Préambule : comme nous le verrons par la suite, et contrairement à une idée répandue, dans une centrale inertielle "classique" les gyroscopes à toupie ne servent qu'à la stabilisation des dispositifs mesurant les déplacements de l'aéronef et pas à la mesure des déplacements eux-mêmes.
Un système à inertie est un moyen autonome de navigation qui ne nécessite aucune infrastructure au sol et est une évolution des dispositifs utilisés précédemment :
- VG (Vertical Gyro) Stabilisation d'assiette
- DG (Directional Gyro) Conservation de cap
- TADG (Three Axis Data Generator) Stabilisation d'assiette et conservation de cap
- HAS (Heading Attitude Sensor) Stabilisation d'assiette et conservation de cap
pour en arriver aux ISS (Inertial Sensor System) intégrant, en plus de la stabilisation d'assiette et conservation de cap une fonction navigation puis aux INS (Inertial Navigation System) qui intègrent en plus des ISS une fonction guidage.
Les ISS fournissent des données de navigation qui sont :
- position longitude et latitude
- vitesse sol
- route suivie
- cap avion
- dérive
Les INS fournissent en plus des informations de guidage, grâce à une mémoire dans laquelle il sera possible d'insérer un plan de vol. La liaison des INS avec d'autres systèmes tels que ADC (Air Data Computer) permet d'obtenir d'autres informations comme la direction et l'intensité du vent.
Le Nord de référence des INS est le Nord Géographique (True North). Il faudra donc tenir compte de la déclinaison pour comparer les informations obtenues avec une référence magnétique. La déclinaison varie avec le lieu, l'heure et les perturbations du champ magnétique terrestre.
Les distances et routes calculées sont, sauf manipulations particulières, des segments d'orthodromie, c'est-à-dire des portions du grand cercle. Les routes sont divisées en SEGMENTS délimités par des WAYPOINTS (WPT).
Les dérives maximales des INS étaient en 1980 de 0.2 degré/h en cap et de 2 miles/h sur 10h en position. Ces dérives ont été divisées par plus de dix avec les systèmes récents.
Suivant les types d'INS et d'avions, les périphériques du système peuvent différer mais présentent des caractéristiques communes :
- Un MSU (Mode Selector Unit) qui permet de choisir les différents modes de fonctionnement
- OFF Arrêt du système
- STBY Stand By, ensemble sous tension, en attente
- ALIGN ensemble en cours d'alignement
- NAV l'ensemble est ou peut être utilisé pour naviguer (si alignement terminé)
- ATT l'ensemble ne peut être utilisé que comme référence d'attitude (assiette et cap)
- Un CDU (Control Display Unit) comprenant
- deux fenêtres afficheur appelées compteurs où apparaîtront les informations demandées ou données au calculateur
- un indicateur du numéro de tronçon de route sélectée
- un clavier et des touches de commande
- un sélecteur de paramètres pour les commandes et l'affichage
- Un INU (Inertial Navigation Unit) C'est la "boîte" contenant la plateforme inertielle, le calculateur, la mémoire et bien sûr l'alimentation électrique.
BUT : Détermination de la position de l'avion en latitude et longitude.
COMMENT : Si l'on connaît la position de départ, affichée par l'opérateur, et si l'on arrive à mesurer les déplacements, on peut en déduire la position instantanée.
Comment mesurer les déplacements :
Le déplacement est égal à une vitesse multipliée par une durée qui se décompose en écart de latitude (Vitesse angulaire Nord/Sud x temps) et écart de longitude (Vitesse angulaire Est/Ouest x temps).
Comment mesure la vitesse angulaire :
La vitesse angulaire est égale à la vitesse linéaire de l'avion divisée par le rayon du cercle sur lequel on se déplace, en l'occurrence égale à R (rayon terrestre) + h (hauteur de vol) donc V angulaire = V linéaire / (R+h).
Comment mesurer la vitesse linéaire de l'avion :
La vitesse linéaire est égale à l'accélération de l'avion que multiplie le temps : Vl = (Accélération x temps) + V0 (Vitesse initiale, normalement zéro).
Il suffit donc de mesurer l'accélération instantanée de l'avion, et par différents calculs (intégration) on peut retrouver la vitesse linéaire, la vitesse angulaire et le déplacement.
Comment mesurer l'accélération instantanée avion :
Il faut mesurer l'accélération horizontale en grandeur (pour obtenir la distance parcourue) et en direction (pour obtenir la route suivie). On utilise le principe de l'inertie d'une masse. Cette propriété est utilisée par un accéléromètre.
Un accéléromètre est constitué d'une masse mobile maintenue en position "nulle" par deux ressorts de force égales et opposées. La masse mobile se déplace plus ou moins suivant l'accélération ou la décélération, sur une seul axe appelé axe sensible. Seules les poussées sur cet axe sont susceptibles d'influencer l'accéléromètre.
Afin de ne mesurer que l'accélération horizontale de l'avion, il faut placer l'axe sensible rigoureusement à l'horizontale sinon l'accélération du champ de pesanteur terrestre donnerait une erreur appelée ERREUR D'INCLINAISON. On placera donc l'accéléromètre sur une plateforme dont le plan sera parfaitement horizontal d'où la nécessité d'une plateforme stabilisée. Remarque : Du fait de l'erreur d'inclinaison et de leur sensibilité, les accéléromètres pourront être utilisés en détecteur de niveau pendant certaines phases de la préparation du système, comme la phase d'alignement.
Afin de mesurer la direction du vecteur accélération dans un plan horizontal, on dispose deux accéléromètre perpendiculaires entre eux, suivant les axes appelés X et Y. On obtient alors deux accélérations partielles Acc.X et Acc.Y qui seront transformées en Acc.Totale=Racine carrée de (Acc.X² + Acc.Y²) et de direction Alpha=arctg (Acc.Y/Acc.X). Pour déterminer la route suivie, il faut connaître l'orientation de la plateforme par rapport à l'aéronef.
Remarque : Les accéléromètres mesurent également certaines accélérations parasites, en particulier l'accélération de Coriolis ; il sera alors nécessaire de corriger les signaux de sortie des accéléromètres. C'est la partie calculateur qui, en fonction de la vitesse Nord/Sud et Est/Ouest ainsi que de la latitude, assurera les corrections nécessaires. Rappel : l'accélération de Coriolis est due à la rotation terrestre combinée au déplacement de l'avion sur la terre.
PLATEFORME STABILISÉE
On appelle plateforme stabilisée un plan matériel qui reste parfaitement horizontal et d'orientation connue quelles que soient les conditions extérieures.
Il faut rendre cette plateforme horizontale et d'orientation connue ; ce sera le rôle de l'alignement.
Il faut conserver cet état quelles que soient les conditions extérieures. On utilise une plateforme avec une suspension à 4 axes (Roulis extérieur, Roulis intérieur, Tangage et Azimut). Un dispositif à 3 axes serait en théorie suffisant (roulis, tangage, lacet) mais a l'inconvénient de présenter des défauts lors de mouvements conjugués (Ex : Lacet et Tangage).
Cette suspension doit tendre vers la perfection et répondre à trois critères :
- Les axes des cadres doivent être concourants d'où construction extrêmement soignée et précise.
- Le centre de gravité de la plateforme doit être confondu avec le point de concourt des cadres d'où maintien de la plateforme à température constante (environ 70 degrés Celsius).
- Pas de frottement entre les cadres. Ceci étant impossible, il est nécessaire de détecter les frottements et de les annuler. On utilise des boucles d'asservissement comportant chacune un gyroscope (organe détecteur), un amplificateur et un moteur couple.
Suivant les types de centrales, on utilise des gyroscopes libres ou des gyromètres intégrateurs.
- Le premier type possède un temps de réponse très court, en revanche, il n'y a pas d'amplification angulaire des rotations de la plateforme (Ex : si la plateforme se déplace de 1/100 de degré, les capteurs placés sur les axes gyro devront être extrêmement sensibles).
- Le deuxième type de gyro possède un temps de réponse relativement important (2 à 3 ms), mais il amplifie considérablement le déplacement de la plateforme. En effet, dès que la plateforme est entraînée, le gyro précésionne, son axe de sortie tourne d'un angle très important n'ayant aucune relation avec le déplacement angulaire de la plateforme, mais dépendant uniquement de la vitesse de déplacement de la plateforme et du temps pendant lequel agit le couple de frottement.
Il en résulte que le capteur placé sur l'axe de sortie du gyro fournit un signal très important et facilement exploitable.
Fonctionnement des boucles d'asservissement :
Lorsque la plateforme se trouve entraînée par un couple de frottement, les gyros fournissent sur leur axe de sortie un signal électrique qui après amplification agit sur un moteur Couple placé sur les axes de la suspension . Le moteur Couple (TORQUE MOTOR) fournit un couple antagoniste au frottement et annule donc l'entraînement en rotation de la plateforme.
NOTA : La plateforme pouvant être entraînée sur les trois axes, il faudra nécessairement trois chaînes de stabilisation identiques.
REMARQUE : Les plateformes ayant quatre axes de suspension, doivent posséder en plus, des trois chaînes d'asservissements précédemment décrites, une chaîne d'asservissement pour leur quatrième axe.
Le moteur couple qui annule les frottements sur le cadre extérieur est commandé par un synchro de position qui surveille la perpendicularité des deux cadres intérieurs.
Un tel dispositif serait suffisant si la TERRE ÉTAIT FIXE, PLATE et si l'avion ne se déplaçait pas. Il faut asservir la plateforme aux repères terrestres.
La Terre tourne de 15 degrés par heure et cette rotation doit être appliquée à la plateforme pour éviter les dérives d'horizontalité et d'orientation. Pour corriger ces dérives dues à la rotation terrestre, il faut décomposer vectoriellement cette rotation sur le plan horizontal d'une part, et sur le plan vertical d'autre part.
Soit L l'angle formé entre la latitude du lieu et le plan de l'équateur. Le calculateur doit appliquer à la plateforme une rotation de 15°/h x cos L autour de l'axe Nord pour conserver l'horizontalité et une rotation de 15°/h sin L autour de l'axe vertical pour conserver l'orientation.
Nota : En général, le calculateur tient compte du décalage d'orientation et ne recale pas la plateforme car il est plus précis de faire des calculs que de déplacer mécaniquement un ensemble complexe comme une plateforme.
Remarque : Lorsqu'on décompose la rotation terrestre, on suppose que la verticale du lieu passe par le centre de la terre ; or, ceci n'est vrai qu'en première approximation. En réalité, la terre est un géoïde qui est aplati aux pôles ; c'est-à-dire que la verticale vraie (fil à plomb) n'est pas la même que la verticale géocentrique. Il existe un décalage de quelques minutes suivant la latitude L. C'est le calculateur de la centrale qui tiendra compte des erreurs dues à ce décalage.
Comment appliquer les rotations à la plateforme
Cas de l'accélération Nord/Sud :
Les accéléromètres placés sur la plateforme mesurent l'accélération NORD/SUD de l'avion. Après une intégration, on en déduit la vitesse linéaire NORD
On divise cette vitesse par R + h pour avoir la vitesse angulaire autour de l'axe EST/OUEST. Ce signal est appelé "Angular Torque Rate". VNORD/R+ h
On applique ce signal à un "moteur couple" placé sur l'axe de sortie du gyromètre qui sert à stabiliser la plateforme sur l'axe EST/OUEST.
Le gyromètre fournit ainsi sur son synchro de sortie un signal électrique qui va servir, après amplification, à alimenter un "moteur couple" placé, cette fois, sur l'axe EST/OUEST de la suspension supportant la plateforme.
La plateforme va donc tourner à une vitesse telle que le couple de précession du gyromètre annule le couple appliqué sur son axe de sortie.
On fait donc tourner la plateforme à une vitesse proportionnelle à V.NORD/R+h
Si l'on connaît la vitesse angulaire autour de l'axe EST/OUEST, on peut en déduire après intégration la distance parcourue sur le méridien, a'est à dire l'écart de latitude. Or, connaissant la latitude de départ on peut en déduire la latitude instantanée.
Le principe est similaire pour l'accélération Est/Ouest
Ce type de boucle d'asservissement est appelé "boucle de Shüller" du nom d'un physicien allemand qui étudia les pendules pesants. En effet, la plateforme ainsi stabilisée s'apparente à un pendule puisqu'elle reste toujours perpendiculaire à la verticale. Or un pendule est sensible aux accélérations. Pour éviter ce défaut il suffit que sa longueur soit égale au rayon terrestre, auquel cas, le pendule est toujours dirigé selon la verticale vraie et insensible aux accélérations. Ce pendule (imaginaire) qui possède un longueur égale au rayon terrestre possède également une oscillation propre dont la période est égale à 2Pi Racine carrée de (R/g) soit 84.4 minutes. Il suffira de régler la période d'oscillation des boucles d'asservissement à 84.4 minutes pour satisfaire au pendule de Shüller et, dans ce cas, la plateforme restera en moyenne parfaitement horizontale quelles que soient les conditions extérieures.
Petite complication supplémentaire :
Les gyromètres qui doivent assurer les corrections de rotation sont disposés sur la plateforme et ils doivent commander des moteurs couple qui sont sur les axes de suspension ; comme ces axes ne sont pas confondus, il faut effectuer un changement de coordonnées. Les rotations détectées par les gyros sur les axes X et Y de la plateforme doivent être transformées en rotation autour des axes roulis et tangage par les moteurs couple. Les équations de transformation sont réalisées par un resolver différentiel transformateur de coordonnées monté sur l'axe azimut de la plateforme et qui assure la liaison entre le gyro et le moteur couple correspondant.
ALIGNEMENT
But : Rendre la plateforme horizontale et connaître son orientation, ceci avec une grande précision.
Réalisation : L'alignement se fait généralement en trois séquences MECANIQUE - SOMMAIRE - FIN
Alignement mécanique
On amène la plateforme parallèle au plan avion en bouclant les synchros de position, montés sur les axes plateforme, sur les moteurs couplé placés sur les mêmes axes.
On chauffe la plateforme rapidement (11 degrés/mn environ) pour l'amener près de la température normale de fonctionnement. À la suite de quoi on passe dans un mode de chauffage lent et pulsé qui permet d'entretenir la température de fonctionnement de l'INS aux environs de 70 degrés. On lance les toupies des gyromètres ou des gyros.
Alignement sommaire
- Phase analogique
Les accéléromètres sont utilisés en détecteur de niveau. Leurs signaux de sortie commandent directement les moteurs couple montés sur les axes de sortie des gyromètres de stabilisation plateforme. Après quelques secondes, un régime d'équilibre s'établit, le servomécanisme que constitue cette boucle, possède une erreur de traînage (signal de vitesse appliqué à un servomécanisme). Il reste donc une erreur Sigma et cette erreur est nécessaire pour faire tourner la plateforme et, de plus, elle est suffisante pour que la plateforme tourne à la même vitesse que l'horizontale terrestre soit 15degrés/h cos L.
- Phase "digitale" (utilisation du calculateur pendant environ 4 mn)
L'erreur Sigma permet d'évaluer la latitude L et l'orientation Alpha de la plateforme ; Les accéléromètres n'étant alors pas parfaitement horizontaux, ils fournissent des signaux de sortie qui dépendent de la latitude et de l'orientation de la plateforme. Le calculateur réalise les opérations nécessaires aux calculs de L et d'Alpha :
Acc.X/Acc.Y = (Cos L x Sin Alpha)/(Cos L x Cos Alpha) = Tg Alpha d'où Alpha
(Acc.X)² + (Acc.Y)² = (15deg/h)² x cos²L(sin²Alpha+cos²Alpha) = 15deg/h cos²L d'où Cos L et L
L'INS vérifie le bon fonctionnement du calculateur en comparant la LATITUDE calculée et la LATITUDE insérée par l'opérateur. ATTENTION ! Un erreur de signe sur l'affichage de la latitude n'est pas détectée de même on ne vérifie pas la longitude de départ.
Si la différence entre le Cosinus de la latitude calculée et le Cosinus de la latitude insérée est inférieure à une tolérance l'INS poursuit son alignement et l'on passe automatiquement dans la phase alignement FIN.
Alignement Fin
Le calculateur, connaissant la latitude inséré, et l'orientation évaluée, va appliquer des couples sur les gyros X et Y de la plateforme pour essayer de supprimer l'erreur d'horizontalité
De plus, le gyro d'azimut est compensé de la rotation terrestre (15° /h sin L) et de sa dérive propre (évaluée lors du voyage précédent)
S'il reste encore une erreur sur l'horizontalité, il ne peut s'agir que d'une erreur sur l'orientation. ou d'une dérive du gyro Z qui maintient l'azimut de la plateforme.
On mesure donc l'erreur sur Alpha et l'on rajoute cette erreur en couple gyro sur les axes X et Y.
Cette boucle agit d'une façon continue jusqu'à l'obtention d'un seuil qui correspond à une erreur très faible et acceptable pour que l'on puisse considérer la plateforme parfaitement horizontale.
l'ALIGNEMENT est TERMINÉ, un voyant READY NAV s'allume pour signaler à l'équipage que l'ensemble peut servir pour la navigation.
NOTA : Durant la dernière phase de cet alignement, le taux de variation de l'erreur peut renseigner sur la dérive du gyro d'azimut et l'on pourra compenser mécaniquement cette dérive.
L'alignement étant terminé on peut passer sur NAVIGATION au MSU et la plateforme change de boucle d'asservissement, les accéléromètres prenant effectivement maintenant leur fonction de mesure des accélérations.
Et la centrale à inertie est alors prête à faire son travail.
Bibliographie
CMM's (Component Maintenance Manual) des différentes centrales à inertie (Litton, Delco et Sagem)
Documents de cours du CIV (Centre d'Instruction de Vilgénis) d'Air France (1983)
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