SHAA, 1976
L’industrie aéronautique et spatiale française 1907-1982, tome 3, édité par le GIFAS en 1984.
La Force aérienne tactique 1965-1994, par l’Association Point Fixe, 1998. Superbe bouquin, surnommé à juste titre « l’encyclopédie » : c’est simple, y a tout dedans, y compris pas mal d’infos sur les Jaguar, et de nombreuses photos.
Les différentes plaquettes historiques éditées par les escadrons ou escadres de l’Armée de l’air, à la diffusion malheureusement assez confidentielle, et en particulier celle réalisée à Saint-Dizier pour le 20ème anniversaire de l’entrée en service du Jag.
Le canon de l’espace, une aventure de Dan Cooper, par Albert Weinberg, éditions Fleurus, 1980. Pour une fois qu’un héros de bande dessinée pilote un Jaguar (à Oman), ça mérite d’être signalé.
Les revues périodiques d’aviation, avec au 1er rang Airfan et son pendant britannique Air Forces Monthly et aussi Air Actualités, dont le n°545 d’octobre 2001 comprend un dossier spécial consacré au jaguar.
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Auteur : Choup |
Photos : Armée de l'Air, Royal Air Force, Pieter Balkhoven et Choup. |
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