Une après-midi sur un aéroport d'outre-atlantique...
Je ne résiste pas à l'envie de vous raconter mon après-midi...
Vers 14 heures, n'ayant pas grand chose à faire d'autre que de bosser sur la
FAQ (et vu que j'avais dejà bossé dessus toute la matinée, y'a un moment où
faut se changer les idées), je me dis qu'un petit tour à l'aéroport d'à côté
serait peut-être sympa... je fourre mon sac photo, mon mini Jane's et deux
canettes dans mon sac a dos, je prends mon VTT et en route. Deux kilomètres
plus loin, je lève les yeux et je vois deux A-10 passer à basse altitude, et
assez lentement. Visiblement, le second rassemble sur le leader. Conclusion
immédiate : ils viennent de décoller, et dans une heure et demie ils
reviendront atterrir. Donc j'aurai quelque chose à me mettre sous la dent,
ca commence bien. Une petite dizaine de kilomètres plus loin, j'arrive en
vue de l'usine Lockheed-Martin Electronics, avec toute une rumba de Jeeps
qui patrouillent autour. Je jette un oeil à un F-101 en piteux état au
milieu d'un tarmac qui ressemble plus à une pelouse qu'à du beton, et à un
F-105 parqué à côté dans le même état. Quelques centaines de mètres plus
loin, je suis à la tour de contrôle... hop je saute du vélo, je grimpe
quelques marches qui me mettent à hauteur des taxiways et piste, j'attache
le vélo, je sors l'appareil du sac, je remplace le 28-80 par un 75-300mm
nettement plus adapté, je fourre deux pellicules dans ma poche, et me voilà
fin prêt à accueillir les quelques avions qui voudront bien se donner la
peine de montrer le bout de leur nez... Il est 15 heures. Je n'attends pas
une minute que j'apercois un point qui grossit au loin. Aile haute, deux
phares sur l'aile, un phare sur le train avant... une grande dérive qui
n'est pas en T... pas de doute, v'la un C-130J. Devant moi, un grillage d'un
mètre de haut me separe du taxiway... de l'autre côté du grillage, quelques
voitures sont garées. Je me déplace sur le côté de facon à arriver pile
devant la tour, là où le grillage est ouvert. Y'a beau avoir un panneau
m'interdisant de pénétrer là si je ne suis pas pilote ou passager, je fais
quelques mètres pour avoir une belle vue bien dégagée sur toute la piste,
tout en restant en retrait du taxiway. L'Hercules se rapproche, réduit sa
vitesse de facon toujours aussi impressionnante, et se pose devant moi,
tellement silencieux que le vacarme des turboprops poussés à fond
immédiatement après pour aider cette énorme masse à ralentir un peu plus
vite est difficilement supportable.
C-130J à l'atterrissage |
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(crédit photo : Tomcat)
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Le C-130 prend une bretelle et va
rejoindre ses comparses sur la base militaire de l'autre côté de la piste.
Le ballet des Cessna 152 reprend, interrompu de temps a autres par un King
Air qui fait des tours de piste... Dans la strate supérieure de l'aéroport,
trois ou quatre hélicos s'amusent à tourner et piquer sur un point au loin
qui semble être une sorte de cible d'entraînement à l'atterrissage d'urgence
pour pilotes civils... Dans la strate encore supérieure, des 737 succèdent
aux 727 sans faire attention aux petits qui évoluent en-dessous... des
aigles planent, immobiles splendeurs exhalant une infinie majesté, aussi
troublés par le trafic aérien ambiant qu'un pigeon parisien par un
insouciant passant.
Grésillement dans les haut-parleurs livrant aux observateurs les dires des
pilotes au contrôleur et du contrôleur aux pilotes, "siouanesseurti you're
green for landing". Un autre C-130 se profile et touche sous l'objectif
émerveillé de mon Minolta descendu au 180ème de seconde pour ne pas perdre
un mouvement d'hélice sur la pellicule...
Un Raytheon 800 parcourt le taxiway et décolle juste derrière, laissant à
peine le temps à l'Hercules de libérer la piste. Le contrôleur demande
alors à un des hélicos de la State Police de nettoyer la piste... hop là,
vingt secondes après un superbe Dauphin avale la piste à quelques pieds de
haut, éloignant tout débris indésirable de par la puissance du souffle
degagé par son rotor... clic clic, c'est dans la boîte. Le Dauphin n'a pas
encore quitté la piste qu'une silhouette confuse mais déjà reconnaissable
apparaît dans les cieux... la silhouette se sépare et se tranforme en deux
A-10 volant en formation très serrée... ils passent parallèlement à la piste
et breakent pile au-dessus du contrôle, c'est à dire juste là ou je suis...
le soleil se reflète sur les pylones de l'ailier tandis que le leader a
l'ensemble du ventre de son appareil illuminé par les rayons solaires déjà
nettement descendus du firmament stellaire. Un 180 puis une très courte
finale et les deux Warthogs sont au sol, alors qu'une quinzaine de clichés
viennent de crépiter à mon appel du doigt sur le déclencheur...
Quinze minutes passent sans le moindre mouvement important, le fond sonore
restant assuré par les 152 et PA28 qui n'entendent pas se laisser
monopoliser le terrain par ces drôles de machines qui ont tout d'un avion
sauf la forme, le bruit et la grâce.
Il est seize heures... à l'ombre de la tour, je sirote un Pepsi en me
demandant si les deux A-10 qui sont encore en l'air (leur place est vide sur
le parking de la base militaire) vont bien vouloir se donner la peine de
rentrer dormir à la maison. Entre les camions citernes et les jeeps de
surveillance, un beau pick-up vient se garer sur une des places reservées
devant la tour. En descend un pilote au look très américain, qui s'asseoit
sur une marche devant la tour et regarde les avions passer, en discutant
avec un de ses copains sorti du bâtiment pour l'occasion.
C'est alors qu'un sifflement percant déchire le relatif silence des moteurs
de 152 au ralenti... un quadruple sifflement... des sifflement comme ca, ca
peut venir que d'un seul moteur au monde : celui du Warthog. Arrivés en TBA
et à fond la caisse, les deux A-10 font un passage au-dessus du terrain,
assez éloignés l'un de l'autre. Le leader incline son avion,
invitant l'ailier à le rejoindre.
Les Warthogs |
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(crédit photo : Tomcat)
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Celui-ci coupe la trajectoire de virage de
son leader et se retrouve dans son aile. Passage au-dessus de moi, et 180
degrés classique. Mais sans break. Ouh là, que je me dis... vont-ils se
payer un atterro en formation serrée ? Voilà qui serait superbe... PTU,
sortie du train, les deux hogs descendent rapidement et à quelques mètres du
seuil de piste, relancent leurs deux moteurs à fond en rentrant le train et
les volets. Brraaaouuuummmm, passage devant moi au ras du sol des deux
appareils, le leader distançant l'ailier d'une ou deux longueurs... les deux
tirent une chandelle pour prendre un peu d'altitude et recommencent leur 180
degrés, toujours en formation serrée. Cette fois-ci le leader laisse
descendre son ailier mais, train sorti, garde de la puissance sous le
pied... il se retrouve un poil plus haut que l'ailier, le laisse se poser
mais remet plein gaz juste derrière lui pour se refaire un petit tour de
piste.
Wave-off |
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(crédit photo : Tomcat)
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C'est reparti... 180, PTU... ah non cette fois-ci il ne sort pas le
train et maintient sa vitesse, en descendant tout de meme un peu... ok pour
un passage "à la Maverick" au ras des moustaches de la tour. Puis encore un
180, mais cette fois-ci tres serré, sans doute en encaissant un paquet de Gs
au passage (ça réveille, après une longue mission...). Il refait sa finale
et se pose sans problème devant moi, complètement subjugué par ce show
improvisé digne des meilleurs meetings (sauf que là je suis deux fois plus
près de la piste que dans un meeting). Cette fois-ci, tout le monde est
rentré, il est 16h15 et ça m'étonnerait qu'ils redécollent pour une nouvelle
mission... Même le hangar des bizjets, recelant nombre de merveilles de type
Falcon 900 et Gulfstream tous neufs, est fermé... Les hélicos continuent de
tourner, errant sans but parmi les Cessna 152, c'est bien tout ce qui reste
en l'air...
Et le pilote de tout à l'heure commence à entamer la conversation,
visiblement interessé par mon appareil photos... "school project ?" nan nan,
moi y'en a être francais. On papote dix minutes, et il finit par m'inviter à
faire un tour de l'aéroport dans les zones interdites aux touristes...
j'accepte avec empressement... je monte dans son pick-up et très sympa, il
me fait faire le tour des 200 hangars de l'aérodrome, salue quelques copains
à lui au passage... arrivés au bout, je lui dis d'un air innocent que je me
souviens avoir vu un jour quelques avions anciens exposés dans un coin de
l'aéroport... pas de probleme, il m'y emmène, me faisant franchir au passage
cette grille vexante indiquant l'entree du tarmac de la police de l'Etat...
et surtout l'interdiction qui est faite a quiconque d'y pénétrer, sauf
personnes autorisées... Coup de bol, je suis avec un "autorisé". Et voilà un
bel alignement de jets, sans personne autour, allègrement repeint par les
déjections des volatiles en séjour dans le coin, mais quand même bien
agréable à voir : T-33, deux F-100, F-4, A-7, deux B-57, et un truc
qui ressemble à un DC-3 mais qui n'en est pas un... trois pellicules plus
tard, je remonte en voiture et il m'emmène là où je n'aurais jamais espéré
aller : en plein milieu du tarmac de la police, à quelques mètres d'un
Dauphin qui n'attendait que moi pour décoller sous mon objectif. Voilà
voilà... on est tout au bout de la piste. Reste plus qu'à refaire le chemin
en sens inverse tout en discutant. Dix minutes plus tard, nous revoilà
devant la tour, il me propose de prendre un verre mais l'heure tardive m'en
dissuade... après force remerciements je m'apprête à retrouver mon guidon...
Tiens tiens, un Hercules s'aligne en bout de piste. Boudiou l'appareil, on
change la pellicule et on se poste au bon endroit. "siouanesseurti, you're
green for take-off". Sauf que vu le QFU, il va decoller assez loin après
moi, en principe. C'est sans compter sur les formidables capacites STOL de
cet appareil, notamment dans sa version J... il lève le nez pile devant moi
et décolle dans la lumière du soleil approchant de l'horizon...
Décollage devant moi |
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(crédit photo : Tomcat)
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Tout le
monde admire l'oiseau s'éloigner, et cette fois-ci il est temps de rentrer.
25 minutes de VTT, il est 18h10, je suis de retour crevé, mais heureux. Avec
6 pellicules de plus. Je tâcherai de faire developper quelques photos sur
place et de les scanner si j'en ai l'occasion pour vous faire profiter de
ces instants magiques où un monstre de metal quitte le sol grace a cette
invisible et étrange puissance des flux d'air sous le chaud soleil
americain... Même après l'avoir vu 100 fois, 1000 fois, 10000 fois c'est
toujours aussi beau.
Désolé pour la longueur, je pensais pas écrire autant, ce soir...
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