Préambule
Le siège éjectable est apparu en même temps que les avions de combat modernes et rapides. Lorsqu’il s’est avéré impossible pour le pilote de sortir de la cabine pour abandonner l’avion par ses propres moyens, ce système extrêmement fiable et puissant a été mis en place afin de garantir au pilote toutes les chances de survie.
Siège éjectable MDD Aces II installé dans le cockpit du A-10 |
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(crédit photo : Tomcat)
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Quels sont les rôles du siège éjectable ?
Ils sont multiples :
- Tout d’abord permettre au pilote d’abandonner l’avion et de s’éloigner rapidement de la trajectoire de celui-ci.
- Préparer le pilote le plus rapidement possible à un atterrissage sous voile. Et on a vu récemment sur certaines vidéos que le temps est parfois compté…
- Mettre à la disposition du pilote des équipements de survie. (Par l’intermédiaire d’un paquetage de survie.
Le rôle du siège en lui même se résumant à extraire un pilote de son avion, à priori en difficulté, et à le ramener sur terre… vivant.
Pas forcément intègre, mais vivant.)
Ejection d'un MIG 25 |
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(crédit photo : inconnu)
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Composition générale du siège éjectable
Ils sont multiples :
- Un baquet réglable en hauteur et formant réceptacle pour le paquetage de survie.
Véritable squelette du siège, il permet de ne pas disperser le pilote et son paquetage de survie tant que le parachute ne s’est pas ouvert.
- Un dossier formant réceptacle pour les parachutes sur les sièges les plus anciens (Martin Baker Mk4).
- Un appuie tête recevant le parachute stabilisateur (MK4) ou les deux parachutes : stabilisateur et principal (MK10)
- Un harnais pilote équipé d’un système de rappel de buste : système pyrotechnique qui plaque le harnais au baquet au
niveau des épaules afin que le pilote soit en bonne position avant le coup de pied au derrière)
- Un système d’éjection pyrotechnique, assurant le départ et l’évacuation de l’avion dans des conditions physiologiquement acceptables.
Tout est fonction de l’altitude et de la vitesse : à la fois pour que la séquence complète d’éjection de déroule
complètement (2.65 secondes entre le tirage de poignée et l’ouverture de voilure pour un Mk10) et pour que physiologiquement
le corps résiste aux agressions du monde extérieur à la cabine (souffle du vent relatif, température très basse,
faible pression atmosphérique).
- Un système de rappel de jambes qui ramène les chevilles du pilote vers l’arrière lorsque le siège commence à quitter la cabine.
(sur les films des premiers essais des premiers sièges éjectables… on voit les pauvres para d’essai se faire écarteler par
le vent relatif ! on a donc prévu des rappels de membres pour éviter que bras et jambes ne partent dans des directions opposées
au sens du bon déroulement de la séquence d’éjection).
- Des mécanismes assurant automatiquement la séparation siège/pilote, et l’ouverture des parachutes.
- Une centrale à oxygène.
- Un paquetage de survie.
Siège éjectable installé dans le Boeing X-32 |
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(crédit photo : Tomcat)
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Comment ça marche ?
L’armature du siège est construite autour du canon d’éjection.
Il sert également à fixer le siège dans la cabine.
C’est un tube métallique composé de trois parties télescopiques, un peu comme les éléments d’une canne à pèche.
Son diamètre est d’environ 10 cm et sa hauteur déployée est approximativement égale à trois fois la hauteur du siège lui-même.
L’objectif est qu’une fois totalement déployé, le tube mette l’ensemble siège/pilote juste au dessus du cockpit pour l’allumage du moteur fusée.
La cartouche de poudre destinée à la mise à feu principale serait, pour schématiser, une énorme cartouche de chasse sans plomb,
placée verticalement tête en bas sur le haut du canon d’éjection.
Sa mise à feu est obtenue soit mécaniquement par un percuteur central (commande à câble reliée aux poignées d’éjection),
soit par l’action d’un percuteur actionné par les gaz de petites cartouches de mise à feu déclenchées
elles aussi par les poignées d’éjection.
Au cours du début de la montée du siège, après la mise à feu principale, le canon d’éjection en se déployant
découvre deux charges auxiliaires placées l’une au dessus de l’autre en bas du tube d’éjection.
Ces deux charges dont l’allumage est obtenue par sympathie (une explosion est déjà en cours dans le canon,
nous n’en sommes qu’aux 30 ou 40 premiers centimètres de la course du siège) ont pour rôle de prolonger la poussée
et l’accélération du siège.
Pour les modèles « ancienne génération » (Martin Baker MK4) la séquence de départ s’arrête là et suffit à évacuer
et sauver le pilote à condition que l’avion ait une altitude et une vitesse non nulles.
Si l’avion est immobilisé au sol, il est impossible d’atteindre une altitude suffisante pour obtenir le déploiement correct du
parachute principal et la séparation siège/pilote. Il y a grand danger pour le pilote.
Une vitesse horizontale suffisante est également vivement recommandée pour obtenir l’ouverture du parachute dans de bonnes conditions.
D’où l’apparition plus récente de sièges dits « Zéro Zéro », Type Martin Baker MK 10.
Ceux-ci, munis de systèmes de déclenchements pyrotechniques et redondants, terminent la séquence d’évacuation par
l’allumage de moteurs-fusées placés sous le baquet (déclencheur à gaz actionné à la fin de l’éjection par un câble de commande).
Grâce à ce dispositif qui augmente encore la longueur de la course propulsée du siège,
l’éjection devient possible dans de bonnes conditions avec un avion à vitesse 0 et altitude 0…
(le siège atteint une altitude d’environ 65 mètres avant l’ouverture du parachute principal et la séparation siège/pilote).
De plus, l’accélération subie est plus progressive. C’est moins traumatisant pour la colonne vertébrale et on ne perd plus connaissance.
Siège éjectable MB Mk10 du Mirage 2000 |
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(crédit photo : Tomcat)
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Combien prend-on de « G » lors de l’éjection ?
Le pilote est soumis à rude épreuve, puisqu’il encaisse une accélération de 16G pour le Mk10, à 20G pour le Mk4.
Ceci pendant quelques dixièmes de secondes.
Bien qu’elle soit très brève, cette formidable accélération peut provoquer une perte de conscience temporaire.
Après la commande d’éjection (qui elle-même n’est jamais automatique sauf en cas d’avion biplace pour l’un des deux occupants)
la suite des évènements se doit donc d’être automatique.
En fait, à peine plus de deux secondes après la commande d’éjection le pilote se retrouve suspendu à son parachute…
Si les conditions de vitesse et d’altitude sont remplies : Si on s’éjecte à 40 000ft on est congelé avant d’arriver au sol !
L’ouverture du parachute principal est donc conditionnée par des valeurs d’altitude de décélération.
Tant que les valeurs correctes ne sont pas atteintes, l’ensemble siège/pilote descend rapidement,
la descente est stabilisée par un petit parachute stabilisateur et le pilote est alimenté en oxygène par la centrale de secours du siège.
Le système d’éjection peut-il se déclencher accidentellement ?
Non.
Les sécurités sont multiples et le système de déclenchement est fiable.
Les seuls départs de sièges « non souhaités » recensés se sont produits lors d’opérations de maintenance ou de mise en œuvre
ou lors de fausses manœuvres de l’équipage.
Des accidents se sont déjà produits, mais jamais une cartouche de mise à feu ne s’est enflammée toute seule.
Siège éjectable installé dans le cockpit du F-104 |
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(crédit photo : FFSMC courtesy from Palmito)
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Le système d’éjection peut il ne pas se déclencher ?
Non.
Le départ du siège est obtenu dans tous les cas.
La suite des évènements peut s’avérer problématique pour diverses raisons (configuration avion, vitesse, altitude,
rencontre avec un obstacle, explosion de l’avion et passage du pilote dans la boule de feu) mais le siège part toujours.
Une seule exception connue dans l’histoire des sièges éjectables : au cours d’un abordage avion / hélicoptère,
une des pales de l’hélico est entrée en collision avec le haut du siège MK10, sectionnant la canalisation de transfert
des gaz de la commande du percuteur principal.
La commande de mise à feu a fonctionné normalement mais évidemment la cartouche principale n’a pas été percutée…
Plus grave encore, comme le parachute est placé dans l’appui-tête de ce siège, si le canon avait fonctionné,
il n’ y aurait pas eu de parachute à ouvrir !
Malheureusement le pilote de ce Mirage 2000 s’est vu se crasher quand il a finalement perdu le contrôle de son avion
irrémédiablement endommagé. Une pensée pour cet équipage et pour celui du Lynx qui l’a abordé.
Siège éjectable dans le cockpit du F-104 |
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(crédit photo : FFSMC courtesy from Palmito)
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La verrière est elle larguée avant l’éjection, ou est elle fragilisée et le siège passe à travers ?
Les deux solutions existent.
Les sièges les plus anciens (MK4) ont un départ temporisé d’une seconde pour laisser le temps à la verrière de partir d’abord…
L’avion sur lequel ils sont montés doit être équipé d’un système d’évacuation de la verrière.
Au moment de l’action sur la commande d’éjection, la verrière est déverrouillée et entrouverte par des vérins pyrotechniques.
Le vent relatif l’arrache et la dégage de la trajectoire du siège.
On comprend vite les limitations du système : parfois une seconde c’est trop,
et si l’avion n’a pas de vitesse suffisante la verrière ne part pas.
Sur les avions les plus récents, la verrière est équipée d’un circuit de points de fragilisation formant une sorte de couronne en
cordeau détonnant. Dans les premiers centimètres de la course du siège, la fragilisation verrière est mise à feu.
L’intégralité de la verrière « s’étoile » comme une vitre automobile mais reste en place.
Le haut du siège traverse la verrière et dégage une zone suffisante pour le passage du buste du pilote.
Cette zone est munie de charnières souples qui favorisent son évacuation vers l’arrière.
Le reste de la verrière part en morceaux à la demande.
Est ce que le déploiement du parachute est automatique, au cas où le pilote serait évanoui ?
Oui, bien sûr.
Mais ce n’est pas la seule chose qui soit automatique lors d’une éjection.
En fait la seule chose qui soit entièrement manuelle est la commande initiale d’éjection dans le cas d’un avion monoplace.
En biplace, celui des deux qui commande son éjection provoque également le départ de son petit copain…
dans tous les cas le siège arrière part en premier. Ca évite que celui de derrière soit brûlé par les gaz d'éjection du premier.
La séquence d’éjection se déroule comme suit :
- Commande d’éjection
- Fragilisation verrière
- Début de la montée, rappel de torse (harnais pilote), descente automatique des visières du casque (dû à l’accélération).
- Franchissement de la verrière
- Coupure des liaisons pilote avec oxygène et radio de bord
- Alimentation en oxygène secours
- Déclenchement balise de détresse
- Rappel des jambes vers l’arrière.
- Allumage des moteurs fusées éventuellement - Fin de la phase propulsée.
- Déclenchement du pistolet extracteur (pyrotechnique) du parachute stabilisateur.
- Déploiement d’un parachute stabilisateur de petite taille. Stabilisation de la trajectoire, début de descente.
- Surveillance des conditions d’altitude et d’accélération . Si conditions réunies :
- Libération des fixations du harnais pilote sur le siège
- Libération du parachute principal
- Lors du choc à l’ouverture : séparation siège / pilote
- Mise en œuvre du paquetage de secours (gonflage canot monoplace).
- Le gonflage éventuel du gilet de sauvetage reste à commande manuelle dans tous les cas.
- Atterrissage ou amerrissage.
Ejection d'un MIG 29 au Bourget 1989 |
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(crédit photo : inconnu)
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L’éjection des sièges modernes peut elle s’effectuer quelle que soit la configuration de l’avion dans l’espace ?
Techniquement oui.
Comme on ne peut pas se permettre de risquer un « non départ » pour quelque raison que ce soit, le siège part toujours.
Mais cela ne veut pas dire que l’éjection sera réussie.
Si l’avion est en vol dos à 10 m sol, ça va forcément mal se passer…
(sauf pour les sièges de fabrication russe : ils sont gyro-stabilisés et retrouvent donc tout seul le sens de l’éjection vers le haut !
bon à 10m sol… faut pas rêver quand même !)
Les pilotes russes semblent être ceux qui bénéficient des matériels les plus efficaces en cas de manœuvre scabreuse.
Le mauvaises langues disent que leur meilleure pub est celle qu’ils ont fait en 1999 au Bourget à l’aide du Sukhoï 30 MKI.
L’examen de la vidéo du crash est particulièrement intéressante à ce sujet : on voit nettement les sièges remonter
malgré la position particulièrement défavorable de l’avion… La suite de la séquence d’éjection est également très nette.
Voir cette vidéo. (Source : Pragmatic Productions, avec autorisation).
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