RADAR : Historique
Avec l'apparition de l'arme aérienne, un des soucis des armées fut la défense aérienne. La défense contre avions (DCA) est confrontée au problème de la détection des aéronefs. Il n'existe alors que le guet à vue et il est souvent trop tard pour donner l'alerte et déclencher les canons de DCA.
Et, comme souvent, la recherche de la solution à ce problème militaire permettra d'avancer dans la technique électronique : Heinrich Hertz a démontré, en 1886, la possibilité des ondes radio à être réfléchies par les corps métalliques et électriques, comme des ondes lumineuses, des ingénieurs ont perçu les applications militaires de cette découverte. En 1904, l'Allemand Christian Hülsmeyer imagine un " appareil de projection et de réception d'ondes hertziennes pour donner l'alarme en présence d'un corps métallique " auquel il donne le nom de " télémobiloscope ". Il faudra attendre longtemps avant que cette intuition ne soit vérifiée expérimentalement.
De 1930 à 1934, des savants américains (A. H. Taylor, L. C. Young et L. A. Hyland), français (Pierre David, Maurice Ponte et Henri Gutton) et allemands expérimentent différents systèmes de détection en ondes continues, et parviennent à repérer des objets métalliques à plusieurs dizaines de kilomètres. Ces systèmes utilisent les ondes métriques, permettant des détections d'avions avec des portées intéressantes - 80 km en 1934 - avec une longueur d'ondes de 5 m (A), par les chercheurs américains du Naval Research Laboratory - mais sans permettre une bonne évaluation de la distance. Ceux qui tentent des expériences sur ondes décimétriques comme Ms Pierret et C. Gutton, employant une longueur d'onde de 0,16 m, ou les chercheurs allemands, avec le système Gema de 0,50 cm (A), se heurtent au manque de puissance des émetteurs.
Vers le milieu des années trente, les grandes puissances commencent à utiliser la détection radio dans la défense antiaérienne. Les Français déploient un barrage électromagnétique qui couvre la frontière du nord-est. Il peut indiquer le passage des appareils adverses mais ne peut préciser leur emplacement. Les Allemands disposent de deux radars de veille aérienne : Le Freya, fonctionnant sur ondes de 2,40 m (A), peut détecter des avions sur une distance de 120 km. Le Würzburg est un radar de DCA émettant sur 53 cm, mais ils ne sont pas encore fabriqués en série au déclenchement du conflit.
Les plus avancés sont les Britanniques. Depuis 1935, grâce aux recherches de Robert Watson-Watt sur les signaux en impulsions, ils décident d'investir dans les techniques de détection. Les résultats sont spectaculaires. En août 1938, trois stations couvrent l'estuaire de la Tamise. En mars 1939, une vingtaine d'émetteurs fonctionnant sur une longueur d'onde de 6 à 13 m (A) et disposant d'une portée de 150 à 200 km sont mises en service sur la côte sud de l'Angleterre. Même si la qualité de ses radars est inférieure à celle des prototypes allemands, la Grande-Bretagne dispose d'un réseau efficace. Les radars sont reliés au Fighter Command de la RAF à Stanmore, lui-même en contact avec le Central Operations des formations de chasse. Celui-ci connaît la position des chasseurs britanniques grâce à un émetteur, le Pip-squeak, installé sur chaque avion. Les contrôleurs aériens peuvent donc rapidement envoyer les chasseurs à la rencontre de l'adversaire. L'emploi du radar décida l'issue de la bataille d'Angleterre en permettant d'assurer un rendement maximum à la chasse britannique qui, autrement, se serait épuisée en patrouilles infructueuses.
Mais beaucoup de progrès restent à faire. Dès 1940, la France disposait, d'un certain nombre de radars prototypes à impulsions en ondes métriques ayant détecté des avions jusqu'à plus de 100 kilomètres de distance. Entre 1940 et 1944, les navires Richelieu, Strasbourg, Algérie, Jean-Bart et Colbert étaient équipés de radars. La C.S.F. avait, jusqu'en 1940, poursuivi des études sur la possibilité d'obtenir des impulsions puissantes en longueurs d'onde décimétriques (16 cm) (A), ayant pour réaliser ce projet l'idée d'utiliser dans les tubes émetteurs dits magnétrons une source particulière d'électrons, la cathode à oxyde. Un tel tube ainsi équipé fut remis le 8 mai 1940 aux chercheurs anglais, et, selon les propos du docteur E. C. S. Megaw de l'Admiralty Signal Establishment, "ce fut le point de départ de l'emploi de la cathode à oxyde pratiquement dans tous les émetteurs à impulsions, et, en conséquence, ce fut une contribution importante au radar".
Dès l'été 1940, des savants sont mobilisés par centaines dans leurs laboratoires pour concevoir un système de détection précis et à longue portée. Utilisant les recherches sur les ondes courtes effectuées par les savants français du Centre de télégraphie Sans Fil, et en particulier l'emploi de la cathode à oxyde dans les émetteurs à impulsions, l'équipe de l'Université de Birmingham, dirigée par John Randall et Henry Boot, réussit à mettre au point le magnétron à cavité (Voir partie technique) qui peut émettre un faisceau puissant sur ondes courtes. Mais il faut encore de longs mois de recherches avant que les premiers radars centimétriques n'entrent en service, fin 1941. Les Alliés disposent d'un avantage décisif, auquel ils doivent des succès inespérés, tant dans la guerre navale que dans la guerre aérienne. La radionavigation permet en effet de mener l'offensive aérienne sur l'Allemagne tandis que sur mer, le radar autorise la défense des navires contre les avions et les sous-marins. De leur côté, les Allemands en restent longtemps au système des ondes métriques. Dès 1941, ils équipent les côtes de la Manche et de la Mer du Nord en radars émettant sur des longueurs de 2,40 m à 6 m (A). A la fin de 1944, ils sont sur le point de combler leur retard. La défense aérienne reçoit alors les nouveaux radars Jagdschloss Z émettant sur 9 cm (A), mais trop tard : la chasse allemande est trop affaiblie pour en tirer parti.
Le radar, né d'une exigence de défense aérienne a incontestablement joué un rôle décisif dans l'évolution de la Seconde Guerre mondiale.
Depuis 1945, l'avion est devenu inconcevable sans le radar qui, outre de nombreuses applications scientifiques et militaires est maintenant l'élément incontournable de toute circulation, aérienne, maritime ou... routière.
Historique par des "brèves" de journaux.
1935, 9 septembre. Londres
On détecterait les avions sur un écran.
Au département " top secret " de la recherche, on laisse entendre que les chercheurs sont désormais capables de détecter la position des avions en vol en utilisant les ondes radio. R. Watson-Watt, responsable de l'expérience, vient d'écrire au Comité pour la recherche de la défense aérienne. Il propose de construire des stations équipées du nouveau système de détection radio sur tout le littoral sud et sud-est, pour identifier les bombardiers ennemis. La démonstration de ce nouvel appareillage, le 26 février dernier à Daventry, devant un membre du bureau du ministère de l'Air, a été concluante. Depuis, des fonds ont été dégagés et le groupe de Watson-Watt travaille loin de la foule, à Orford Ness on Suffolk, pour mettre au point ce nouveau système.
1936, 13 mars. Bawdsey
Un avion est détecté à 5 000 m d'altitude.
Nouvelle percée dans la détection des avions en vol : un Hawker Hart volant à 5 000 m a été repéré aujourd'hui par les services de détection radio. Les techniciens sont désormais capables de calculer le cap de l'appareil identifié, en plus de sa vitesse, si elle est supérieure à 100 km/h, et d'estimer son altitude. Le gouvernement suit de très près les progrès de la recherche en ce domaine. Le 16 septembre 1935, un comité de défense aérienne a voté les crédits pour la création sur tout le littoral de l'English Channel d'une série de stations dotées de ce nouveau type d'équipement. Le système fonctionne en émettant une impulsion radio qui est réfléchie par l'avion vers la station émettrice. Le temps de détection est calculé puis affiché sur un oscilloscope. Les opérateurs en déduisent alors la vitesse, la distance et la direction de l'appareil, donc la position.
1939, 1er avril. Grande-Bretagne.
Les radars anglais surveillent la Manche.
Les Français comptent sur la ligne Maginot, les Anglais sur leurs radars face à la menace allemande. Ils ont construit une ligne de stations radar sur la côte est qui est à même de détecter les avions ennemis au-dessus de la Manche et du continent. Ce réseau d'alerte très efficace fonctionne désormais en continu. Il ne cesse d'être perfectionné.
1940, 18 septembre. Bentley Priory.
La protection radar s'est révélée efficace.
La bataille d'Angleterre tourne ces derniers jours à l'avantage de la RAF. Cet important succès est largement dû à l'utilisation du nouveau réseau de protection radar, le Chain Home. Le centre nerveux de la défense radio britannique est installé dans le Middlesex, à Bentley Priory, où il est logé dans un château du XVIIle siècle. C'est de là que sir Hugh et ses officiers observent sur écran les escadrilles ennemies qui arrivent vers l'Angleterre, et préparent les ripostes les plus efficaces. Cette station, aussi équipée du RDF (Radio Detection and Finding), permet de maintenir les chasseurs de la RAF au sol jusqu'au moment opportun et de les diriger à la rencontre de la Luftwaffe. Les Allemands ne semblent pas avoir trouvé un moyen de parer à cette tactique.
1943, 31 janvier. Hambourg
Avec le H2S, les Halifax voient plus loin.
Le Bomber Command a lancé une première mission de bombardement avec des Halifax équipés du système de radar embarqué H2S. Le raid s'est déroulé de nuit, avec Hambourg pour objectif. La mission est qualifiée de succès. Maintenant une altitude élevée qui les protégeait de la Flak, les bombardiers se sont dirigés avec une grande précision vers leur cible. Les opérateurs radar distinguaient bien sur leur écran lumineux la différence entre les échos faibles, reçus de la mer, et ceux plus denses et brillants reçus de la côte et de l'agglomération de la grande ville.
1944, 5 juin. Cap de la Hague (J'avais 23 jours)
Les Typhoon épargnent un seul radar.
Vingt-cinq appareils de la RAF ont détruit à la bombe et à la roquette la station radar de la Luftwaffe. Désormais, de Cherbourg à Calais, il ne reste plus qu'un seul radar opérationnel, à Boulogne. Il a été épargné, afin d'enregistrer quelques heures avant le débarquement l'écho du rideau de bandelettes de papier d'aluminium qu'on larguera peu avant Boulogne. Les Typhoon 1-B se sont révélés parfaits pour ce type de mission. Sidney Camm, l'ingénieur en chef de Hawker, qui a aussi créé le Hurricane, en a fait un avion d'assaut solide et massif. Son habitacle est à 2,5 m du sol. Dès que les pilotes se sont familiarisés avec l'avion qui embarque très fort à droite au décollage, ils le trouvent bien armé, rapide et agréable, à condition de ne pas oublier d'ouvrir souvent les gaz à fond pour décrasser les bougies, sinon, le moteur s'arrête.
1954, 16 décembre. Orly
Le radar d'Orly veille sur le ciel de Paris.
Jacques Chaban-Delmas, ministre des Transports, a inauguré le premier radar primaire installé à Orly par le service de la navigation aérienne. Ces installations, qui desservent le centre de contrôle régional et la tour de contrôle, permettent une amélioration des méthodes de suivi du trafic aérien. Avant l'atterrissage, les avions sont guidés par les contrôleurs vers la balise où débutera l'approche de l'aéroport. Aux heures de pointe, le radar permet un espacement des avions et leur surveillance dans des zones d'attente vers lesquelles ils sont dirigés. Enfin, le contrôle d'approche en finale prend en charge les appareils au moment de la phase ultime. Le pilote est transféré d'un contrôleur à l'autre suivant sa position. Face à l'accroissement de la circulation aérienne aux alentours des aéroports de Paris, ces techniques augmentent la sécurité.
1955, 23 février. États-Unis
Un radar à bord pour le mauvais temps.
Après United Airlines qui avait utilisé le radar de bord construit par RCA sur l'un de ses DC-3, Pan American Airways vient d'installer un appareil similaire, fabriqué par Bendix, sur l'un de ses DC-6B. Pan Am l'utilisera trois mois en différents points du globe. Ce radar de bord n'est pas d'une interprétation simple. Il rend sur l'écran aussi bien les effets de sol avec ses contours et les gros reliefs montagneux que les masses d'eau que forment parfois les orages. Ce sont ces derniers qui sont les plus intéressants à identifier. Dans le cas d'un vol par nuit noire, il est impossible de détecter les orages qui sont pourtant faciles à éviter si on en connaît le contour.
1956
Les Lockheed L-1649A Starliner furent les premiers avions de ligne a être équipés de série d'un système radar météo.
1957, 25 Août. Orly
Air France met en ligne son premier Super Starliner équipé de radar météo.
Au décollage à Burbank, le Super Starliner d'Air France, immatriculé F-BHBO, emportait plus de 36000 litres d'essence dans ses réservoirs. Il avait l'intention de rallier directement Orly, sans escale, soit un vol de 9 343 km. Il a réussi en 16 h 21 min, à la vitesse de croisière de 574 km/h. A l'arrivée sur la piste d'Orly, il lui restait encore un potentiel d'une heure de vol. Dès qu'il fut au sol, le commandant renversa le pas des hélices Hamilton et les quelque 42 tonnes de l'avion furent freinées par la puissance des moteurs, utilisée cette fois afin de réduire la vitesse. Pour le dernier modèle de la série des Constellation, le L-1649, Lockheed est revenu à des moteurs à pistons qui donnent une puissance de 3400 ch chacun alors que le modèle 1049 avait des moteurs de 2800 ch.
(A) Pour déterminer la fréquence en fonction de la longueur d'onde, il faut utiliser la formule :
f = longueur parcourue par la lumière en une seconde divisée par la longueur d'onde, soit 300 MHz (299 792 458 Hz exactement) pour les ondes métriques, 3 Ghz pour les ondes décimétriques, 30 GHz pour les ondes centimétriques, 300 GHz pour les ondes milimmétriques, etc.
Pour toutes les valeurs de longueurs d'ondes de ce texte :
8 mm : 37,5 GHz
3 cm : 10 GHz
5 cm : 6 GHz
9 cm : 3,33 GHz
16 cm : 1,87 GHz
50 cm : 600 Mhz
2,4 m : 124 MHz
5 m : 60 MHz
6 m : 50 MHz
13 m : 23 Mhz
Bibliographie
Livrets de cours du Centre d'Instruction de Vilgénis d'Air France
Encyclopédie Universalis
Encyclopédie Science et Vie
Chronique de l'Aviation - Édouard Chemel
Ma mémoire
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