A la fin des années 50, Grumman qui dominait jusque là le monde des chasseurs embarqués, commençait à douter de son avenir... ses deux derniers projets ayant été refusés au profit du F-8 Crusader et du F-4 Phantom.
Au début des années 60, la firme de Bethpage collabora à la version navalisée du F-111A, de General Dynamics : le F-111B. Mais de gros problèmes de poids plombèrent le problème (ouarf)... qui fut refusé par le Congrès. Cet avion avait tout de même quelques éléments nouveaux particulièrement intéressants. Tout d'abord un radar Hughes AN/AWG-9 aux performances exceptionnelles, bien au-delà de tout ce qu'on pouvait trouver à l'époque et toujours sans équivalent aujourd'hui parmi les radars embarqués : PDS (Pulse-Doppler Search) à 115 NM (213 km) et TWS (Track While Scan) à 90 NM (167 km). Ca radar forme un duo parfait avec le formidable missile AIM-54 Phoenix développé par Raytheon. Guidé par radar, long de près de 4 mètres, pesant 500 kilos, il dépasse les 100 NM (184 km) et navigue à plus de 4800 km/h. Sa tête de plus de 60 kilos d'explosif explose à proximité de la cible. Ce F-111B avait pour mode de propulsion le réacteur TF-30 de Pratt & Whitney.

Lorsque la Navy ouvrit un marché pour un nouveau chasseur embarqué navalisé le 18 juin 1968, Grumman décida de conserver les éléments de pointe du F-111B. La Navy voulait un biplace capable de tirer des missiles de toutes portées, avec canon interne, deux TF-30, et un radar à mode "track-while-scan" longue portée, capable de patrouiller deux heures à 100-200 miles du porte-avions. Un rôle secondaire d'appui tactique devait également être envisagé et l'avion devait pouvoir transporter plus de 7 tonnes de bombes.
La vitesse exigée était de Mach 2.2. Dès le 14 janvier 1969, le Tomcat était déclaré vainqueur. Restait pour lui à prouver qu'il pouvait faire aussi bien en l'air que sur le papier.
Fin 1970, le premier F-14A était prêt. Le premier vol se déroula sans problème le 21 décembre, mais lors du second, une double panne hydraulique se déclara, forçant l'équipage à s'éjecter sans dommages autres que matériels.

Les prototypes démontrèrent la nette supériorité de cet appareil sur tous ses concurrents et le Tomcat fut l'objet d'un contrat dès 1971 pour 12 protos Navy et 26 avions de série.
Dès lors, le F-14 était lancé et les commandes allaient se succéder, du moins pour la Navy...

Le coût de l'appareil était, comme souvent, proportionnel à ses performances. Alors que l'US Navy, en pleine guerre froide, pouvait se le permettre, ça n'était pas le cas de beaucoup des partenaires commerciaux des USA. Seul l'Iran commanda une série de F-14A en janvier et juin 1974.
Ce pays, allié des USA et souvent survolé par les soviétiques, désirait un chasseur capable de faire stopper ces survols contre lesquels les F-4 avaient du mal à lutter. Le F-14 était l'intercepteur tout désigné et l'Iran décida de s'en équiper : 80 appareils furent commandés à Grumman. La révolution en 1979 devait stopper net toute collaboration entre Grumman et l'armée de l'air iranienne, laissant la flotte de Tomcat diminuer progressivement au rythme de la cannibalisation. On parle d'une vingtaine de F-14A toujours en service en Iran. Dès les premières livraisons, en 1977, les survols de MiG-25 stoppèrent brutalement, tout aussi brutalement qu'explosa un drone soviétique abattu par un Phoenix...

La révolution de 1979 jeta le flou sur les détails de la suite de la carrière des Tomcats beiges, on arrive cependant à retracer quelques éléments de leur carrière opérationnelle à travers les événements internationaux dans lesquels il est intervenu.
Tout d'abord la guerre Iran-Irak : Le F-14 fut surtout utilisé comme mini-AWACS, trop précieux pour être risqué au combat. Il y a cependant quelques appareils qui ont participé activement au combat. On parle d'une vingtaine d'appareils iraniens détruits par des Tomcat. Les Iraniens en revendiquent le double. On parle aussi de quelques kills au Phoenix, sans aucune confirmation. Il semble par contre certain qu'une coopération internationale ait permis aux F-14 iraniens de rester en vol par la fourniture de nouvelles pièces détachées copiées sur les originales, en Israël et peut-être même en URSS en échange, pour ces derniers, de la livraison de quelques F-14.

Du côté de l'US Navy, le F-14 arriva à la fin de la guerre du Vietnam. Il n'y participa pas directement, mais il assura la couverture aérienne de l'évacuation de Saïgon en 1975.

Par deux fois le F-14 eut à assumer son rôle de "Fleet Defender" en-dehors de conflits déclarés.

- En Août 1981, les porte-avions USS Forrestal et USS Nimitz étaient en Méditerrannée pour des exercices de routine.
Les Libyens revendiquaient des eaux territoriales beaucoup plus étendues que ce que les réglements internationaux leur accordaient. Les porte-avions US croisaient justement dans cette zone revendiquée. Les Libyens envoyèrent deux Sukhoi 22 qui tirèrent un missile contre deux F-14 qui patrouillaient dans la zone. Les deux Tomcat ripostèrent immédiatement avec deux missiles Sidewinder qui atteignirent chacun leur cible.

- En Janvier 1989, le même scénario se répéta mais avec des MiG-23. Deux Tomcat du USS John F. Kennedy les abattirent alors qu'ils manifestaient des intentions hostiles...

Grumman réfléchit au remplacement des A-6 Intruder et proposa le programme Quickstrike, destiné à produire un F-14 d'attaque, équivalent marin du F-15E de l'USAF, avec de vraies capacités air-sol.
Ce programme n'aboutit pas mais continua à faire son chemin et donna lieu à un projet de complète refonte du F-14 :

Le Super Tomcat 21.
Ce Tomcat doté d'un FLIR et d'un radar APG-71 avec de nouveaux modes, pouvait recevoir des pods de ciblage ou de navigation, différents missiles couvrant l'ensemble de l'arsenal américain, aurait eu une signature radar énormément réduite. Ses moteurs F110-GE-129 lui auraient permis la "super-croisière" (supersonique sans post-combustion), soit 35% de poussée en plus, et les tuyères auraient été dotées de la poussée vectorielle. Les ailes retravaillées auraient contenu de nouveaux réservoirs de carburant, et la verrière aurait été monobloc. L'autonomie aurait été doublée par rapport à un F-14D. La nouvelle cellule aurait été plus manoeuvrable et plus légère.

Mais un certain Dick Cheney, ministre de la Défense de George Bush (et actuel Vice-Président des USA), cédant à des pressions politiques, mit définitivement fin à ce programme comme à l'ensemble du programme F-14 en ordonnant la destruction des chaînes de montage du Tomcat et en décidant du développement du F/A-18E/F pour assurer le rôle qu'aurait pu tenir le Super Tomcat 21.
Quand on voit le résultat... hum, je ne ferai aucun commentaire supplémentaire, y'a déjà des gars en imperméable gris foncé qui sont devant chez moi...

- F-14A : Version de base. 637 construits.
- F-14/TARPS : F-14A équipés pour transporter le Tactical Air Reconnaissance Pod System (pod de reconnaissance aérienne tactique). Environ 50 avions convertis.
- F-14A+ : F-14A dotés de moteurs F110-GE-400, avec électronique et radio améliorées, et les glove vanes (mini-canards) désactivés. Renommés F-14B dans les années 90.
- F-14B : Au départ, le F-14B devait être un F-14A à moteurs Pratt & Whitney F401-400 mais il fut annulé à cause de son coût. Un seul prototype vola. Depuis la fin de la production du F-14, la désignation a été assignée aux F-14A+. 38 appareils construits, 32 convertis depuis le F-14A.
- F-14B Super Tomcat : Développement d'un F-14 doté du moteur General Electric F101DFE.
- F-14C : Proposition d'upgrade du F-14B avec des capacités d'attaque au sol. Abandonné au profit d'une nouvelle commande de A-6 Intruder.
- F-14D : F-14B utilisant une avionique numérique, un radar plus puissant et une capacité missile améliorée. 37 construits, 18 convertis depuis le F-14A (parfois nommés F-14D(R) ). Plus tard améliorés avec des capacités d'attaque au sol.
- F/A-14D : Proposition de mise à jour avec une avionique adaptée au suivi de terrain.
- F-14T & F-14X : Deux versions proposées dans les années 70 pour réduire les coûts.
- F-14 Quick Strike : Ce programme a été abandonné au profit du "Super Hornet".
- Super Tomcat 21 & Attack Tomcat 21 : F-14D totalement revu et amélioré avec notamment des surfaces de contrôle agrandies, des réservoirs internes supplémentaires et une capacité de catapultage à sec sans vent. Abandonné également au profit du Super-Hornet.

Extérieurement, le seul moyen de différencier le F-14B du F-14D tient dans les poignées d'éjection : au-dessus du siège sur le B, invisibles sur le D.
Par contre, entre le F-14A et le F-14B/D, on trouve trois différences caractéristiques, outre l'armement air-sol et autres pods :

- Les tuyères



- Les "glove vanes", ces sortes de canards qui sortent à haute vitesse pour augmenter la manoeuvrabilité. Elle sont désactivées sur les F-14A convertis et supprimées sur les B/D neufs.



- Le détecteur infrarouge IRST qui a été ajouté sur le B/D en-dessous du nez, à côté de la petite caméra du A.

Éléments généraux :

- Deux dérives
- Cockpit biplace
- Deux entrées d'air rectangulaires derrière le cockpit
- Deux réacteurs
- Des ailes à géométrie variable

Éléments particuliers :

F-14 de face :

- Le pare-brise est renforcé par deux arceaux en arc de cercle qui forment un ovale.



F-14 de profil :

- La caméra sous le nez
- Les entrées d'air très effilées et fixes (celles du F-15, situées au même endroit, sont mobiles)
- La forme des dérives, bien profilées, et pas taillées au carré comme souvent sur d'autres appareils.



F-14 de derrière :

- Les réacteurs sont placés exactement sous les dérives. Ils sont très écartés l'un de l'autre.



F-14 de dessus :

- La voilure à géométrie variable, ici en configuration haute vitesse (flèche).

Iran : 79 F-14A (80 commandés, mais 1 aux USA lors de la mise en place de l'embargo, qui n'a donc jamais été livré en Iran).

United States Navy : 558 F-14A (557 + 1, l'Iranien sous embargo), 36 F-14B, 37 F-14D. A noter que 32 F-14A ont été convertis au standard F-14B et 18 F-14A ont été reconstruits en F-14D.

En France, c'est extrêmement rare. Eventuellement à Toulon lors du passage d'un porte-avions américain... mais difficile de les voir sans visiter le porte-avions.

Aux USA, sur la plupart des bases US Navy, et lors des meetings militaires, selon le programme... ou sinon au sol, dans la plupart des musées de l'US Navy.

En Europe, c'est presque aussi rare qu'en France. De temps en temps en Angleterre pour un grand meeting, mais à part ça...

Auteur : Tomcat.
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A titre indicatif, source des spécifications : Jane's All The World's Aircrafts.