Les Records
Les records sont-il utiles ?
 
 M P.-L. WEILER nous dit ...

    A l'heure actuelle, l'aviation est dans l'enfance ; pour stimuler son développement, les records sont une nécessité ; quand l'aviation sera dans son adolescence, peut-être les records présenteront-ils un intérêt moindre ; enfin, quand elle atteindra l'âge mûr, les records seront à peu près abandonnés d'eux-mêmes comme cela se passe à de rares exceptions près en automobile.
    Cependant,, tous les records n'ont pas la même importance : on pourrait les différencier suivant cette importance en records de première, deuxième ou troisième zone. Les records de première zone, à mon avis, sont ceux de vitesse pure et d'altitude, car c'est d'eux qu'à l'heure actuelle dépend les plus grands progrès de l'aviation ; ce sont eux qui, seuls, sont les plus à même de nous faire progressivement réaliser des moyennes commerciales élevées : il ne faut pas oublier que l'aviation est avant tout intéressante pour la vitesse. Il faut donc tendre dès maintenant vers les 1.000 kilomètres à l'heure.
    Mais les records ne sont pas tout et un voyage peut quelquefois avoir autant d'importance pour le développement du progrès aéronautique ; les Bailly, les Reginensi, les Moench et Burtin, les Sibour, par les liaisons qu'ils ont su réussir sur un matériel standard et non sur un matériel spécial, ont fait progresser l'aéronautique d une façon peut-être un soupçonnée.
    Pour en revenir aux records, il ne faut pas cependant oublier qu'ils ne peuvent avoir leur pleine utilité et donner des résultats complets qu'autan: qu'ils ne sont pas le fruit d'un effort isolé ou d'efforts spasmodiques ; d'autre part, il faut savoir n'être pas trop gourmand et vouloir trop bien faire d'un seul coup.
    Les travaux et les résultats peuvent être progressifs et n'être en somme que l'aboutissement logique de perfectionnements journaliers ; toutes les améliorations ne sauraient se faire du jour au lendemain : du côté moteur, par exemple, il suffira de signaler
    que la mise au point des moteurs Gnome et Rhône de la série K a nécessité l'essai de 65 cylindres différents au point de vue résistance, légèreté, refroidissement, puissance, maître-couple ; le compresseur est le résultat de cinq ans de travaux excessivement difficiles ; il a fallu quatorze mois pour réaliser un appareil spécial destiné à l'essai de ces compresseurs ; deux ans pour mettre au point un torsiographe décelant les fatigues anormales du vilebrequin aux différents régimes.
    II y a donc pour aboutir au record éclatant de vitesse, d'altitude, de durée et plus simplement à la sécurité, des milliers et des milliers de petits records battus par l'intelligence sur la matière. C'est pourquoi si l'on veut obtenir le résultat maximum, il faut développer des familles de records comme on doit développer les familles de matériels : les premiers seront l'aboutissement normal des progrès méthodiques des derniers.
    Ceci évidemment implique des programmes de longue durée, une sorte de plan quinquennal d'aviation dont la réalisation est d'ailleurs étudiée par le Ministère de l'Air. L'aviation n'est plus maintenant - et depuis longtemps - une industrie où l'on improvise, mais bien au contraire où il faut savoir travailler patiemment et méthodiquement.
M. P.-L. WEILER est administrateur-délégué de la Société Gnome et Rhône
L'Air n° 288 du 1er novembre 1931
 
 
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