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Expédition en Italie, VinMan



Bonjour à tous,

Fraîchement rentré, il est temps de commencer à vous raconter par le menu ce que notre périple nous a permis de contempler ou d'éprouver : vous verrez qu'on ne s'ennuie guère en le vivant, j'espère que le récit en donnera une bonne idée et vous fera passer un agréable moment, c'est là sa seule prétention.


Nature du voyage :
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Un groupe de 8 pilotes de loisir va partir de Brest avec 3 avions, se rendre en Sicile via la Corse et l'Italie continentale, puis rentrer de Palerme en charter. Arrivé à Nantes, le charter en question embarquera (entre autres !) 7 autres pilotes de notre aéro-club, qui prendront en charge les avions pour un voyage retour.
L'idée a été lancée par des collègues contrôleurs du CRNA, et finalement c'est uniquement une bande de collègues et copains qui fera partie de l'expédition : 1 électronicien, deux contrôleurs de Guipavas (LFRB) et tout le reste venant du CRNA.
Cela peu paraître du phagocytage a priori, mais ce n'est pas le cas : d'autres voyages se déroulent régulièrement au sein de l'aéro-club, et dont les contrôleurs ne sont pas organisateurs. C'est ainsi qu'en mai, un groupe de pilotes du club s'est rendu à Malte via Elbe, sous la conduite de Frédéric, instructeur à l'aéro-club et OPL chez BritAir.

En ce qui me concerne, je fais partie du groupe "ALLER" car cela ressemblera plus à un départ à la découverte (ma plus longue nav au départ de Brest était jusqu'à présent Tours- St Symphorien...), et c'est un fameux coup de chance sinon j'aurais à nouveau été absent pour la jounée de familiarisation à Concorde, qui se trouve être 4 jours après le retour du groupe "aller" !

A noter enfin que ce voyage était initialement prévu à destination de la Tunisie (Tozeur...) afin de survoler quelque peu le désert et de se faire quelques survols maritimes sympa, mais les tracasseries administratives et autres problèmes à surmonter nous ont fait comprendre que le jeu n'en valait pas la chandelle : le rapport embêtements/gain en intérêt était peu intéressant en fin de compte.
J'ajoute que l'intendance là-bas n'est pas toujours non plus très rassurante : on filtre la 100 LL avec des peaux de chameau à Tozeur, et d'ailleurs le carburant arrive dans des grands bidons qu'il faut commander à l'avance...
Les éventuels problèmes de sécurité n'étaient pas à négliger non plus, un ou deux attentats ayant été perpétrés dans ce pays peu avant.

La Sicile sera donc notre destination, avec comme montures le F-DA (un DR-400 160 ch), le F-KY (un DR-400 180 ch) et, imposé à la dernière minute, le F-FV (un PA-28 Cadet de 160 ch).
DA et KY sont archi-connus et unaniment appréciés des gens du groupe : dociles et maniables ils ont aussi une bonne vitesse (avions légers...) et une excellente charge offerte (respectivement 278 et 338 kg...). Ces deux-là voleront de conserve pendant des heures en Italie, tandis que FV plus lent permet de se traîner à 115 kts de Vi dans les bons jours...
Il présente quand même, il faut le souligner, l'avantage de sa grande masse métallique : c'est un avion très stable qui se corrige du bout des doigts en croisière. Nous apprendrons à l'apprécier malgré sa lenteur (notre côté "Joe Bar Team" nous fait aimer les avions avec lesquels on peut voir deux fois plus de choses dans le même temps !)
Il me réservera juste une petite frayeur le dernier jour, au -dessus de la baie de Palerme...Mea culpa.

Les heureux élus de ce groupe "aller" sont donc, sans ordre particulier :
Loïc "y zont les chapeaux ronds" (CRNA/O, équipe "fantôme")
Erwan "Air One" (CRNA/O, équipe "fantôme")
Hervé "trésorier" (CRNA/O, équipe "fantôme", trésorier de l'aéro-club et de notre petit groupe)
Patrick (CRNA/O, équipe "jumelle")
Pierre (CRNA/O, hors équipe, président de l'aéro-club)
Olivier "Torsi poili" (CRNA/O, équipe "fantôme")
Michel (CRNA/O, équipe "fantôme")
Et ma pomme.

Beaucoup de collègues en "équipe "fantôme" donc, soit des gens que je ne croise jamais au travail. Ce voyage sera aussi l'occasion de faire meilleure connaisance avec eux.

Le départ de Brest a été fixé de longue date au vendredi 7 juin, le retour de Palerme étant le 14, mais il a paru sage de pouvoir tous se libérer et réserver les avions dés le jeudi 6, vu comme la MTO change vite, et histoire de ne pas voir tant de préparatifs ruinés par une bête perturbation !

Mercredi 5 juin les prévisions MTO sont claires : ça va se dégrader dés jeudi et vendredi sera probablement mauvais. Ce jour-là il fait beau néanmoins et j'assiste en place arrière au re-lâché sur FV de Patrick et Hervé sous la houlette de Pierre, qui se trouve être aussi instructeur !
Il a une grosse expérience par rapport à nous et une qualif IFR en poche : ce "vécu" peut nous être utile lors du voyage, mais il s'avèrera aussi lors de notre voyage qu'aux âmes bien nées, le sang-froid n'attend pas le le nombre d'hdv du carnet !

Re-lâché sans problème pour les collègues, les parkings sont pleins d'avions (que j'ai listé dans un précédent post daté du 5) et je me remets un peu en mémoire cet avion que je n'ai pas pratiqué depuis des années. Sans être vraiment particulier, il est tout de même d'une conception qui tranche bien avec nos DR-400 habituels. Rotation vers 55 kts et approche vers 85 kts, bon c'est déjà ça de retenu.

Rendez-vous est pris pour le lendemain, jeudi 6, à 10h30 pour mon re-lâché sur FV avec un autre instructeur/contrôleur aérien. A la même heure se tiendra au CRNA l'ultime réunion de préparation du voyage.
Il est convenu qu'avant mon vol je passe à Météo-France pour faire un bilan précis qui déterminera si oui ou non il faut partir le 6, pour ne pas se faire coincer par le mauvais temps.


Jeudi 6 juin : premier jour du voyage !
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J'ai rendez-vous à 10h30 avec un collègue qui est aussi instructeur, pour mon re-lâché sur le PA-28 (FV).
Il me faut juste passer auparavant à la MTO afin d'avoir le fin mot de l'histoire : départ cet après-midi ou demain matin ?
Chez Météo-France les prévisionnistes sont, comme d'habitude, très sympa et de bon conseil. A l'aide de toute la panoplie des relevés et autres imageries satellitaires, leur verdict est clair : "C'est aujourd'hui qu'il faut partir !"
A 10h en effet il fait un temps royal, avec un vent très modéré, mais apparemment cela va se dégrader sans interruption jusqu'au week-end. Si l'on veut éviter d'être bloqués à Brest il faut devancer la perturbation qui arrive et prendre un peu d'avance en se posant, par exemple, à Poitiers ou Limoges.
Muni d'un dossier MTO complet que j'ai demandé en trois exemplaires (un par avion) je file à l'aéro-club qui n'est qu'à 150 mètres, et appelle illico les collègues qui tiennent l'ultime réunion au CRNA.
Les échos qu'ils avaient eus se voient confirmer par les données MTO que je viens d'obtenir : on part donc ce soir et rendez-vous est fixé à 18h à l'aéro-club avec les bagages...
La grande décision étant prise, il ne reste plus qu'à se faire relâcher sur le PA-28.
Cela fait l'objet d'un vol agréable et enrichissant d'une heure et deux minutes. Au programme : on redécouvre la machine et son comportement, l'emplacement des boutons et les vitesses caractéristiques.
On fait donc un peu de vol lent avec virages (pas plus de 10° d'inclinaison surtout !), des virages plus francs à 45° d'inclinaison, un chouia de VSV en se rendant sur zone de travail (la côte Nord-Finistère) et enfin on conclut par simulation de recherche de panne moteur (la pompe, changement de réservoir, la réchauffe, plein riche plein gaz, magnéto sur "both", batterie et alternateur ?) puis PTU et PTE sur l'immense piste de Brest (3100 mètres) et sur la plus petite de 800 m. L'avion est en métal, lourd donc, et plane drôlement moins que les DR-400. Sur piste courte ça a aussi ses avantages... Finalement le vol se termine et je rentre chez moi vers 13h30 sans avoir encore déjeûné.


Une journée énervante : regarde le temps qui se dégrade !
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Après m'être sustenté, il faut vérifier que les bagages sont terminés. Au départ on parlait entre nous d'être très rigoureux dans le poids emporté, dond je n'amène qu'un petit sac de voyage, ma pochette "pilotage" et un sac à dos pour la rando sur l'Etna (prévue mercredi prochain). Une masse très raisonnable donc, qui ne permet pas beaucoup de fantaisie ni de coquetterie dans la tenue vestimentaire quotidienne, mais cela compte-t-il vraiment ?
;-)
Dernière vérification, le sac a l'air complet et (sixième sens ?) je jette à la dernière minute un couteau suisse et un petit tournevis dans mon sac à dos. Si ça ne sert à rien, au moins ça ne m'alourdira pas démesurément ! Il faudra juste songer à les mettre dans le bagage enregistré lors du vol retour en charter, sinon les mesures de sécurité...crois-je naïvement.

Voilà, il est 15h et j'ai encore 3heures à tuer en attendant le rendez-vous....

Pourquoi diable si tard ? Bien sûr il doit y avoir une bonne raison (Patrick travaille jusqu'à 14h et d'autres ont sans doute des préparatifs à faire) mais cette attente alors que le temps se dégrade visiblement d'heure en heure est vraiment énervante. Il faisait soleil ce matin lors de mon vol, et là le ciel se couvre de plus en plus tandis que le vent d'Ouest forcit notablement... Rien de prohibitif à notre départ bien sûr, mais dans la mesure où nous avons décidé de partir, j'aurais préféré le faire sous un beau soleil et ne pas attendre le dernier moment !
Ce n'est là surtout que de l'impatience de ma part : ce sera pour moi une grande première que de faire un voyage, avec étape chaque jour ou presque... Donc on prend son mal en patience et on se prépare.


A l'aéro-club, enfin !
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Bien sûr j'arrive en avance : je ne pouvais plus rester les bras croisés alors qu'il va y avoir tant de choses à faire avant le départ ! Les autres membres du groupe ne sont pas encore là, mais un membre du club m'aide à traîner FV (le PA-28) jusqu'à la pompe où on va lui faire les pleins complets, ça ne mange pas de pain et c'est un réflexe sécuritaire à avoir.
Même topo ensuite avec KY et DA, les DR-400 : ils pourront partir en tête car étant plus rapides. Ainsi on ne se rattrappera pas durant le vol. Bon, j'ai mis un dossier MTO dans chacun des trois avions, fait les pleins, vérifié la présence à bord des documents et des barres de traction... Que faire d'autre ?
L'arrivée d'Olivier me tire de ma réflexion : il a confectionné des "packs" voyage avec de grandes caisses en plastique contenant produit nettoyant pour les vitres, papier essuie-tout, serpentins metalliques, cordes et piquets de camping pour attacher les avions lors des escales, pare-soleil... et une bouteille de lait vide par avion, pour le cas où un besoin pressant le serait vraiment ! Il y a même dans chaque caisse deux petits bidons d'1l d'huile, au cas où... Cette préparation fait plaisir à voir, et elle rassure quant au sérieux de l'expédition.
Arrivent ensuite les autres membres du groupe, et 2 collègues du groupe retour, qui sont venus vérifier que les doubles des clés des avions qu'ils se sont fait faire fonctionnent bien.
Les équipages ont été désignés pour ce premier tronçon, même si on espère qu'ensuite ça se fera un peu plus par affinités et par intentions de vol (qui veut faire du tourisme lors du vol ? qui veut tracer direct et "on top" ?). Pour ce premier tronçon, sorte de pré-acheminement en fait, on va viser Poitiers, atteignable à coup sûr, éventuellement Limoges si la nuit aéronautique n'est pas trop proche.
Je serai en place gauche de FV, le PA-28 de ce matin, avec à ma droite Pierre, qui se trouve être le seul instructeur de notre groupe. Etant lâché sur l'avion, ce sera néanmoins moi le CDB !
Pierre se fait un peu désirer alors que les équipages sont pratiquement dans les avions. Je commence à inciter les copain des DR-400 à partir puisqu'ils ont prêts et plus rapides, et que le vent ne cesse de forcir...

A ce moment arrive la bonne surprise du jour : l'un des L-39 présents à Brest depuis quelques jours revient de mission et fait un passage bas au-dessus de la piste ! On pense qu'il va breaker et se présenter pour l'atterrissage, mais que nenni : il termine son passage bas par une boucle et enchaîne sur un mini programme de voltige libre, avec moulte passages rapides au-dessus de nos têtes (le vent le déporte quelque peu vers le Sud, vers le parking où nous sommes).
On s'en met donc plein les mirettes avant que notre président n'arrive enfin, et que tout le monde mette en route son avion...

Départ sans histoire pour DA et KY, mais notre pauvre FV qui n'est déjà pas rapide va jouer de malchance et poireauter une dizaine de minutes au point d'arrêt pour cause de départs et arrivées IFR...

Une fois en l'air chaque équipage gère son vol et sa nav comme il l'entend, on doit juste se retrouver au terrain de destination. On se tiendra au courant sur une fréquence dédiée (123,45) de nos choix de route et problèmes éventuels.
Les équipages de DA et KY sont assez motivés au début, et entament une véritable nav VFR dans les règles de l'art (tenue de cap, la montre, etc...) et enchaînent les verticales des aérodromes bretons.
Notre PA-28 a pris une option radicalement différente : sur le GPS on a tapé "GOTO LFBI" et sur la carte défilante s'affiche le trait de la ligne droite vers le terrain de Poitiers-Biard ! Cela nous amènera au début à un peu de VFR "on top" au FL 75 et la ballade sera très agréable.
A priori cela peut sembler peu glorieux ou folichon de faire une ligne droite vers le terrain, mais comme il s'agit d'une région archi-connue, il n'y a pas vraiemnt de tourisme à faire. Comme notre avion est le plus lent et qu'il a été retardé, on a aussi intérêt à ne plus perdre une minute : vol direct avec appauvrissement ad hoc du mélange donc.
Ce vol me fait découvrir pour la première fois la tranquilité qu'apporte un GPS bien utilisé : tandis qu'on est sûr de sa trajectoire et que celle-ci est optimale, on a tout loisir de contempler les villes et aéroports autour de notre route, et la tenue des paramètres de vol et la surveillance des paramètres moteur devient un jeu d'enfant car on a l'esprit libre.
Il est maintenant 21h, nous volons dans un ciel limpide et on commence à distinguer Poitiers au loin. La descente se fera à 500 ft/min et le GPS nous donne un temps restant de 15 min : il est temps de commencer la descente. Ce sera Vno tout du long, on ne gaspille pas notre vitesse avec FV !
La contrôleuse nous autorise pour une semi-directe main droite, le circuit est désert puisque les deux autres avions sont posés depuis 10 bonnes minutes. Approche vers 85 kts et poser sans encombre sur la belle et longue piste.
Le roulage jusqu'à la pompe où le précédent achève de compléter ses pleins, puis c'est à notre tour de remplir les deux réservoirs d'aile de 100LL et de boucler la paperasse. Certains des collègues sont allés dire bonjour aux contrôleurs de Poitiers, très sympa, et nous rejoignent ensuite pour appeler un taxi.
D'allure pépère tranquille, ledit taxi qui nous emporte est un Schumacher qui a raté sa vocation : les pneus de sa voiture crissent dans la vieille ville comme s'il sa'gissait d'un rallye ! Cela tranche avec le vol paisible que nous venons de faire...

Ensuite c'est dîner tardif dans un resto sympa et tout le monde au lit (après quelques verres) : la journée de demain sera bien plus chargée que le simple Brest-Poitiers d'aujourd'hui, puisque demain soir normalement, nous dormons à l'île d'Elbe !
On s'endort donc en pensant à tout ce qui nous attend, car la vraie ballade commence demain !


Vendredi 7 Juin : Poitiers - Elbe
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Théoriquement le jour du départ de notre voyage, mais nous sommes déjà à Poitiers !
Bien nous en a pris car en effet la MTO est mauvaise sur Brest et on aurait été bloqué. Or, ce soir, nos chambres d'hôtel nous attendent sur l'île d'Elbe !
La journée s'annonce donc chargée et passionnante : heureusement qu'hier soir nous n'avons pas trop tardé après le resto, on aura au moins dormi une nuit correcte avant les vols, c'est important, même si on est deux ou trois par avion pour "assurer" un vol nickel au niveau nav et gestion de la radio.

Le taxi nous prend vers 8h30 devant l'hôtel, dans le centre-ville de Poitiers, et nous amène à l'aéroport de Poitiers-Biard en peu de temps. Vraiment pratique quand l'aérodrome est collé à la ville...

Première étape : rassembler les données MTO.
On se rend en groupe au bureau de Météo-France qui jouxte la tour de contrôle. L'accueil est sympa mais le Monsieur qui nous reçoit insiste lourdement sur la présence d'aérofax et d'un minitel dans le hall d'entrée, "qui vous permettront d'obtenir tous les renseignements".
Le message est clair mais avec de la bonne humeur et un brin de flatterie on peut tout de même s'arranger : "oui, bien sûr, mais nous voulions l'avis d'un spécialiste sur la situation sur notre parcours..."
L'homme nous fait alors un topo aux petits oignons, et avec le sourire en prime !
Grosso modo il va faire beau sur le parcours, même si assez nuageux tant que le Massif Central ne sera pas passé. Pas de restes d'orages dans le quart Sud-Est, où pourtant il y a eu la veille et l'avant-veille de gros dégâts. Excellent tout ça ! Reste à choisir notre parcours, pour arriver finalement à Elbe ce soir.

L'aéro-club du Poitou est très sympa : on peut s'installer dans leur grande salle où les cartes sont bientôt dépliées.
Le trajet mérite une certaine attention car le Sud de la France est truffé de zones à tous les niveaux, et les approches à contacter pour le transit sont nombreuses.
Les navigateurs prennent des notes sur leurs logs, mais pour ma part, je préfère écouter attentivement ce qui se dit de part et d'autre de la grande table. J'en tiendrai compte une fois en l'air, quand nous discuterons de la situation tactique et des choix à faire.
Il ressort de nos discussions que notre première étape sera le terrain de Mende (LFNB) : d'après Pierre, notre bien-aimé Président, il est extrêmement joli. Va pour Mende alors, on tâchera d'y déjeûner tant qu'à faire !


Poitiers-Mende
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Sur ce vol, je serai en place droite de KY, le DR-400 180 ch (une vraie fusée...). Le pilote sera Erwan "Air One", vieux complice de prépa et ami des oiseaux, et sur la banquette arrière : Olivier "ça chope ?".
Notre organisation est vraiment fonctionnelle je trouve : le pilote gère la machine et la trajectoire, le navigateur gère la radionav (y compris le GPS !) et les communications, tandis que le navigateur-bis, à l'arrière, a une 500 000ième sur les genoux pour affiner la nav, et sait nous indiquer le nom des patelins et des rivières.
Du grand art quoi...enfin, en théorie.
Ce qui est vrai c'est que le partage des tâches à trois est ultra confortable et sûr : ça se vérifiera mainte fois pour chacun des équipages.
Pas besoin de FPL pour l'instant, donc sans plus attendre on plie scientifiquement les cartes (seul le trajet envisagé et un peu autour doit être visible) et on s'installe à bord des avions ainsi que nos menus bagages. Les sacs les plus gros iront dans FV, le PA-28, vu qu'ils ne seront que deux à bord.

C'est FV qui met en route et roule en premier pour le point d'arrêt, puis nous lui emboîtons le pas, si j'ose dire. DA décollera dernier.
Aucune perte de temps : l'aéroport est quasi-désert. FV remonte un peu la piste, histoire d'assurer le coup, puis decolle tandis que son navigateur nous fait signe de la main.
A notre tour de nous aligner.
Top décollage !
Sans histoire, la piste est longue et l'avion pousse merveilleusement bien...
Virage à gauche après décollage, vers un cap qui devrait nous amener à St-Flours, étape intermédiaire de notre nav pour Mende.
Le plafond est malheureusement assez bas, genre 1500 pieds ASFC, donc on reste tranquillement en-dessous.
Assez vite on rattrape FV et ses 115 kts en croisière dans les bons jours. Poitiers sait que nous volons de concert, mais il nous a aidé à les localiser par une petite info de trafic. Sympa.
On quitte la fréquence de Poitiers pour passer avec Limoges-info (un SIV) : peut-être suis-je en train de parler à l'un des contrôleurs que j'ai connu là-bas durant un stage en 1995 ? Mais cela fait trop longtemps, et puis la fréquence ne doit pas devenir le "bar des amis", donc tant pis, je n'éclaircirai pas la question cette fois.
On nous fait l'info d'un écureuil en inspection de lignes EDF dans notre coin, mais il est à 500 pieds ASFC, et pour l'instant nous ne volons pas aussi bas, donc pas de soucis de ce côté.

En ce qui concerne les zones militaires c'est plus sérieux.
Limoges nous donne la liste des joyeusetés actives en ce moment (vive les SIV !) et ce n'est pas triste : les zones TBA sont actives de 800 à 1500 pieds ASFC, puis une autre encore au-dessus, etc...
Pour s'en affranchir, il faudrait voler au FL 65...
La couche est morcelée donc grande est la tentation de voir comment ça se passe au-dessus, comme dirait Yoda.
Erwan affiche donc l'assiette de montée, puis la puissance, et on commence à pointer notre casserole d'hélice vers des cieux moins guerriers...
Misère. Une fois au-dessus de la couche, le spectacle n'est pas très folichon car il nous faudra louvoyer entre de grosses masses nuageuses à perte de vue. Sans parler bien sûr du fait qu'il faudra un trou dans la couche à l'arrivée... Bien sûr nos réservoirs sont pleins, ce qui tranquilise toujours beaucoup et autorise les hésitations et les tentatives, mais franchement on ne sent pas trop cette voie.

Redescente donc sous la couche, à la faveur d'un des nombreux trous, et avec un vario à faire pâlir Concorde herself ! Merci Erwan pour les sensations !
L'évitement des zones en FL ne nous semble pas bon, j'imagine alors un tortueux détour par Brive puis (je-ne-sais-quel) VOR : là on sera franchement à l'écart des zones et on fera du tourisme. Mon pilote me fait confiance, donc j'informe à chaque instant Limoges de nos intentions.
Sur la fréquence on a entendu DA qui passait "on top" et taillait la route.
Bah, une option différente, mais étant donné les nuages au-dessus de la couche, je ne peux m'empêcher d'espérer qu'ils ont bien pesé le pour et le contre...

Puis FV annonce tout tranquillement son intention d'aller au plus direct, en passant **sous** les zones TBA.
Eurêka !!!
Si les zones TBA ne commencent qu'à 800 pieds ASFC c'est justement pour permettre aux VFR de passer dessous ! Comment n'y avons-nous pas songé plus tôt ? Du coup on annonce sans tarder à Limoges nos intentions, et on remet derechef le cap sur St Flours (merci le GPS) en tâchant de ne pas dépasser 5 ou 600 pieds ASFC.
A la réflexion, si nous n'avons pas songé seuls à cette option c'est que la proximité du sol en avion n'est pas quelque chose de familier ni de souhaitable pour nous. Nous volons pour le plaisir et ne sommes pas à bord d'un Mirage 2000, fonçant en radada vers son objectif !
Mais il est vrai que survoler à basse hauteur le relief, de plus en plus joli et verdoyant, est aussi magnifique que grisant. La couche nuageuse semble s'être rapprochée de nous par le dessus (en fait c'est le sol qui monte, eh , montagnard du dimanche...) mais jamais cela ne deviendra inquiétant pour nous.
Durant nos hésitations navigationnelles, FV a pris une certaine avance sur nous : qu'importe, on le rattrapera bien plus tard...

Toujours en radada, nous progressons donc en ligne droite vers St-Flours. Quelques reliefs à contourner, mais rien de bien méchant pour l'instant. Nous arrivons assez vite en fait sur un grand plateau, sur lequel doit se trouver normalement le terrain de St-Flours. Quelques cercles pour essayer de le trouver....
Bingo ! La piste est là, à notre droite. Pas âme qui vive apparemment, mais nous ne nous attarderons pas : l'estomac commence à nous faire sentir sa hâte d'arriver à Mende !
A ce moment précis on aperçoit FV qui dépasse le terrain par le Nord et poursuit imperturbablement sa route à son allure inimitable (comprendre : poussivement) ;-)
Vite, je bascule sur 123,45 (notre avion est le seul à être muni de deux ensembles radio) et appelle FV. Pierre veille régulièrement cette fréquence et le contact est vite établi. "Des nouvelles de DA ?"
- Oui, ils sont au FL 75 et toujours "on top".
- Bon, ils vont arriver avant tout le monde si je comprends bien ?
- Ben ils pourront nous préparer l'apéro, en effet.
- Allez, je vais voir si Clermont nous capte, pour le transit. A tout à l'heure !"
En réalité on ne rentre pas exactement dans la TMA Clermont, mais c'est le seul organisme ATS du coin, donc ça ne coûte rien de leur signaler qu'on existe.

Après St-Flours, la ligne droite vers Mende est vite achevée. Le contact avec l'agent AFIS est établi, et bientôt on a le terrain en vue. Comme Pierre nous l'avait promis, il est juché sur un plateau, et son environnement est splendide. En fin de vent arrière on a presque perdu de vue la petite piste, mais en virant aux caps "qui vont bien" on la retrouve bien vite. FV nous suit de peu, et DA est visible, bien sagement rangé au parking...
Erwan atterrit en douceur au terme de ce chouette vol, principalement réalisé en radada.
On roule pour la pompe, et je demande au Monsieur à la fréquence s'il y a de quoi se restaurer sur l'aérodrome : "oh oui, il y a le restaurant au pied de la tour !"
Hmmm....
On se dépêche de refaire le plein de notre avion, et de remplir la paperasse (feuille des vols, carnet de route, carnet de vol) puis on reste discuter quelques instants sur le parking, avec les équipages des deux autres avions. Chacun a quelque chose à raconter, mais on finit néanmoins par se diriger vers le fameux restaurant !
Il est 13h et les appétits sont aiguisés.

Le restaurant est vraiment sympa et accueillant. Les murs de la salle sont décorés de photo du tournage du film "La grande vadrouille", dont la scène finale fût tournée ici ! Le repas se passe donc dans la bonne humeur, sous le regard goguenard de Bourvil et avec la vue splendide de la piste et de la végétation environnante, sous le beau soleil de juin.
Tiens, un PA-28 "Archer" qui arrive... Il s'avèrera que ce sont deux contrôleurs du CRNA d'Aix qui ont l'habitude de cette petite nav gastronomique. Ils se joignent bien évidemment à nous et forcément on cause aviation.....


Mende - Calvi
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Comme deuxième étape nous avions envisagé Avignon (le directeur de l'aérodrome est un ancien brestois), mais pour des raisons que j'ai oubliées il s'agira finalement de Calvi, au Nord-Ouest de la Corse. Ces raisons ont d'ailleurs peut-être un rapport avec la densité des zones dans la région d'Avignon : on a assez donné en radada ! ( Crois-le mon fils....)

On va garder la même équipe qui gagne dans le KY, mais Erwan me cède les commandes, et moi les boutons du GPS et ma précieuse 1 000 000ième.
L'itinéraire envisagé est touristique : de toute façon notre avion va vite et on ne perdra pas trop de temps sur les autres. On tâchera donc de passer non loin de Nîmes, en visant un point de transit dans l'espace de Marseille, au bord de la côte. Puis survol côtier jusqu'à STP (Saint Tropez) et enfin le célébrissime transit maritime corse via MERLU.

Cette fois le FPL est obligatoire : Olivier, Patrick et moi allons tâcher de déposer ça par téléphone auprès du seul BRIA dont nous ayant le numéro à portée immédiate de main, celui de Nantes.
Mal nous en prend car une personne tient la grappe 5 longues minutes (on a hâte de décoller !) à un Olivier trop poli pour abréger, en expliquant par A+B à quel point elle est débordée et/ou que ce n'est absolument pas possible et que c'est-le-BRIA-de-Toulouse-qu'il-faut-appeler-mon-bon-Monsieur.
Tiens, moi qui croyait qu'un terminal RSFTA ça suffisait... Mais bon.
Le BRIA de Toulouse n'est pas véloce mais on finit par arriver semble-t-il à nos fins.
Zou, tout le monde en selle dans son avion.

C'est encore FV qui part le premier, mais cette fois s'en est fini du petit jeu de chat et souris : on ne le reverra qu'après l'atterrissage car lui va tailler en directe sur STP.
Essais moteur puis on remonte entièrement la piste, alignement, puis décollage face au Nord, sur une piste en légère montée.
Tranquille virage à gauche puis directe sur le point de côte visé.

Mais cette fois la directe le cède rapidement au cheminement... le long des vallées ! Du coup, par le jeu du relief qui nous cache, et des vallées encaissées que nous empruntons, nous sommes rapidement coupés du monde : aucun organisme ne reçoit nos appels, et aucun VOR ou ADF ne vient "déflagger" mes instruments classiques... Heureusement, notre fidèle GPS nous montre la route à suivre pour ne pas perdre de temps, même si c'est le lit de la vallée qui décide !
La beauté du spectacle nous enthousiasme : nous nous faufilons en fait dans la verdure des vallées du Massif Central, en longeant fréquemment une bergerie isolée, ou en apercevant un minuscule hameau, tapi dans un recoin du relief, et qui semble coupé de la civilisation.
Cela nous dépaysage déjà, et pourtant nous sommes à peine au milieu de la France !
Olivier, qui voyage énormément et tâche souvent de voler dans les pays qu'il visite, nous est de bon conseil sur la façon d'aborder une vallée : ne pas rester au beau milieu car s'il faut rebrousser chemin on n'a pas beaucoup d'espace ni à droite ni à gauche pour tourner...

Après quelques dizaines de minutes, ce paysage commence à s'estomper et le sol à "descendre".
Et oui ! Bien qu'à 500 pieds ASFC à vue de nez, notre altimètre réglé au QNH de Mende indiquait quand même 5000 et quelques pieds AMSL, mine de rien !

On se retrouve donc bientôt assez haut au-dessus de la campagne, et on appelle Nîmes-Garons pour le transit. Le contrôleur militaire est sympa et nous demande s'il y a une course entre Mende et Calvi, vu que nous sommes le deuxième appareil à faire le trajet !
FV n'a donc pas chômé pendant qu'on s'émerveillait devant les paysages auvergnats...
Puis il nous chambre sur la MTO en Bretagne, qu'il s'imagine bien sûr être déplorable. Sans commentaire. ;-)
Enfin, il nous demande des nouvelles d'un contrôleur brestois, récemment retraité : le monde de l'aviation est décidément très petit.

Quelques NM plus loin, il nous fait l'info d'un planeur isolé, et effectivement, on l'aperçoit de loin, occupé à spiraler sans interruption. On est passé juste à côté de "sa" pompe : l'info de trafic était la bienvenue en effet !

Sur notre droite la ville de Montpellier, son aéroport de Fréjorgues est visible, et sur notre gauche Nîmes et ses environs. Face à nous : la grande bleue... Nous allons cotoyer les salins du Midi, immenses étendues de marais salants à la jolie couleur rose. C'est dû à une algue microscopique qui s'y développe, et cela donne leur couleur aux flamands du même nom.

Ca y est : nous survolons enfin le littoral. Il est temps de passer avec Marseille pour le transit côtier.
Tout d'abord on peut maintenir 4500 pieds, puis on nous demande de descendre à 1000 pieds. Bon, on aura moins d'eau sous la quille, mais c'est vrai que la vue sera plus remarquable. Il y a apparemment un assez fort vent, car la surface de la mer moutonne pas mal...
Transit sans histoire avec Marseille : survolant la côte et passant de caillou en caillou (aux noms barbares pour nous, c'est un comble !) à la demande du CTL, qui tient à nous garder loin de la ville et de ses trajectoires IFR, on se régale néanmoins car on aperçoit le château d'If, l'immense ville de Marseille et les reliefs qui la surplombent. Une pensée pour les marseillais du NG...
La côte est également superbe, et survoler les calanques à 500 pieds (et oui, on est descendu pour mieux voir et prendre de plus jolies photos...) est un spectacle unique.
Zut !
Ben il n'est pas passé loin ce *** de goëland !
Dites les gars, on remonte un peu ? Non ? Bon, d'accord...
;-)
Ok, j'incline l'avion à gauche et tâche de déraper avec du pied à droite : dépêche-toi de prendre ta photo parce qu'il y a quand même du relief en face ! Et oui, la grande falaise du Lavandou dresse son sommet bien plus haut que nous, et je ne sais pas ce que donne le vent qui vient s'écraser contre une falaise : pas envie d'y amener mon DR-400 pour aller expérimenter !
On a longé aussi la Ciotat et ses chantiers navals : coucou Hubert !

Ensuite on contacte Hyères pour la poursuite du transit. La contrôleuse est sûrement très gentille mais je parierais ma chemise qu'elle ne met que rarement les pieds dans un avion. Elle saurait faire une information de trafic convenable sinon.... Il y avait un VFR en transit, route opposée. A la suite de son info de trafic foireuse j'ai cru bon de mettre les choses au clair, alors que jusqu'à présent seul Erwan gérait les communications.
"Donc le trafic est dans nos 1 heure, c'est correct ?"
"Euh, oui, attendez...euh...."
Et là on croise un PA-28 qui passe juste dans nos 11 heures................
Bah, "voir et éviter" hein !

Nous poursuivons ensuite notre ballade plein pot au ras des flots, en écarquillant les yeux tant la côte est sublime. Le pire c'est que l'eau ne doit pas être mauvaise....
Là on longe la presqu'île de St Mandrier, et on aperçoit la ville de Toulon derrière, et le Mont Faron qui surplombe cette dernière. On oblique alors à droite, laissant la presqu'île de Giens et la plage de l'Almanarre, chouette endroit pour spotter au soleil, derrière notre aile gauche.
Tiens un 737 tout jaune qui décolle de Toulon et nous passe bien au-dessus : Buzz sans doute. L'info de trafic, délivrée bien à l'avance, était assez inutile cette fois, mais bon, ne jugeons pas, et profitons des info de trafic car elles ne seront pas légion en Italie ! (euphémisme).

J'explique aux copains que je vais contourner l'île de Porquerolles par le Sud, car c'est la partie la plus sauvage de ce joyau.
On aborde l'île par la Jeaune Garde, puis on aperçoit le merveilleux "Oustaou de diou" (une calanque) et enfin on s'enroule autour du désertique cap des Mèdes, toujours à 500 ft.
Mal nous en prend, car on est alors sous le vent, assez fort, qui derrière l'île crée des tourbillons. On se fait donc vilainement rosser pendant une minute. Prudemment j'ai remis les ailes à plat et gagné un peu de hauteur pour parer à toute éventualité, tout en filant vers la côte sans demander mon reste.
Erwan avait dûment prévenu le CTL de nos intentions : ainsi on a profité de Porquerolles tout en slalomant entre les zones P de la rade de Toulon et de l'île du Levant.

Ensuite nous arrivons bien vite aux environs de Saint-Tropez, point de départ de notre transit maritime. Il y a tout d'abord un "col" à franchir, donc de 500 on passe à 1000 pieds (diable, que ça paraît haut après une telle ballade !). La crainte c'est surtout de se prendre des rabattants aux environs du relief.
Mais on passe sans encombre entre les deux grosses collines et la baie de St Tropez s'étale devant nous. Il y a une zone à éviter me dit mon incollable navigateur donc on ne reste pas musarder. On se paye juste le luxe de comparer les propriétés et la taille respective de leurs piscines. L'une des maisons a même une hélisurface sur le toit...

Zou ! Cap sur MERLU direct maintenant.
On va passer un bon moment au-dessus de la flotte maintenant, donc on entame une montée vers le FL 75. Afin de ne pas sacrifier notre vitesse, je choisis une montée en croisière, soit avec un vario modéré.
L'emploi du GPS pour trouver un point immatériel comme MERLU, perdu au milieu des flots, est d'un confort très appréciable. On peut même donner à Nice-Info une estimée de passage, etc.... (ils n'ont donc pas de radar ?) ;-)

Rien de particulier en ce qui concerne ce tronçon STP-MERLU-LFKC, puisqu'il se fait en directe "GPS", si ce n'est que la CTL pinaille pour le plaisir. "F-KY, quel est votre niveau ?"
On a toujours un taux de montée digne d'un A340 asthmatique, donc à ce moment-là c'est envion FL 70.
"FL 70, KY" répond candidement Erwan en me devançant sur l'alternat. Je me doute bien quant à moi où elle veut en venir...
"Quoi ? FL 70 ? Mais c'est un niveau IFR ça !"
"Reçu, on va descendre au FL 65" répond stoïquement Erwan, alors que je sais déjà quelle va être la réaction.
"Ah non, c'est pas un FL conforme à la règle semi-circulaire !!"
C'est dingue d'être aussi inutilement rigide, sans même discuter plus avant. Bah, de toute façon, la Corse est déjà bien visible avec ses sommets enneigés, et on ne va pas tarder à commencer la descente.

Grosso modo : 6000 pieds à perdre à 500 ft/min, donc 12 min de descente. Ca colle avec l'estimée LFKC que nous donne le GPS, donc on vérifie qu'on est sur plein riche, sur le réservoir central, et c'est parti pour une descente à VMO !
En passant 3000 pieds en descente je m'offre le petit plaisir de traverser l'unique barbule présente aux alentours... Bah, elle était de toute façon sur ma trajectoire !
La piste de Calvi se trouve après une avancée rocheuse qu'il nous faut contourner : le contrôleur corse nous laisse sans problème gérer cela et nous demande juste de rappeler piste en vue.
On contourne donc et la piste apparaît, avec en arrière-plan un ensemble de reliefs pas piqués des hannetons.

On est en position de semi-directe main droite pour le QFU face au Sud, qui se trouve justement être la piste en service. On reparle rapidement de la procédure de remise des gaz, au cas où, car elle est un peu spéciale et cette fois c'est une voix connue qui nous interpelle.
Pierre, notre bien-aimé président (et instructeur) s'est posé en premier à Calvi avec le PA-28, et il a pu expérimenter les conditions bien particulières de cette approche. Il est donc monté à la tour de CTL avec Michel, son navigateur, pour nous donner de petits conseils.
Sympa : cela va nous mettre drôlement à l'aise... ;-)
Le vent est en effet à décorner les boeufs, même corses : 15 à 30 kts, venant de 30 ou 40° sur notre droite, et très turbulent. Cerise sur le gâteau, il y a juste avant le seuil de piste une éminence qui crée aussi son lot de turbulences.
Conseil de Pierre sur la fréquence : "surtout, gardez un badin élevé pendant l'approche, et tout se passera bien ! La piste est longue aussi, donc utilisez-là..."
Fichtre, dire qu'avec 17 kts de travers on reste cloué au sol à Brest, règles de l'aéro-club obligent...

Mais plusieurs choses vont jouer en notre faveur.
Tout d'abord, KY est assez lourd, avec trois personnes à bord plus un peu de bagages.
Ensuite, on sait pertinemment à quoi s'attendre et un homme averti...
Enfin, le contrôleur nous donnera tout au long de l'approche les valeurs instantanées du vent, que nous ne collationnerons bien évidemment pas. Ca aidera beaucoup même si ça donne une sinistre impression de compte à rebours....

Bon, cette fois il faut y aller.

J'ai intercepté l'axe de piste assez loin au-dessus de la flotte : en prévision de ce qui nous attend je voulais faire une approche aussi stabilisée et régulière que possible. Ce n'est plus trop dans mes habitudes, je le confesse, mais cette fois-ci ça peut aider.
Je m'essuie les mains sur le pantalon (moiteur soudaine ou chaleur dans le cockpit ?) et saisis fermement le manche de la main droite, tandis que la gauche jouera avec les gaz pour garder une vitesse d'approche élevée, de l'ordre de 170 km/h, soit le sommet de l'arc blanc.
Je ne voudrais pas être à la place des copains, car ils savent pertinemment que ce genre de conditions est une grande première pour moi, comme pour eux, quand il faut atterrir en avion léger.
Mais eux n'ont même pas les commandes...

J'ouvre l'aération en grand et demande à Erwan de faire de même : le palier que j'avais maintenu jusque là touche à sa fin et il est temps d'entamer la descente.
La piste est là, face à nous, et il est vrai que sa longueur est très rassurante : on touchera quand on touchera, il suffit juste de conserver l'avion bien à plat et dans l'axe pour arriver à bon port.
Un cran de volet uniquement, pas besoin de donner davantage de prise au vent sur nous, et de toute façon la vitesse restera grande.
En dessous les vagues sont un bon reflet du vent qui souffle, et qui se fait bien sentir maintenant que je lutte pour garder l'axe de piste...

"L'axe, le plan, la vitesse, l'axe, le plan, le vario, l'axe, le plan, la vitesse, etc..."
On garde bien 170 kts, jamais moins de 150 en tout cas, et pourtant dans les secousses les plus fortes, on entendra parfois un bref instant l'avertisseur de décrochage !
Les coup de bélier du vent sont de plus en plus sensibles à mesure qu'on se rapproche du sol, mais l'axe et le plan restent dans les clous.
On continue.

La fameuse éminence se rapproche, et je me tiens prêt à corriger tout déséquilibre soudain de notre avion léger, léger, léger face aux 30 kts que le contrôleur annonce à l'instant.
L'éminence passe, mais la secousse plus brusque que les autres n'est pas venue.
L'approche est mouvementée, car je sens à chaque instant des variations de vent qui ne demandent pas mieux que de nous chasser de l'axe de piste, mais un breton c'est aussi tétu qu'un vent corse, et le DR-400 garde le chemin de la piste.

On vient de passer le seuil.
"Le plus gros du boulot est fait, mais restons prudent" me dis-je. Le contrôleur annonce 17 à 31 kts...
Je n'ai pas encore réduit les gaz, ceci n'est pas un atterrissage comme un autre et je n'ai pas envie de finasser en faisant un arrondi académique. Mon idée, bonne ou mauvaise je n'en sais rien, est de réduire les gaz au dernier moment, afin d'avoir un arrondi assez bref et de toucher franchement les roues.
Le sol approche franchement, et je vais bientôt réduire, quand le vent me joue un dernier tour.

Notre brave KY se prend soudain une vilaine rafale qui lui fait perdre un bref instant l'équilibre et l'horizontalité des ailes. L'axe de piste s'est un peu barré et l'idée de la remise de gaz m'effleure même une fraction de seconde.
Mais la rafale cesse aussi vite qu'elle a commencé, et il est alors facile de retrouver l'axe de piste et de poursuivre l'ultime descente : il reste encore tant de piste devant nous...

Réduction, pression sur la pédale de gauche pour ramener le nez dans l'axe de piste, du manche à droite et on arrondit légèrement.
Pif, paf, les roues droite puis gauche ont touché.
On aide la roulette de nez à retrouver le chemin de la terre ferme et le manche reste en butée dans le vent : je ne serai pas une girouette qui sort de la piste...
La tenue de l'axe ne pose pas trop de problème, malgré le vent, et on songe à annoncer que "c'est contrôlé" quand la TWR prend les devants : "KY, bienvenue en corse ! Roulez pour l'essence derrière votre collègue, le pompiste vous attend".
Personne à la tour n'a loupé le spectacle, et pour avoir une fois assisté à la sortie de piste d'un copain, je sais que c'est toujours avec un brin d'apréhension.

Ma foi, voilà un vol magnifique qui se clôt de bien mémorable façon ! Faudra noter des détails dans le carnet de vol, car un tel vol doit se distinguer d'un banal survol des abers...
2h25 de vol tout de même, à survoler les reliefs verdoyants du Massif Central, la Camargue, les calanques de Cassis, Porquerolles, Saint-Tropez...

On monte à la tour saluer le collègue, et le remercier, mais une fois DA posé à son tour après une approche non moins mouvementée (la caméra de Michel montrera que DA avait droit à un vent de 29 kts : sympa aussi...) on ne tarde pas à remonter dans les avions.
Ce dernier tronçon sera court et simple : Calvi - Elbe (Marina di campo). Cette fois je suis à l'arrière de DA, alors qu'Olivier pilote et qu'Hervé fait la radio.

Décollage sans histoire face au Sud et à ses impressionnantes montagnes, puis virage à gauche pour rejoindre le littoral. L'intérieur des terres est en effet immédiatement occupé par du relief.
On quitte le sympathique collègue de Calvi pour passer avec Bastia pour le transit, et on aperçoit bientôt la ville de Bastia et son aéroport. Des ferries sont au port, et la ville est plus étendue que je ne m'y attendais. Sympa aussi cette place arrière : on peut regarder dehors à loisir...

On quitte le trait de côte mais déjà l'île d'Elbe est visible. Le trajet sera donc de courte durée et le contact avec l'AFIS elbien (?) est vite établi, du moins dés que le relief de l'île permet à son antenne de nous recevoir !.
La piste en service est la plus facile : face au Nord. Pas besoin de louvoyer dans les vallées pour l'approche donc. Cool cette fois. Tandis qu'Olivier peaufine son approche, je contemple l'île, au relief omniprésent, sous un ciel qui s'est assombri par rapport au beau soleil qui régnait à côté, en Corse.
Atterrissage impeccable puis taxi vers un vague parking en herbe où nous laisserons les avions pour la nuit.
Un jeune homme débraillé nous fait de vague signe pour nous guider : merci bien, mais on sait encore garer notre trapanelle !
En fait il s'agit aussi de justifier les taxes importantes qui nous seront réclamées... Après 49 min de vol : bienvenue en Italie !

On amarre les avions, au cas où, et on empile les bagages dans une fourgonette qui est venu les chercher.
(et si on porte nos sacs nous-mêmes, on échappe aux soi-disant frais de "handling" ?) ;-)
Pas grand-monde qui parle anglais sur le terrain, mais on finira par réussir à appeler un grand taxi qui nous amènera à l'auuuuutre bout de l'île, à notre hôtel, où nous goûterons un repos bien mérité, après bien sûr une bonne douche et un frugal repas...
;o)))


Samedi 8 juin 2002
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Nous avons passé une soir tranquille sur l'île d'Elbe, à essayer de deviner les plats dans un restaurant où les menus sont exclusivement en italien (ça c'est plutôt logique) et en allemand (là ça l'est moins...)
M'enfin, après un sommeil réparateur, nous sommes tous debout et prenons un petit déjeûner copieux (c'est important pour la suite, mais à ce moment-là nous ne le savions pas, hélas).
L'humeur est bonne, les plaisanteries fusent. Les vols magnifiques de la veille sont encore dans toutes les mémoires et le programme d'aujourd'hui n'est pas mal non plus.
Il est en effet prévu que l'on rejoigne le terrain situé près de Salerne, à Puntecagnano précisément. Pourquoi pas Naples comme prévu initialement comme étape intermédiaire avant la Sicile ?
Tout simplement parce que nous avons entendu parler des grandes plateformes italiennes et voulont éviter de nous faire matraquer par des taxes aéroportuaires en tout genre, et qu'on y sera bien moins tranquille que sur une petite structure, à supposer déjà qu'on nous y ai laissé garer nos trois avions !
Etape pour la nuit à Salerne donc, après un vol au programme chargé (Capri, Vésuve, etc...) et le lendemain il est prévu de faire le trajet Salerne-Reggio di Calabria (au bout de la botte italienne, juste avant la Sicile) et après un refueling, tout droit vers Malte !

Après un trajet mouvementé en taxi (l'île d'Elbe est bien montagneuse, et l'hôtel était à l'opposé de l'aérodrome...) nous arrivons à bon port. La majorité d'entre nous achemine armes et bagages vers nos trois avions, toujours sagement rangés dans lherbe et dûment amarrés (amabam).
Pendant ce temps Hervé, notre trésorier, se débat avec le bureau des redevances pour faire baisser la somme exorbitante qu'on lui réclame. Astuces en tout genre : il y a deux pilotes par avion et un seul PAX, la masse de l'avion est inférieur aux 1000 kg fatidiques, etc... mais malgré cela l'addition reste salée, pour un séjour qui n'aura pas été inoubliable, car trop court, mais bon...

Hervé nous a rejoint tandis que tout le matériel (bagages et piquets d'amarrage) est réparti entre les avions et que les équipages, déjà dans les avions, potassent la nav.
Cette fois c'est du sérieux car il va falloir transiter, vraisemblablement à 1000 pieds AMSL maxi d'après la carte, dans la TMA de Rome. On longera le littoral et il y a des points de reports obligatoires...
Pour ce vol je suis en place arrière dans KY, le DR-400 180 ch, tandis que Michel est aux commandes, et que Patrick assurera la radio et le maniement (fréquent !!!) du GPS. Ca tombe d'ailleurs bien car dans la préparation "aux petits oignons" qu'il fait, il ne rentre pas moins de 11 points pour jalonner notre parcours ! Tout cela prend un temps assez important car souvent il faut désigner les points par leurs coordonnées géographiques, heureusement souvent données en clair par la 1 000 000 de chez Jeppesen.

Finalement tout cela est achevé, et il commence à être temps ! Il est à présent 11h passées et le temps, qui était déjà gris, se couvre de plus en plus. Pas fâchés de partir donc, car le mauvais temps semble nous talonner depuis notre départ de Brest avant-hier.
On ferme la verrière et déjà FV, le PA-28 de notre expédition, nous passe devant et va remonter puis s'aligner.
Bah, comme toujours on le rattrapera ! ;-)
Mais il est suivi de près par DA, l'autre DR-400.
Bon, on finit la check avant mise en route et en avant Guingamp !! "Marina di campo, FGMKY good morning !"...

ce jour-là comme la veille, le trafic est bien faible sur l'aérodrome, donc sitôt les essais moteurs effectués, on peut remonter la piste et s'aligner face au Sud, à la mer. J'aime autant, car face au Nord c'est face à une vilaine colline...
L'agent AFIS nous donne le vent et zou : Michel pousse la manette des gaz en grand...
Décollage sans histoires puis virage à gauche. On contourne la pointe Sud-Est de l'île et bientôt , on met le cap vers la côte italienne, que l'on distingue déjà. le premier point tournant qu'on s'est fixé est "Castiglione della pescaia", juste en face. Puis il nous suffira de suivre la côte italienne "vers le bas", en vérifiant à chaque instant où on se trouve. Pas grâce à la radionav en tout cas : le coin est pauvre en VOR et autres ADF. Ici, sans un bon cheminement, carte sur les genoux, (et un petit coup de pouce du GPS) point de salut !

Nous sommes montés un petit peu, quelque chose comme 3000 pieds, car on aime bien avoir de l'eau sous la quille, mais c'est nuageux plus haut et puis il nous faudra redescendre en approchant de Rome. 3000' est donc un bon compromis pour nous.
Après avoir clôturé (drôle d'expression tout de même) avec Marina di Campo (Elbe), nous sommes un peu dans la pampa aéronautique, puisque Rome est encore bien loin et qu'il n'y a personne à contacter aux alentours. On s'informe alors de ce que font les autres sur 123,45.
FV est toujours devant, pas encore en vue, et à peine plus haut. Nous ne sommes qu'à quelques minutes de DA, mais nous mettrons plus de temps à grignoter son avance.

Le vol se déroule jusqu'ici sans encombres : la côte italienne est très belle, avec ses grandes baies et les montagnes juste derrière, même si un peu de soleil rendrait tout cela plus joyeux.
Nous apercevons la ville de Grosseto, et cherchons un aérodrome qui doit se trouver non loin, ça occupe un peu ce cheminement qui, quoique sympa, n'a jusqu'ici rien d'exceptionnel.

Quelques NM plus au Sud, c'est un paysage assez curieux qui se présente à nous. La montagne nommée "Monte argentario" se situe non loin de la côte, et y est reliée par trois bandes de terre convergentes. Sur l'une d'elles se trouve, d'après Me Jeppesen qui décidément sait tout, une ancienne piste que l'on finit en effet par identifier, recouverte de meules de foin.

Il est alors temps de contacter Rome Approche, pour le transit.
C'est FV, en première position, qui s'y colle le premier. Mal lui en prend car la réponse du contrôleur romain est absolument incompréhensible tant cela fait un bruit aigu dans le casque... On doit être encore trop loin de leurs antennes, et avec nos 1000' ASFC, on ne capte pas grand-chose. Pas très engageant tout cela, mais en se rapprochant ça ira mieux, normalement, enfin, on l'espère.
Quelques temps plus tard c'est à notre tour d'essayer, sans plus de succès. Ce n'est qu'une dizaine de minute plus tard que le contact bilatéral est pleinement établi. Comme prévu le CTL nous donne les points de cheminement publiés, nous collationnons et nous dirigeons docilement vers le premier.
Il doit être évident pour le CTL que nos trois avions volent ensemble car à aucun moment il ne nous parle de nos copains...
;-)
Le hic c'est que le plus rapide est derrière, et le plus lent devant. Donc on commence à ouvrir sacrément l'oeil, et on se rencarde auprès de DA pour savoir sa position. La différence au GPS vers le point suivant n'est que de 2 NM, et on a la même altitude ! "Tu vois ce gros cargo à la coque orange, qui va vers le port ?"
- Lequel ? Celui qui fume énormément ??
On tâche ainsi de trouver des repères communs, pour savoir où chercher l'avion que nous rattrapons doucement. Bien sûr on écarquille les yeux, mais personnellement, je crains surtout qu'on ne le découvre qu'au tout dernier moment , 50 pieds au-dessus de nos têtes...

Mais la recherche va se révéler infructueuse, et ce n'est que bien plus tard, une fois passée la TMA Rome, que nous retrouverons notre compagnon de voyage. Toujours pas d'info de trafic de la part de Rome d'ailleurs...

Patrick fait défiler ses points de report au GPS, et les annonce à la radio, tandis que j'identifie le paysage et la côte, à notre gauche, grâce à la 500 000iè savamment pliée sur mes genoux. Il est vrai que seul à l'arrière, on a de la place. Je garde donc la doc non indispensable et passe les fiches d'aérodrome au navigateur quand il en a besoin.

Quelques avions de ligne qui viennent de Rome et qui nous passent loin au-dessu, en montée initiale... Fiumicino (LIRF) ne doit pas être loin !


Au Sud de Rome : Ischia, Capri et Vésuve
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Une fois sorti du transit romain, nous approchons d'Anzio, célèbre lieu de combat durant la guerre, mais cette fois nous allons obliquer sur la gauche et voler un peu au-dessus des terres.
En laissant Anzio à droite, nous piquons droit sur une ville littorale :
Terracina.
Cela nous fait faire un peu de cheminement le long d'une autoroute puis de la rocade de la ville de Latina : la 500 000 chauffe dur et je constate avec plaisir qu'à l'embranchement près nous navigons précisément !
Le soleil a fait son apparition, ou plutôt la couche nuageuse a franchement disparu : il fait maintenant un temps magnifique, et l'air extérieur doît être bien chaud... C'est pourquoi, à 1000' au dessus des terres, les turbulences sont fréquentes. Rien de bien méchant, mais tout de même, il faut rester vigilant.
C'est une région très agricole autour de Latina : moulte serres et champs cultivés, puis on longe une forêt, pour enfin débouler sur Terracina !

Station balnéaire sans doute, et l'on se prend à rêver d'une bonne baignade, la mer est juste en-dessous et a l'air si chaude....
Mais reprenons-nous : le plus beau reste à venir, et on en est désormais proche.

De Terracina, nous taillons en effet la route en directe vers Ischia, que l'on distingue au loin, de l'autre côté du golfe de Gaeta que nous allons traverser dans toute sa largeur.
Sur la droite, les îles du Latium qui sont bien tentantes, mais il reste quand même pas mal de chemin à faire aujourd'hui, et Ischia et Capri sont à notre portée ! Ce que nous en ont dit les guides consultés avant le départ est encore dans nos mémoires, et la hâte de les découvrir vues du ciel est bien grande...

Tiens, j'ai un petit creux...
Normal, il est déjà 14h, mais il semble que je sois le seul dont l'estomac se manifeste. Logique, puisque je n'ai ni cap à tenir, ni radio et navigation à vérifier. Prévoyant, j'avais fourré dans mon sac à dos quelques menus trucs à grignoter, dont une pomme, un paquet de biscuits et un Orangina. Le pilote n'a pas faim mais Patrick (après hésitation !!!) accepte quelques....palmitos ! (l'idée me fait sourire, mais c'est la stricte vérité).
Merci Palmito, car je te dois la vie sur ce coup-là. ;-)
Ces quelques biscuits sont ma première nourriture depuis le petit-déjeûner, et la dernière avant le dîner.... vers 22h30 !!
Dans DA, je l'apprendrai par la suite, l'homme providentiel fût Loïc, muni d'un excellent cake au chocolat et à la noix de coco, confectionné par sa douce amie. Les deux occupants de FV affirmeront pour leur part n'avoir pas eu faim durant ce vol... Quel stoïcisme !

Ischia
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Dés le milieu du golfe de Gaeta, nous sommes à la hauteur de DA. Pas en patrouille, mais séparés de peut-être 200 mètres, nous fonçons vers Ischia...
Ile d'une certaine taille qu'Ischia, et déjà de loin elle semble très belle. 160 ch contre 180 : on ne peut s'empêcher de penser à une course et pendant de longues minutes on se demande qui de DA ou de KY arrivera le premier à l'île ! Donnez deux véhicules quelconques à deux gamins et ils feront nécessairement la course... ;-)
Une fois arrivés au bord de l'île pourtant, on reprend notre vol panoramique et la sécurité reste une évidence tacite : nous ferons notre tour de l'île à 1500 pieds tandis que DA, derrière nous (tiens tiens...), restera à 1000 pieds.
Bien sûr, je tâche de prendre quelques clichés, pour conserver des souvenirs tangibles de ce que j'ai vu et le faire partager à ceux qui n'ont pas la chance d'être des nôtres. Pourtant il faut se raisonner et économiser la pellicule : chaque nouvelle crique de l'île, chaque culture en terrasse est un enchantement visuel, et je n'ose même pas penser à ce que doit être une baignade ou une plongée dans ces eaux turquoise...
Par ailleurs, on n'est pas bien haut et l'avion, bien sûr, bouge quand même un peu : que donneront donc mes clichés pris avec un appareil compact, à travers du plexiglas dont on ne peut pas dire qu'il soit cristallin, dans un avion qui bouge ?
L'avenir montrera pourtant, contre toute attente, que les plus belles couleurs et la plus grande netteté seront au rendez-vous : merci Canon ! Ischia est donc une sorte de paradis, et il doît y faire bon vivre : la mer y est splendide et la côte est restée sauvage, même si certains aménagement balnéaires ou portuaires permettent aux heureux plaisanciers de venir y accoster. Pas de bétonnage, on l'aura compris.

Un tour nous a ravi, et à l'issue nous mettons le cap à l'Est afin de survoler la somptueuse et célébrissime baie de Naples, avec comme point de mire le Vésuve, qui nous fait la courtoisie d'être absolument dégagé de tout nuage aujourd'hui !
DA et ses insatiables occupants s'octroient un second tour d'Ischia alors que le contrôle aérien nous demande de rappeler "Torre del Greco"...
Comme d'habitude on collationne et on se rue sur la carte : "c'est où ???" En l'occurence c'est au pied du Vésuve et figure sur toutes les cartes du monde, y compris les Jepp' qui comportent les points tournants VFR fréquents.
Pour ce qui est du contrôle, nous nous sommes dûment signalés à l'une des fréquences de Naples Approche, peut-être celle réservée aux VFR ? Toujours est-il que je n'ai pas souvenir d'y avoir entendu âme qui vive, hormis nos trois appareils. Période de Coupe du Monde oblige, peut-être.
La même cause ayant les mêmes effets, il ne nous sera pas délivré la moindre information de trafic lors de notre périple, entre la Corse et Reggio, tout en bas de l'Italie... Gageons que les collègues italiens ont deviné que nous volions plus ou moins ensemble, et étions des as du fameux et improbable "voir et éviter"....

La baie de Naples est splendide par un si beau temps, et le panorama assez grandiose, avec le Vésuve qui se rapproche tout doucement de nous. Nous dirigeant vers le fameux "Torre del Greco", une ville et une zone industrielle au pied du volcan en fait, nous laissons l'énorme ville de Naples sur notre gauche. Nous avons un peu musardé sur la côte avant de nous engager au-dessus de l'eau, et DA, toujours lui, en a profité pour nous rejoindre, toujours en radada.
Pur ce qui est de FV, il faut croire que la longue ballade touristique ne les tente pas (ou qu'ils en ont marre de la lenteur du PA-28 ?) car après un trajet assez direct via Torre del Greco puis Capri, ils taillent tout droit vers notre terrain de destination, Salerne, où ils arriveront finalement assez peu avant nous.

L'eau est à présent derrière nous, et le survol de cette vague zone industrielle n'offrirait rien de bien palpitant si le roi Vésuve n'était juste là, à nous toiser de toute sa hauteur. Et c'est bien là qu'on prend conscience de la dimension du truc, et qu'on se dit qu'en cas d'éruption, Naples n'a qu'à bien se tenir.
Il y a d'ailleurs eu un précédent resté célèbre, que nous finissons par distinguer au milieu de ce fatras de hangars et de routes : une tâche sombre de vagues ruines qui paraît bien minuscule vu du ciel.
Pompéi.
On le cherchait depuis quelques minutes déjà, mais comme ça ne figure pas sur les Jepp... On était un peu fatalistes et résignés à le manquer. Mais finalement voilà donc Pompéi, et on prend bien le temps de photographier, même si on ne lui fait même pas l'aumône d'un 360 de contemplation. Ca me fait penser à un musée particulièrement riche : tant de splendeurs à voir et si peu de temps finalement consacré à chacune. Enfants gâtés va !

Cela dit nous ne sommes pas seuls dans le secteur : où est donc DA ?
Bien sûr rien à attendre du contrôleur... A-t-il seulement une info radar à notre sujet ? Personne ne nous a demandé autre chose que le 7000 que notre transpondeur affiche depuis la France ! Mais nous ne nous en plaignons pas non plus car la contrepartie est une paix royale pour évoluer à notre guise. On sait juste pouvoir compter sur quelqu'un "au cas où".
Dans son derneir message, DA annonçait 1000 pieds.... Où est-il donc ?
Là ! Patricke aperçoit bientôt un rapide point blanc qui se détache assez mal des hangars clairs : ce ne peut donc être que lui ! Son itinéraire est d'ailleurs assez semblable au nôtre, et s'il est à 1000 pieds moi je suis CDB Concorde.... On s'est tous les trois fait la même remarque avec un large sourire : liberté, liberté... L'azur est à nous dirait-on !

A noter que malgré l'extrême clarté de l'air, à aucun moment nous n'avons distingué de départs ou d'approche pour l'aéroport international de Naples, pourtant guère éloigné. Coupe du Monde encore ??? ;-)

Encore une fois DA reste musarder, autour de Pompéi semble-t-il, alors que nous suivons la côte et mettons doucement le cap à l'Ouest. On ressort donc de la baie de Naples en longeant la côte Nord de l'isthme amalfitain (du nom d'Amalfi, grande station balnéaire situé sur le côté Sud).
Là encore la côte est splendide. Assez escarpée aussi, et c'est un bonheur que de voir du relief qui se jette pour ainsi dire dans l'eau. On a déjà vu ça en Corse...
Toujours à 1500 pieds (quel bon pilote on a !), nous croison bientôt en sens inverse un hélicoptère "Huey" aux couleurs des gardes-côtes, soit blanc et rouge. Malgré ses couleurs, on ne l'a aperçu qu'au dernier moment : l'info nous semble éminemment importante pour les copains du DA qui nous suivent, a priori, à 1000 pieds : pile l'altitude de l'hélicoptère !
Vu que la fréquence est toujours aussi silencieuse, ou peut-être est-ce sur 123,45, on délivre nous-même l'info de trafic : "en sens inverse un hélico vient de nous croiser, son altitude semble être 1000 pieds, en tout cas moins de 1500. Pour être certains de l'éviter volez au-dessus de la flotte, parce que lui suivait exactement le trait de côte..." On nous remerciera chaudement du conseil après l'atterrissage : les copains de DA l'ont vu pile poil sur la trajectoire qu'ils suivaient quelques instants auparavant !

On arrive à l'extrêmité de l'isthme amalfitain, et Capri se trouve juste en face, dans son prolongement.
Et de deux ! Après Ischia, Capri est une seconde île magnifique au palmarès visuel de ce vol mémorable. Rien de bien plus marquant néanmoins, si ce n'est quelques aiguilles rocheuses, sorte de "tas de pois" locaux : l'analogie n'échappe pas aux bretons que nous sommes presque tous !
Une sorte de grotte assez large nous intrigue aussi, sur la côte Sud de Capri, mais on ne s'y arrête guère : probablement un lieu typique. Ce qui est marquant en revanche, c'est la profusion de petites embarcations tout autour de l'île. Déjà la baie de Naples était strillée de longs sillages blancs : on retrouve donc ici aussi les plaisanciers napolitains.
C'est en effet le bon plan car pratiquement toute la côte Sud de l'île semble innacessible par la terre, en raison de hautes falaises à pic. Nous avons une vue imprenable, bien sûr, mais ces heureux plaisanciers peuvent au moins faire plouf depuis leur frêle esquif (faut arrêter de lire Astérix, désolé) tandis que tout plouf avec notre rapide KY serait définitif... Au final, Capri nous déçoit presque : bien plus petite qu'Ischia et bien moins escarpée, rien ne justifie à nos yeux sa notoriété si ce n'est... mais bon, Hervé Vilard c'est pas trop ma tasse de thé.

Un seul tour de l'île donc, puis on longe la fameuse côte amalfitaine.
Là on n'est pas déçu, si le terme "escarpé" a été inventé, c'est bien pour ici ! Le relief se précipite dans la mer, et quand par miracle la transition est plus douce, une ville balnéaire exploite le peu de place laissé par la nature. Une route côtière, de corniche devrais-je dire, relie ces villes et on s'étonne de la voir disparaître parfois dans la roche... pour réapparaître juste derrière, après un tunnel que notre vitesse nous a fait manquer.
Le soir même nous expérimenterons sur cette même route le mépris absolu de la vie humaine qu'ont les motards Sud-italiens....ou bien leur foi inébranlable en leur invulnérabilité lors de courses sur cette route de corniche. Les voir débouler au beau milieu de la route et à toute allure dans un virage en épingle à cheveux reste un des souvenirs les plus marquants de ce voyage.
Après Ischia, le Vésuve, Pompéi et Capri c'est tout de même un comble !!
;-)

Nous longeons donc successivement Positano, Amalfi puis Maiori, petite ville où nous trouverons le gîte ce soir. Puis nous passons au-dessus de l'eau, laissant l'inintéressant port de commerce de Salerne sur notre gauche. Le trafic maritime a l'air assez important, nous survolons plusieurs porte-containers. La ville de Salerne est juste derrière, assez imposante, mais nous poursuivons un peu plus au Sud, vers Pontecagnano, où se situe l'aérodrome.

Facile à trouver, non loin d'un littoral fort avenant, on s'intègre sans problème dans le circuit de piste derrière un Cessna 152. Vent arrière, base main droite, puis finale face à la mer. L'accent de l'agent AFIS est assez prononcé mais pour ce qu'on a à se dire, il n'y a pas de problème de compréhension.
Atterrissage sans problème en piste 23, si ma mémoire est bonne. Dégagement par l'unique bretelle, puis on remonte tout le parking pour rouler vers le "refueling" tant attendu. Oh, bien sûr on était encore dans les clous réglementaires, mais il y avait plus d'air que de 100 LL dans nos réservoirs : n'oublions pas que ce matin on était encore à Elbe...
Sur le parking en question on trouve un EC-145 de la sécurité civile italienne (il est tout blanc, nos "dragons" à nous sont rouges...) et un Partenavia bimoteur, pas très joli selon moi.
Un Pilatus PC-6 "Porter" passe devant nous et va commencer une série de parachutages : il est magnifique dans sa livrée bleue agrémentée de jaune. Immatriculé D-FREI, et oui, un avion allemand, nous apprendons à le connaître très bientôt, malheureusement...

Mais pour l'heure nous refuelons à l'unique pompe, derrière laquelle un camion-citerne kaki est rangé. FV est déjà avitaillé et rangé dans l'herbe, bientôt nous avons fait de même avec KY, tandis que DA atterrit enfin, sans doute avec moins de réserve encore que nous, et viens se ranger devant la pompe.
Pendant ce temps-là, un type, négligeamment adossé contre le camion-citerne, fume sa clope............(véridique, s'il était besoin de le préciser)

Une fois nos avions sagement alignés dans les herbes folles au bord du parking bitumé, "pour ne pas gêner", nous prenons notre barda et nous rendons à la cafet' du para-club local (www.skydivesalerno.com) pour appeler un loueur de voitures. Bizarrement personne ne se rue sur les friandises locales qui sont en vente, pourtant les estomac sont encore plus vides que les réservoirs à l'arrivée, ô combien !
Attente qui paraît bien longue, puis les véhicules arrivent : Olivier conduira la Corsa, et ma pomme la Punto. Il faudra bien faire rentrer huit bonshommes et leurs sacs là-dedans, si l'on veut aller sur la côté amalfitaine se trouver un petit hôtel, voire faire plouf dans l'eau chaude...

Et c'est parti pour une virée automobile pas piquée des vers. Peu aéronautique, elle n'a pas sa place ici : il suffit de savoir qu'on en est sorti vivant, ce qui n'est déjà pas si mal, vu la façon de se comporter au volant ici...
Heureusement qu'on ne sait pas encore qu'en Sicile... c'est bien pire.


Dimanche 9 juin 2002
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(Mais pourquoi les em...barras arrivent-ils toujours le dimanche ?)

Maiori est une jolie petite ville, et hier soir on a eu plaisir à découvrir son dédale de minuscules ruelles escarpées, mais ce matin il nous faut rejoindre l'aérodrome car un nouveau vol nous attend.
Au programme : un vol vers Reggio di Calabria (tout au bout de la botte italienne, juste en face du détroit de Messine) où nous referons le plein de carburant, puis un vol direct vers Malte, notre destination.
Enfin, ça c'est la théorie...

Pour l'heure il est 8h30 et les uns après les autres, pas toujours avec une tête bien réveillée, nous rejoignons la table du petit-déjeûner dans la grande salle de l'hôtel.
"Cappucino ?"
Tiens, pourquoi pas en effet. "Si, grazie..."
Je tâche de faire honneur au petit-déj, comme à mon habitude, mais l'expérience d'hier est encore dans tous les estomacs.
J'encourage donc vivement les copains à bourrer leurs poches de petits gâteaux emballés par deux et de pommes. On ne sait jamais.

Le temps qu'on refasse nos sacs et qu'on ramasse les serviettes qui ont séché cette nuit sur le balcon (et oui, on a piqué une tête hier soir, malgré l'envie d'aller manger illico !) et nous voilà à nouveau entassés dans la Punto et la Fiesta.

La route est toujours aussi impressionnante que la veille, avec la falaise à gauche et le vide à droite, mais on tâche de ne pas traîner en chemin. Le ciel est en effet plus que couvert, et on est tous inquiet de ce côté-là. On est pourtant en Italie du Sud...

Lors de la traversée de Salerne la pluie commence à tomber, et on voit bien qu'ici ce n'est pas chose habituelle (pas de remarque idiote SVP...) : l'asphalte de la route par exemple est une vraie patinoire et c'est miracle que notre voiture ne touche pas la précédente, après une glissade de trois mètres...

Alors qu'on se rapproche, normalement, de l'aérodrome, la pluie atteint une intensité presque effrayante. On n'y voit pas à dix mètres et ça ne rend pas la conduite plus sûre. J'envisage même un instant de m'arrêter le temps que ça se calme. Inutile de toute façon de se presser d'arriver à l'aérodrome : qu'y ferions-nous ??
Ah oui, j'ai écrit "normalement" car depuis une vingtaine de minutes nous sommes à la recherche de la route de l'aérodrome de Puntecagnano. Pas vraiment perdus, mais pas exactement sur la route non plus.

Après moulte recherche, nous arrivons finalement à l'aérodrome où le loueur nous attend depuis une heure.
Ben oui, on n'avait pas prévu de se perdre en route...
Formalités achevées, on se replie sur le hangar du para-club local, histoire d'attendre la fin du mauvais temps.


Que faire quand il pleut ?

Dans ce hangar il y a d'abord le chouette Pilatus PC-6 "Porter" dont se sert le para-club.
Il est bleu sombre avec des détails en jaune : très joli ! Il est immatriculé D-FREI, ce qui est assez rigolo pour un libériste germanophone.
A sa droite un brave Beech "Bonanza" immatriculé lui aussi outre-Rhin.

Peu de membres du club en ce morne dimanche matin, donc c'est sans problème qu'on trouve des fauteuils libres pour s'installer et prendre patience. Disposés tout autour de la salle, les fauteuils que nous choisissons se trouvent pile sous le saumon d'aile du PC-6.

Que faire maintenant ?

On commence par tuer le temps, au cas où ça se dégage rapidement. Je feuillette le "Fana" que j'ai eu le soin d'amener dans mon sac, mais il est bientôt fini. Ensuite ?
La logique veut qu'on en apprenne un peu plus sur ce qui nous tombe sur la tête et surtout sur l'heure de fin de cette interminable averse.
Certes, les trombes d'eau de la matinée se sont muées en une fine pluie, mais le ciel reste tout sauf rassurant, surtout quand on a une nav à effectuer, dans un pays inconnu et mal pavé en aérodromes (le prochain sur notre route est Lamezia, à 225 km !)

Alors que la pluie semble se calmer on part voir les avions. Parqués dans l'herbe depuis la veille, on craint que les chutes d'eau n'aient transformé l'herbe en bourbier.
Mais c'est sans difficulté qu'on arrive à tirer les avions hors de l'herbe et à les aligner sur le tarmac, histoire d'être prêt quand le déluge sera enfin fini.

Où consulter la MTO ?
Salerno est un petit terrain, et en ce dimanche, même l'agent AFIS n'est pas là. Seul un Cessna 152 effectue stoïquement ses tours de piste malgré la pluie. On se demande même parfois comment il garde la piste en vue !
Pierre et Hervé décident d'aller voir du côté des baraquements au pied de la vigie, il semble y avoir un aéro-club. Cela nous est confirmé par le patron du para-club, qui nous sera par la suite d'une aide inestimable...
J'accompagne le "groupe MTO" jusqu'à une baraque, qui s'avère être le "club house" du club local. L'ambiance y est feutrée et la grande pièce est encombrée d'une foule de choses. Au mur de nombreuses affiches sur la sécurité aérienne, toutes en anglais. Une hélice aussi, et quelques photos en noir et blanc de coucous d'antan.
Un couple assez âgé est assis sur des chaises, en retrait par rapport au canapé où, étalé de tout son long, le président du club (ou le doyen ?) regarde une émission de divertissement à la télé. A la croisée de "Dimanche Martin" et de "Sacrée soirée", cela semble pourtant les captiver...
Fort heureusement cette pièce contient aussi un PC très récent, avec accès à internet (alleluia !). Très gentiment, le président du club italien nous laisse l'utiliser et nous allons consulter la page perso d'un ingénieur MTO qui rassemble sur sa page la plupart des ressources météorologiques disponibles sur le Net.
Le bilan n'est pas fameux : la pluie ne devrait s'arrêter qu'en fin de journée, et nous sommes juste en limite Sud de la perturbation qui passe.
Autrement dit, si nous avions pu décoller ce matin, nous serions déjà à Malte où il fait très beau, malgré un vent assez respectable.
Pas de chance quoi. Reste à attendre.....

La fenêtre de beau temps prévue est pour la fin d'après-midi, on va déjà s'occuper de se restaurer. Le déjeûner sera pris à la cafétéria du para-club, qui jouxte le hangar du "Porter". La fille du patron nous sert le menu du jour : canneloni !
On se régale en regardant Turquie - Costa Rica à la télé. Le matche est beau, mais on s'y intéresse surtout parce qu'on est cloués au sol. La PPR pour la douane à Reggio a été obtenue donc normalement ce soir on ne perd pas de temps et on espère sincèrement dormir à Malte !
Du coup on décline poliment la proposition du para-club de nous héberger, ils disposent en effet d'un dortoir assez sommaire et spartiate, mais qui fait l'affaire du voyageur de passage.


Les avions bretons et la pluie
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18h30
La pluie a enfin cessé et on amène à la hâte nos affaires sur le tarmac encore trempé. Certes le ciel est encore chargé en nuages mais cela se désagrège et le ciel bleu perce. Ca risque d'être chaud pour atteindre Malte ce soir... mais on avisera en route, l'essentiel est de partir au plus vite. On s'est déjà laissé coincer une fois par le mauvais temps !
Les purges avaient été faites avant de sortir les avions de l'herbe bien entendu, donc ne reste plus qu'à charger les avions et effectuer la visite pré-vol pour les 3 pilotes.
Sur ce coup je suis à l'arrière de DA, le DR-46, que pilotera Olivier, avec Pierre en place droite (navigateur/radio).
Tout le monde est prêt et à notre gauche le PA-28 "Fox Victor" a déjà mis en route. Olivier met en route et affiche illico la fréquence du terrain pour rouler. Un appui sur le bouton poussoir situé au sommet du manche, afin de se signaler sur la fréquence..... et aussitôt le panneau d'affichage du boîtier radio s'éteint complètement !!!

Que faire maintenant ? Comment poursuivre le voyage ?

Encore une fois adorable, le patron du para-club amène des bouteilles de vin blanc italien, et c'est avec grand plaisir et gratitude que nous levons notre verre en son honneur !
Il nous propose même de nous amener ensuite à un hôtel, non loin de là, puisque nous préférons cette solution au dortoir spartiate du club.
Qu'en est-il de la poursuite du voyage ? Là est le vrai souci.
Dans trois jours en effet est prévue une randonnée sur l'Etna, et nous avons déjà réservé hôtel et guide et dûment payé un accompte.
Au pire bien sûr on peut louer des voitures pour se rendre en Sicile, mais cela ne résoud rien car le groupe "retour" arrive dans 5 jours à Palerme pour prendre en compte les trois avions, et effectuer le voyage retour vers Brest.
Par ailleurs, le président de l'aéro-club est parmi nous et il a à coeur de ne pas abandonner un appareil au beau milieu de l'Italie, ce qui se comprend aussi.

Bien sûr une erreur flagrante nous apparaît : nous aurions dû emporter avec nous une VHF portable. Cela est d'autant plus impardonnable que Pïerre, notamment, en possède une dont il ne se sert plus guère. Cela servira de leçon pour le groupe retour.
Contactés illico, ils ont pour consigne de se munir d'une VHF portable, en plus d'une VHF fixe de rechange que l'atelier mécanique de Guipavas leur confiera.
Au niveau des contacts établis, justement, le chef mécanicien du club joint par téléphone pense que c'est le transistor "X-44" de l'alimentation du bloc VHF qui a claqué. Rien de bien méchant donc, si ce n'est qu'il faut s'en procurer un de rechange et faire effectuer la réparation par un atelier agréé.
Or nous sommes tous de même en terrain mal connu...

Alors une somme effarante de scénarii est envisagée, au cours d'un brainstorming commun, et c'est fou l'imagination que l'on peut avoir dans ces cas-là !
* Du côté de Terracina, à 30 min de vol, on nous apprend qu'il y a un tel atelier, avec une piste en herbe privée de 700 m. Pierre envisage alors de s'y rendre avec le PA-28 afin de faire réparer la VHF. Mais en combien de temps cela sera-t-il fait....?
* Sur l'aéroport international de Naples il y a aussi forcément une structure technique. Mais seront-ils adaptés aux besoins de pilotes de loisir voulant faire réparer une VHF ?
* A Malte, où nous avons tout de même grande envie d'aller, il y a nécessairement un atelier agréé, et on y parlera forcément anglais, ce qui sera assez appréciable. Pour s'y rendre il faut tout de même se faire dédouaner, et voler en patrouille pour aller se poser à Reggio..... Assez folklo.
* Aller à LIRN, l'aéroport de Naples, pour expédier nos bagages non indispensables en France, afin de poursuivre le voyage à 8 dans deux avions. Assez chaud ça.... et le président n'aime guère l'idée de laisser un avion en carafe.

Des idées il y en eut bien d'autres bien sûr, mais il se faisait tard et d'un commun accord il fût décidé que "demain on y verra plus clair".
Le bon sens reprenait le dessus quoi.

Fidèle à sa promesse notre hôte et son fils nous amènent à notre hôtel, un modeste établissement passablement défraîchi, mais qui a le mérite de nous faire quitter pour quelque heures l'aérodrome de Salerne, notre purgatoire !
;-)


Lundi 10 juin 2002
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La nuit fût bonne et tout en m'habillant, j'ai le plaisir de voir "Maya l'abeille" à la télé. C'est en italien bien sûr, mais ça fait toujours plaisir !
Le petit-déjeûner est moins que frugal, mais a priori les chances pour qu'on vole de longues heures aujourd'hui sont assez minces...
Bonne nouvelle toutefois : le beau temps est revenu. C'est déjà ça.

Notre hôte est venu nous chercher à l'hôtel (quand je vous disais qu'il était en or...) et va nous déposer à l'aérodrome avant de filer au travail. Sympa ! En maigre témoignage de notre gratitude, nous lui avons offert hier soir une bouteille de chouchen qui se trouvait être dans nos bagages... ;-)

Une fois de plus nous voilà dans le hangar du PC-6, sous l'aile duquel notre DR-400 a passé la nuit à sécher, verrière ouverte.
Immédiatement on se précipite vers lui pour vérifier que plus aucune humidité apparente ne subsiste... C'est bien le cas.

La "VHS" (VHF HS...) comme on a fini par l'appeler est alors remontée dans son logement. On vérifie que pas une vis ne manque et que tout a bien été remis en place comme il faut.
Là, si ça ne marche pas, il ne restera plus qu'à aller faire réparer ailleurs, et on va perdre une autre journée. Sur un voyage de 7 jours, ça commencerait à faire VRAIMENT beaucoup, mais qu'y pouvons-nous ?

Personnellement, je n'ai pas trop d'espoir. Défaitisme du néophyte trahi par la technique ?

Tonerre d'exclamations : "CA MARCHE !!"
Le sourire est revenu et bien revenu : il est près de midi mais le voyage va pouvoir reprendre et ce soir on dormira probablement à Malte !

Du coup on refait la manip' inverse de la veille : barda déplacé du hangar vers les avions, mais cette fois au pas de course ! On a presque l'impression que c'est l'endroit, pourtant fort accueillant, qui est maudit, et que dés qu'on en sera parti tout le reste sera à nouveau merveilleux.

On garde les équipages qui avaient été définis la veille et on décolle dans la foulée ! A-t-on pris le temps de déjeûner ? (point crucial) Je ne m'en souviens même plus tant la joie du départ était grande.
Cette fois le soleil est de la partie, même si pas mal de nuages subsistent au-dessus des terres, à l'Est.
On décolle donc face à la mer, et sa couleur turquoise sans pareille nous ravit l'oeil : tout va bien à présent, il ne reste plus qu'à longer la côte jusqu'en bas de la "botte italienne", pour se poser à Reggio di Calabria. On y refuelera, dédouanera, puis direct sur Malte !!!

Enfin, ça c'est la théorie...

Après décollage de Puntecagnano (Salerno), virage à gauche et l'on suit de superbes plages de sable blanc. Le soleil brille et de là-haut on a une meilleure vue de la situation en ce qui concerne les nuages. Oh, bien sûr, nous ne volons pas très haut (aux alentours de 2500 pieds) mais on distingue au-dessus de la mer un ciel de traîne assez chargé, et la fin du front qui nous est passé dessus hier reste encore accroché par le relief, au centre des terres.

Après les plages de sable blanc de la grande baie de Salerne, une première pointe, puis ce sera du relief tout le long de la côte.
Et comme les nuages bas y sont accrochés, le salut vient de la mer, ou du moins du littoral, dont il ne vaut mieux pas s'éloigner pour l'instant. Olivier, notre pilote, choisit de couper à travers la pointe que fait la côte à cet endroit-là, et nous nous offrons une vue imprenable sur une sorte de citadelle.

Décidément, c'est reparti pour les belles choses, donc je farfouille dans mon sac afin de retrouver mon compact. Pendant ce temps-là le moral est au beau fixe, et on peut le comprendre !
Les plaisanteries fusent sur 123,45 car il n'y a aucun organisme à contacter pour le moment : ce n'est qu'au deux tiers de notre vol vers Reggio qu'il nous faudra contacter la TWR de Lamezia, pour le transit dans leur TMA contrôlée.
Donc pour l'instant c'est le vol de loisir dans toute sa splendeur, on se fait plaisir à survoler des paysages nouveaux et magnifiques, dans la plus totale liberté. Le grand pied quoi, et on le savoure d'autant plus qu'un bête ennui technique a failli nous en priver.

Nous longeons successivement plusieurs villes parfaitement inconnues (Acciaroli, Marina di Camerota...) dont les habitants, j'en suis sûr, me pardonneront aisément mon inculture en la matière !

Tout en regardant dehors, et en vérifiant sur les cartes l'endroit précis où nous sommes, je me fais quand même la remarque que c'est de plus en plus nuageux. Rien d'inquiétant, certes, mais cela nous oblige parfois à changer d'altitude. Le genre de ballade que j'aime bien en fait, sauf que là le prochain terrain n'est pas non plus à côté.

Sur la fréquence commune on se tient au courant des intentions des autres, et tandis que nous avons l'intention de filer direct sur Reggio, il semble que l'équipage de KY vienne à l'instant de bifurquer plein Ouest. Ils ont décidé de faire un crochet pour essayer de trouver le Stromboli au milieu des nuages. Bien sûr on peut slalomer entre les masses nuageuses, mais l'idée de partir au-dessus de la flotte dans ce dédale ne me tente pas des masses pour le moment. Il faut dire qu'avec la tuile qu'on a eu hier, il vaut peut-être mieux être prudent !

Mais pour l'heure tout va bien et notre brave VHF revenue d'entre les morts fonctionne à merveille. Il y a cinq minutes une voix bien reconnaissable y chantonnait "y zont les chapeaux roooond...." !

On approche de Lamezia, donc contact est pris avec la TWR. Sans surprise on nous demande juste de rappeler en sortie de zone, en un point du nom duquel je ne veux me resouvenir comme aurait dit Cervantès s'il avait fait du VFR en Italie. Nous continuons à longer la côte bien sûr, en une succession de lignes droites dans les baies et le long des plages, de plus en plus rares.

Nous passons travers le terrain de Lamezia, facilement visible d'ici, et poursuivons imperturbablement notre route.
Le voyage est désormais moins agréable car le ciel s'est quelque peu couvert. bah, on retrouvera bien le soleil quelque part, ne serait-ce qu'en Sicile (par endroit aussi méridionale que la Tunisie !).

Le golfe de Sant' Eufemia est pratiquement effacé, nous approchons donc de la sortie de zone. J'ai pris ma dernière photo il y a deux minutes : une plage où le bleu profond de la mer se mêlait artistiquement à l'ocre apporté par une rivière. Sous un ciel couleur de plomb, ça devrait rendre pas mal.
Ce sera bien ma dernière photo car dans la précipitation du départ, j'ai laissé mes autres pellicules dans le PA-28.... Bah, tant pis.

Je farfouille un peu dans mon sac (encore un petit creu ?) tandis que Pierre appuie sur l'alternat pour clôturer avec Lamezia.
A ce moment-là donc j'avais le regard plongé dans mon fidèle sac, mais bien vite je me redresse et regarde ce qui se passe.
Pierre vient de s'exclamer, d'une voix que je n'aime guère : "ah nom de Dieu !!!!"

En avion on pense immédiatement à un autre avion dans ces cas-là, mais aucune manoeuvre brusque pour me projeter sur le côté.
L'avion continue de ronronner doucement en filant droit, tandis que la réalité du problème me saute aux yeux : le boîtier VHF est à nouveau éteint....

Là le problème est très différent d'hier...
Autant quand on est au sol on peut réfléchir à loisir, autant là nous sommes en vol, nous voulons aller à Reggio di Calabria pour refueler, mais n'obtiendrons jamais l'autorisation de pénétrer dans sa TMA de classe D. Je ne parle même pas de la façon de se faire connaître de la TWR et de lui dire nos intentions : on est donc soudain confronté à une grosse énigme qu'il va nous falloir résoudre avant que la quantité de carburant ne nous force à prendre une mauvaise décision.
On réfléchit en effet fort mal lorsqu'on a une contrainte de temps.

Là par contre, nous étions parti de Salerno avec le plein complet, ce qui sur DA fait dans les 5 heures. On est donc sereins et comme on est à trois, la réflexion sera constructive.
Déjà, très vite, Olivier affiche 7600 au transpondeur. C'est lui qui est au commandes, et il reste remarquablement calme et lucide. Grâce à ce 7600, on peut espérer que quelqu'un (centre régional ?) nous verra au radar et saura qu'on est un peu dans la panade.

Nous n'avons pas pu clôturer avec Lamezia pour le transit dans leur zone : peut-être se douteront-ils de quelque chose ? Mais après tout qu'est-ce que ça peut faire si un VFR oublie de clôturer.... On est dans le Sud de l'Italie et à notre avis on ne peut compter que sur nous pour l'instant.

Autre interrogation : vers où se diriger maintenant ? Nous sommes toujours au-dessus du littoral, et s'aventurer dans les terres est hors de question : il y a du relief maintenant et les nuages y sont solidement accrochés. Pour être franc il ne fait pas précisément beau à cet endroit car le soleil est caché. Pas de souci pour conserver les conditions VMC bien sûr, mais ce temps gris ne contribue pas à rassurer non plus.
Du côté de la mer c'est un vrai labyrinthe nuageux, donc on peut s'y engager.
En ce qui nous concerne ça ne rimerait pas à grand-chose, mais nous savons que KY au moins y est allé, afin de s'offrir un survol du Stromboli.
Les veinards insouciants, comme je les envie en cet instant...

Rapidement, Pierre se décide à démonter le boîtier VHF....en plein vol. Bon, il a la clé Allen sur lui (tiens, on ne l'a donc pas rendue ??) et après quelques minutes d'effort il extrait le boîtier coupable.
Peut-être reste-t-il un peu d'humidité résiduelle après nos efforts de séchage d'hier ? Peut-être avons nous abusé de la radio au début de ce vol, tout à la joie de pouvoir reprendre le voyage ?
Toujours est-il que le problème a recommencé et avoir démonté puis remonté le boîtier en plein vol n'y change hélas rien : nous voilà sourds et muets en plein ciel italien.

Pendant ce temps l'avion avance toujours, et l'on se rapproche tout doucement du détroit de Messine.
Certes nous n'y pêcherons pas la sardine, comme le chantonnait encore Pierre il y a 10 minutes, mais nous y trouverons une zone D (dangereuse) ainsi que le début de la TMA de Reggio.

Assez rapidement, Pierre semble vouloir retourner à Salerno car là-bas au moins il n'y a pas de TMA, et en respectant la procédure standard pour appareil en panne radio on pourra se poser en toute légalité.
Certes, certes, mais ensuite ?
Olivier et moi voyons cette éventualité d'un très mauvais oeil pour la poursuite du voyage. En effet, les deux autres avions, ignorant de nos problèmes, seront allés se poser comme prévu à Reggio, et nous serons alors isolés du reste du groupe et toujours avec le même problème.
Nous convainquons donc Pierre du bien-fondé d'essayer de poursuivre vers Reggio. Etant donné que nous avons dépassé FV (le PA-28) lors du trajet, celui-ci devrait fatalement suivre le même itinéraire côtier et nous rejoindre si nous orbitons.
Voilà donc la solution retenue : en arrivant en vue du détroit de Messine, nous commençons à orbiter, à vitesse d'approche pour économiser l'essence, et scrutons tous les trois le ciel dans la direction d'où devrait, théoriquement, débouler FV....

Voilà maintenant dix minutes que nous orbitons, en vue d'une ville juchée sur une falaise, et toujours en vue du célèbre détroit.
Nous n'avons vu venir personne, à part un hélicoptère rouge et blanc qui nous a donné une fausse joie : c'était probablement un appareil des gardes-côtes italiens et nous avons espéré un instant qu'il avait été dépêché pour venir nous prêter assistance.
Mais l'hélico suit imperturbablement sa route au ras des flot et n'est bientôt plus visible....
Il nous faut donc espérer FV, qui comprendra sans aucun doute le problème, et nous mènera tout droit à Reggio, en assurant la radio pour deux. Olivier, prodige du téléphone portable et véritable Mozart du SMS, a même essayé de contacter les occupants des autres avions, mais sans succés jusqu'alors. Afin de pouvoir émettre et recevoir, l'avion doit être incliné vers la côte, c'est à dire vers les antennes de téléphonie mobile qui doivent se trouver dans la ville. Lorsque notre virage perpétuel nous fait nous éloigner de ladite ville, l'aile du DR-400 masque la ville et loa réception est très perturbée. Je ne parle même pas du bruit qui doit couvrir les paroles....
A tout hasard, Olivier laisse un message vers le numéro d'un occupant de KY.

Leçon n°1 : lors d'un tel voyage, chacun devrait avoir les numéros de TOUS les autres participants, on ne sait jamais.
Leçon n°2 : même en cas de déveine chronique (vous avouerez que jusque là on n'a pas eu de pot !) la fortune sourit parfois. En l'occurence notre bonne fée se nomme Olivier, notre pilote : le seul du groupe qui baragouine un tant soit peu l'italien.
L'attente déçue du FV nous a fait chercher d'autres solutions, et puisque nous avons un téléphone portable, pourquoi ne pas appeler directement la TWR de reggio afin de lui exposer la situation ?
Voilà une bonne idée !
Du siège arrière, l'atlas Jeppesen sur les genoux, me voilà dictant les numéros de l'aéroport de Reggio à Olivier, qui les compose fébrilement.
En tout il essaiera quatre numéros différents...sans succès.
Qu'à cela ne tienne, on va tenter d'appeler Lamezia : il ont forcément une ligne avec Reggio, grande APP la plus proche !
Là quelqu'un répond, mais d'après ce qu'Olivier comprend, le type ne veut pas (ne peut pas ?) faire la coordination...
Reste enfin Salerno, terrain qui nous a porté chance et malchance depuis le début : j'en dicte aussi le numéro à Olivier, infatigable standardiste du désespoir.
Là l'agent AFIS se montre plus coopératif, donc on rappellera plus tard pour savoir s'il a pu obtenir quelque chose. Bien sûr ça fait un peu "téléphone arabe", mais dans un tel cas, on se contente de ce qu'on peut obtenir.

Là encore on attend, toujours en enchaînant les cercles devant le détroit de Messine, et toujours en écarquillant les yeux pour apercevoir, enfin, un FV qui ne vient pas.
Nous comprenons au passage, il faut dire qu'on a un peu de temps pour cela, la raison d'être de la zone D de Messine : de part et d'autre du détroit se dressent en effet deux hauts pylones rayés de blanc et de rouge. Il nous sera dit par la suite qu'ils servaient à acheminer l'électricité en Sicile.
N'ayant jamais aperçu de câble entre ces pylônes, je suppose que les lignes ont depuis été passées sous la mer, mais que les pylônes et la zone D associée ont perdurés.

OLIVIER A EU DU RESEAU !!!
Il lit immédiatement le SMS qu'il vient de recevoir et jubile en nous montrant l'écran, que je cite textuellement :
"CLEAR TO LAND
RWY 33"
Et c'est signé Patrick, qui se trouve dans KY, et a visiblement reçu le SMS-SOS d'Olivier.
Ainsi donc la première clairance d'atterrissage par SMS vient d'être délivrée !
Après d'interminables moments d'angoisse et surtout de doute, c'est l'euphorie à bord de DA !!!
Enfin ç'en est fini de ces ronds en l'air, et Olivier met le cap vers le terrain de Reggio, où nous sommes désormais attendus.

En passant le détroit, magnifique, on se rend d'ailleurs compte qu'ici il fait soleil, et que la mer est d'un bleu sombre sublime.
On est donc entré dans cette fameuse TMA de classe D, avec l'accord implicite du contrôleur local, et en suivant la côte orientale du détroit, nous devrions tomber rapidement sur le terrain.

Alors que nous passons le détroit, nous apercevons une forme fugitive, de couleur blanche, au ras des flots. Ca ressemble diablement à KY, et ça va dans la même direction.
Le CTL leur a-t-il demandé de nous attendre, afin de nous "escorter" jusqu'au terrain ?
Rapidement il s'avère que ce n'est pas le cas, car malgré tous nos efforts, nous ne pouvons le rattraper. 20 petits chevaux qui font la différence ?
Toujours est-il qu'à présent il nous faut réduire : le terrain est juste là, à notre gauche. KY reste à l'écart, sans doute sur instruction de la TWR.

Grand terrain ma foi, belle piste, et surtout jolie colline pile dans l'axe du décollage en QFU 15. Mais comme nous avons été autorisé à l'atterrissage en piste 33, c'est donc ce QFU que nous emprunterons, et une fois étbli en vent arrière pour la 33, la machine est bientôt prête : les volets, la pompe, la réchauffe carbu.

Etape de base.
Apparemment il y a pas mal de vent, du moins c'est ce que je ressens depuis l'arrière : l'avion est en crabe durant la finale, et la mer moutonne pas mal, malgré un temps splendide. Bien évidemment personne à la fréquence pour nous donner le vent, mais vu les dimensions de la piste, il n'y a pas de raison que ça se passe mal.
N'empêche, Olivier est sérieux comme un pape, et concentré sur son approche.

Détail amusant, aucun de nous trois n'accorde un regard à la tour de contrôle, où pourtant le contrôleur nous autorise à nouveau (signal lumineux vert) à l'atterrissage...
;-)
Atterrissage impeccable d'Olivier, et en me retournant je constate que deux énormes camions de pompiers, gyrophares allumés, entreprennent de nous suivre au roulage ! Ils font les choses en grand ici, pour une "simple" panne radio !
A propos, où va-t-on aller se garer ?
Du coup on regarde (enfin) la TWR, où de bienveillants signaux lumineux nous guident : du rouge quand il ne faut pas tourner et du vert quand c'est bon. On arrive enfin sur un parking un peu à l'écart, où un Monsieur nous indique où nous stationner. Arrive alors une ambulance (si, si !) que nous pouvons renvoyer, tout comme les pompiers, non sans les avoir remerciés de leur prévenance.

OUF !
Nous voilà enfin à bon port, c'est à dire aux portes de la Sicile, où dans un peu plus de deux jours une randonnée sur l'Etna est prévue. On ne manquera donc pas le rendez-vous, c'est déjà ça !
Bientôt arrivent KY puis FV, qui viennent stationner à nos côtés. Bien sûr on leur raconte par le menu notre mésaventure, et bien sûr tout le monde s'esbaudit de cette première "clairance par SMS".
N'empêche qu'au début on n'en menait pas large, avec notre panne radio...

Après avoir arrimés les avions à des anneaux scellés dans le tarmac, et avant de s'en aller louer des véhicules pour passer en Sicile, nous irons saluer et chaudement remercier le contrôle de Reggio (LICR) : c'est la moindre des choses.

L'accueil est cordial : le jeune contrôleur nous reçoit chaleureusement et nous montre la lampe à éclats avec laquelle il nous faisait des signaux. Il nous apprend aussi que le CRNA de Brindisi nous avait bien vu avec notre transpondeur 7600, et l'en avait informé. Donc quand KY lui a exposé notre situation, il savait déjà plus ou moins de quoi il retournait, et nous a gentiment bloqué la piste.
Plus tard nous nous rendrons compte qu'à part deux ou trois vols réguliers d'Alitalia (A321 et MD-80 quotidiens) et un peu de cargo (Bae-146 de TNT), le terrain n'est pas exagérément fréquenté non plus. N'empêche qu'il nous a sauvé la mise sur ce coup-là et nous lui en savons gré.
Bien sûr nous discutons un peu boulot aussi, et il nous montre la vétusté des locaux et du matériel... Pas de radar bien sûr, pas même un déport de l'image du CRNA comme on le trouve en France. Bigre, on fait avec les moyens du bord ici.
Nous lui expliquons nos projets pour les jours à venir et lui assurons de repasser très bientôt lui rendre visite, quand nous viendrons récupérer les avions.

Direction les bureaux maintenant, pour régler la paperasserie et tenter de minimiser l'avalanche de taxes qui, à coup sûr, nous attend.
Depuis Elbe nous savons qu'il faut déclarer DEUX pilotes par avion (hélas, trois ou quatre ça ne passe pas...) et le préposé, assez martial, nous demande de décliner le nom de l'assurance de chaque avion, le numéro de la police, le numéro de notre bon vieux TT, etc...
Une première tentative pour lui expliquer que nous sommes contrôleurs en France le laisse froid : il doit s'en moquer. Tant pis, il ne nous épargnera donc aucune tracasserie et on encore perdre un temps fou...
Mais au cours de la conversation, il finit par comprendre que nous sommes dans l'Aviation Civile et là : métamorphose !
Il devient volubile et commence même à nous donner des tuyaux : si on déclare le vol en tant que "SCHOOL FLIGHT" il n'y aura pas de taxes ! Sympa : toujours ça d'économisé pour le restau de ce soir ! ;-)

Nous finissons par en avoir fini avec la paperasse et notre hôte, décidément intarissable désormais, nous fait passer les contrôles de sécurité et nous conseille à un ami, loueur de voiture dans l'aérogare.
Travail d'équipe : on se répartit les rôles.
Olivier et moi irons louer deux voitures tandis que les autres se chargent des bagages et vont chercher quelques rafraîchissements.

Une heure plus tard tout le monde embarque dans une twingo et une mégane...break ! Ca va être coton de circuler avec ça dans les ruelles de Sicile !!!

Mais tout cela n'est plus très aéronautique. Rendez-vous donc pour les "vols du dernier jour", car il nous faudra encore nous rendre à Palerme pour embarquer dans le charter du retour !!!
 
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