Caractéristiques
Caractéristiques physico-chimiques du kérosène Jet A ou Jet A1 (la principale différence entre les deux étant la tenue au froid : -40 °C pour le premier et -47 °C pour le second).
- La masse volumique se situe entre 0.755 kg/l et 0.840 kg/l à 15 °C.(a)
- La viscosité cinématique doit être supérieure à 8 mm²/s à -20 °C.
- Le point de fumée doit être supérieur à 25 mm (19 mm tolérés si la teneur en naphtalène est inférieure à 3 %). Le point de fumée correspond, pour une lampe à mèche normalisée, à la hauteur maximale possible de la flamme, sans apparition de fumée noire.
- La teneur en hydrocarbures aromatiques doit être inférieure à 22 %.
- Le pouvoir calorifique doit être supérieur à 42.8MJ/kg (ce qui correspond à une énergie de 1.2 kWh/kg)
- La conductance électrique doit être comprise entre 50 et 450 pS/m.
(a) La densité est le rapport exprimé en nombre décimal de la masse volumique de ce corps à celle d'un corps pris pour référence : en général, l'eau pour les solides et les liquides et l'air pour les gaz. C'est un nombre abstrait. La densité du kérosène est donc égale à la valeur numérique de sa masse volumique exprimée en kg/l.
On voit que le kérosène peut avoir une grande dispersion de caractéristiques, principalement pour la densité et la conductance.
Poussée des moteurs
La formule de la poussée est : F = qa (v5 - v0) avec F poussée en Newtons, qa débit du fluide en kg/s, v5 vitesse d'éjection du fluide en m/s, v0 vitesse de l'aéronef en m/s.
La poussée s'exerçant sur l'avion résulte de la variation de quantité de mouvement de la masse d'air captée et cette variation est étroitement dépendante, quels que soient le rendement du moteur et son taux de dilution, de la quantité massique de carburant consommé. La vitesse de l'aéronef est donc fonction du débit massique du carburant et son rayon d'action dépend de la masse de carburant embarqué. Une fraction de chaque kilogramme de carburant chargé dans les réservoirs sera consommée pour son propre transport. Afin d'optimiser l'économie des vols tout en préservant la sécurité, il est indispensable de connaître en permanence et avec précision la masse de carburant existante à bord des avions.
Historique
Jusqu'au début des années 60, le jaugeage à bord des aéronefs commerciaux était assuré par des capteurs potentiométriques à flotteur délivrant une tension proportionnelle à la hauteur de carburant à l'intérieur des réservoirs. Les réservoirs n'étant ni des parallélépipèdes rectangles, ni horizontaux, les indications données par ce système n'étaient non seulement pas précises, mais donnaient une quantité volumique et non massique (pas de mesure de densité, ni de température), entraînant des emports supplémentaires de carburant pour assurer la sécurité des vols et les éventuels déroutements.
Mesure de la densité
Un emport de vingt mille litres peut représenter, selon les butées possibles de densité du kérosène, une masse de carburant entre 15100 kg et 16800 kg soit 1700 kg de différence, ce qui représente plus de 10 % d'écart. Il est donc impératif de pouvoir mesurer la densité du kérosène embarqué. Dans ce dessein, on utilise le bon vieux principe d'Archimède (Tout corps immergé dans un fluide subit de la part de celui-ci une poussée verticale de bas en haut égale au poids du volume de fluide ainsi déplacé) à l'aide d'un dispositif nommé densitomètre (densitometer ou cadensicon) : une petite masse métallique coulissant librement dans un tube vertical est maintenue en équilibre à l'aide de deux ressorts opposés ; La poussée verticale subit par cette masse est fonction de la densité du kérosène dans lequel est immergé le densitomètre. Le déplacement vertical de la masse sera équilibré par la force antagoniste des ressorts et transmis au système de jaugeage par un capteur de position de type LVDT (Linear Variable Differential Transformer). En fonction des différents avitaillements successifs, la densité du kérosène peut être différente d'un réservoir à l'autre, c'est pourquoi il existe au moins un densitomètre par réservoir.
Mesure du volume
En plus de ne pas être précis, les jaugeurs potentiométriques à flotteur ne sont pas fiables (mécanique du bras, problème d'étanchéité, frottements répétés du curseur du potentiomètre sur la piste) et il a fallu trouver un système de mesure de volume non mécanique, simple et fiable. Le choix s'est porté sur un système de mesure de hauteur de carburant par variation capacimétrique :
la valeur d'une capacité électrique est C = e.(S/d) avec e permittivité absolue du milieu, S surface des armatures en regard et d distance entre les armatures.
On utilise des "cannes", condensateurs formés de deux tubes concentriques maintenus espacés par des entretoises isolantes ; dans ce cas S et d étant fixes, le seul paramètre qui fera varier la valeur du condensateur est la permittivité diélectrique du milieu dans lequel il est plongé. La permittivité vaut environ 1 pour l'air, 80,5 pour l'eau pure et aux alentours de 10 pour le kérosène. La variation de capacité électrique due à l'immersion dans le kérosène sera donc suffisamment importante par rapport à l'air et permettra la mesure de la hauteur immergée. Pour pouvoir calculer correctement le volume en tenant compte de la géométrie des réservoirs, plusieurs sondes sont installées dans ceux-ci, ce qui permet également la redondance des circuits.
La permittivité et la conductance électrique du kérosène sont variables ce qui influe de manière importante sur les valeurs lues des capacités électriques pour une même hauteur de carburant. Il est donc nécessaire de mesurer en permanence le coefficient diélectrique réel du fluide afin de corriger les valeurs lues. Cette mesure du coefficient diélectrique réel est effectuée par un petit condensateur étalon situé en partie basse de la canne la plus basse de chaque réservoir ; connaissant la valeur du condensateur dans l'air, on en déduit par calcul la valeur du coefficient diélectrique lorsqu'il est complètement immergé dans le carburant. Ces calculs sont effectués en permanence et pour chaque réservoir (la "qualité" du kérosène peut être différente d'un réservoir à l'autre).
Calculateur
Le calculateur connaît :
- Le coefficient diélectrique du kérosène,
- La hauteur du carburant en plusieurs points des réservoirs,
- La géométrie des réservoirs,
il peut calculer le volume de carburant dans chaque réservoir.
Le calculateur connaît également la densité du kérosène, il peut donc calculer la masse de kérosène dans chaque cuve ainsi que la masse totale du carburant embarqué.
Les cannes servent également à mesurer la température du carburant de manière à pouvoir gérer sa (re)circulation pour éviter des températures trop basses et un arrêt d'alimentation des moteurs par figeage du kérosène ou trop hautes et des risques de mauvais refroidissement. (L'influence de la température (dilatation ou rétraction) sur la masse de carburant est déjà prise en compte par la mesure de la densité). Chaque canne est équipée d'une diode et une par réservoir est "étalon" de mesure de température ; une diode correctement sélectionnée et polarisée présente une partie linéaire, en conduction directe, correspondant à une variation de 1 mV par °C. Ces tensions sont périodiquement mesurées par le calculateur qui passe alors du mode "quantité" au mode "diode". Il existe un troisième mode "test" qui lui aussi est activé périodiquement pour vérifier l'état correct du système de jaugeage.
Les hauteurs de carburant sont calculées par les mesures des intensités électriques dans les cannes condensateurs, les courants alternatifs mis en jeu sont très faibles, de l'ordre de 15 à 400 microampères, une tension de l'ordre de 3 V et une fréquence de 30 kHz. Ceci nécessite des circuits bien protégés des rayonnements extérieurs et une excellente régulation des oscillateurs alimentant les cannes. Les protections contre les rayonnements sont obtenues par des câbles coaxiaux et la régulation en gardant constant le produit Tension.Fréquence ce qui est très simple (électroniquement parlant) à obtenir.
Lors du vol, des corrélations sont effectuées en permanence entre la masse de carburant au départ, la masse de carburant consommée et la masse de carburant restante ce qui permet de détecter des fuites éventuelles.
Certains aéronefs sont équipés de système W&B (Weight And Balance, système de mesure de la masse et du centrage avion au sol) qui permettent de comparer les quantités carburant calculées par le système de jaugeage à celles qui sont mesurées par le W&B (1).
Ce système de mesure de hauteur par capacité variable est appliqué sur toutes les familles A310, A320 et A340 (pour l'A380 je ne sais pas encore), sur les B747 (classique et 400), B737, B757 et B767.
Pour le B777, le principe est similaire, mais les hauteurs de carburant sont mesurées par le temps d'écho d'une émission ultrasonique (sur chaque canne qui est constituée d'un seul tube) entre le "plafond" des réservoirs et la surface du kérosène ; on s'affranchit de la mesure du coefficient diélectrique et des problèmes des courant faibles.
(1) Le W&B de l'A340 est très précis. J'ai participé aux expérimentations du système sur quatre de nos A340 pendant plus de deux années. Lors d'essais au hangar, lorsque je suis monté dans l'avion par un escabeau, le collègue de la maintenance présent au poste m'a dit : "Dominique, tu pèses 78 kg". Éberlué je lui ai répondu : "C'est exact". Le système W&B est tout à fait capable d'afficher, sur l'ECAM l'augmentation de masse de l'avion due à ma montée à bord.
Rédacteur : Dominique Ottello
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