RADAR : Technique
Un radar (RAdio Detection And Ranging) est un système qui envoie une onde électromagnétique et
reçoit les ondes réfléchies par les objets qui s'y trouvent, permettant ainsi de détecter
leur existence et de déterminer certaines caractéristiques de ces objets, par exemple :
la position horizontale des objets ; leur altitude ; leur vitesse ; leur forme.
Un radar "classique" est constitué d'un émetteur, d'une antenne et d'un récepteur muni d'un système de visualisation.
L'émetteur lance à intervalles réguliers (par exemple, toutes les millisecondes) des signaux très brefs
(par exemple, de 1 microseconde), à une fréquence donnée correspondant à une longueur d'onde variant,
selon les applications, entre quelques mètres et quelques millimètres (A). Le signal n'est pas omnidirectionnel :
l'antenne du radar, qui agit comme un projecteur, concentre l'émission dans une zone très étroite de l'espace,
soit dans un cône de faible ouverture au sommet (de l'ordre de 1 degré), soit dans un dièdre de faible ouverture
(également de l'ordre de 1 degré). C'est ainsi que sont illuminés, d'autant plus faiblement qu'ils sont plus loin,
les objectifs situés dans le champ de l'antenne. Ces objectifs réfléchissent les signaux reçus, et l'antenne
capte les échos avec un retard par rapport à l'émission, retard d'autant plus grand que les objectifs sont plus lointains.
C'est ainsi que l'écho reçu d'un objectif distant de 75 kilomètres sera décalé de 0,5 milliseconde par rapport à l'émission.
Les premiers radars furent à ondes continues mais la nécessité impérieuse d'obtenir de grandes puissances,
des faibles longueurs d'onde et de brèves impulsions imposa l'utilisation du magnétron à cavité.
Le magnétron est le premier en date des générateurs d'hyperfréquences (Zacek, 1924).
Sa structure est celle d'une diode en forme de cylindre. Le magnétron comprend essentiellement une cathode à oxydes,
cylindrique, entourée d'une anode massive en cuivre comportant un nombre pair de fentes radiales qui constituent
chacune la cellule fondamentale d'un circuit périodique fermé sur lui-même.
Cet ensemble est plongé dans un champ magnétique axial uniforme. Excité sur certaines fréquences discrètes,
le circuit d'anode entre en résonance, créant un système d'ondes stationnaires qui peut s'interpréter comme
la composition de deux ondes progressives d'amplitude égale tournant en sens inverse.
Chaque résonance correspond à un nombre entier de longueurs d'onde sur la circonférence.
Pour des raisons de stabilité, on choisit toujours de faire fonctionner le magnétron sur la résonance comportant
un nombre de longueurs d'onde égal à la moitié du nombre de fentes. En fonctionnement continu, la puissance de
l'onde hyperfréquence émise peut atteindre quelques kilowatts ; en fonctionnement impulsionnel,
les magnétrons peuvent produire une puissance de crête de plusieurs mégawatts avec un facteur de forme
(rapport entre la puissance de crête et la puissance moyenne émise) variant de 500 à 2 000.
Par sa structure compacte, sa simplicité de fabrication, son excellent rendement (de 50 à 70 p. 100, certains
tubes expérimentaux ayant même dépassé 80 p. 100), ses performances en régime d'impulsions (quelques mégawatts
de puissance crête, quelques kilowatts de puissance moyenne à 3 GHz, et quelques centaines de kilowatts-crête,
quelques centaines de watts moyens à 10 GHz), le magnétron a en fait permis l'avènement du radar, dont il demeure
la source de puissance hyperfréquence la plus répandue.
Des magnétrons en régimes permanents donnant un kilowatt à 2,45 GHz ou plus trouvent un emploi
dans la cuisson rapide des aliments (Four à micro-onde).
La Compagnie générale de télégraphie sans fils (C.S.F.) joua un rôle très important dans la conception
et la mise au point du magnétron (Voir partie historique).
Les impulsions hyperfréquence du magnétron étaient déclenchées par un thyratron sorte triode à gaz à cathode chaude dont l'électrode de commande (ou grille) isole, en l'absence d'ionisation, l'anode de la cathode. Ce dispositif est maintenant remplacé par des semi-conducteurs. (1)
Radar de veille.
Un radar de veille utilise une antenne qui tourne régulièrement autour d'un axe vertical et illumine à un instant donné un dièdre d'arête verticale, c'est-à-dire une faible zone en azimut autour de l'antenne, ce qui permet de mesurer l'azimut des objectifs détectés. La distance (radiale) des objectifs étant également mesurée, on en déduit la position horizontale d'un objectif, c'est-à-dire la position géographique du point à la verticale duquel il se trouve. Les objectifs sont alors " visualisés " sur un écran circulaire de télévision, sous forme de points lumineux dont l'emplacement correspond à la position horizontale des objectifs (le radar étant situé au centre de l'écran, par exemple). Certains de ces radars sont assez perfectionnés pour mesurer également l'altitude des objectifs : on les désigne alors sous le nom de radars de veille tridimensionnels.
Radar de poursuite.
Un radar de poursuite utilise une antenne qui illumine à un instant donné une très faible zone de l'espace autour d'un axe qui peut, par des mouvements appropriés de l'antenne (au moyen d'une mécanique d'autant plus complexe qu'elle est plus précise), être dirigé vers n'importe quel point de l'espace. Cet appareil est équipé de servomécanismes qui lui permettent de maintenir l'axe de l'antenne dans la direction d'un objectif donné et donc de suivre (de " poursuivre ") cet objectif quels que soient les mouvements de celui-ci. On connaît ainsi en permanence, à la sortie du radar, la position de l'objectif. De tels systèmes sont utilisés pour poursuivre les missiles lancés des champs de tirs et, dans les applications militaires, pour " s'accrocher " à un avion hostile et guider les canons de défense antiaérienne ou les missiles envoyés pour le détruire. (2)
Radars à " balayage électronique ".
Pour choisir la zone éclairée par l'antenne d'un radar classique, il faut la faire tourner de la direction déjà analysée à la nouvelle direction choisie. À cause de l'inertie de l'antenne, ce ne peut être qu'un mouvement continu et lent ne permettant pas facilement de s'arrêter dans les zones intéressantes. Avec un radar équipé d'une antenne illuminant un dièdre de 0,360 degré d'ouverture, tournant à six tours par minute, on connaît la position géographique des cibles toutes les 10 secondes. Le temps passé sur une cible est de 10 ms, avec dix ou cent cibles. Si, en présence de dix cibles, l'antenne radar était capable de passer immédiatement d'une direction à une autre, on disposerait d'une seconde par cible avec la même cadence de renouvellement des informations. Chaque cible pourrait donc recevoir la puissance du radar pendant cent fois plus de temps (elle recevrait donc 100 fois plus d'énergie), ce qui permettrait soit de réduire par 100 la puissance de l'appareil, soit de multiplier par plus de 3 la portée du radar.
Le problème est donc de s'affranchir de l'inertie mécanique de l'antenne : il faut pouvoir, l'antenne restant fixe, modifier quasi instantanément la direction du rayonnement.
Or l'onde électromagnétique émise par le radar est cohérente, comme l'est la lumière fournie par un laser, ce qui implique que la direction du rayonnement est celle pour laquelle toutes les vibrations émanant de l'antenne sont en phase. En d'autres termes, un observateur A, situé dans cette direction et assez loin de l'antenne, " voit " toutes les vibrations qui lui arrivent des différents points de l'antenne augmenter et décroître rigoureusement en même temps, alors qu'un observateur B, situé dans une autre direction, reçoit des différents points de l'antenne des vibrations déphasées, certaines vibrations étant dans un sens quand d'autres sont dans un autre, l'ensemble s'annulant pratiquement. Si l'on veut que l'antenne rayonne vers B, il suffit de modifier au départ les phases relatives des vibrations électromagnétiques émises par les différents points de l'antenne, de façon qu'elles soient en phase lorsqu'elles arrivent à l'observateur B. Pour cela, on tapisse l'antenne projecteur de dispositifs modificateurs de phase, dits déphaseurs, dont on peut commander à volonté et instantanément le déphasage qu'ils introduisent, pour modifier instantanément la direction du rayonnement de l'antenne. On sait réaliser de tels déphaseurs réagissant en des temps de l'ordre de la microseconde, par exemple en utilisant des aimants artificiels particuliers dits " ferrites " ou des dispositifs spécifique à semi-conducteurs. Une antenne ainsi équipée de déphaseurs et de leur système de commande est appelée "à balayage électronique". Avec une telle antenne, on est capable de modifier la forme du diagramme de rayonnement (et non seulement sa direction), pour passer par exemple d'un rayonnement à dièdre d'arête verticale à un rayonnement conique autour d'une direction quelconque, transformant ainsi instantanément un radar de veille en radar de poursuite.
Avec un tel dispositif, il est nécessaire de piloter les diagrammes de rayonnement de l'antenne par un calculateur qui, en plus, pourra facilement mettre en œuvre des fonctions de corrélation, de filtre à compression d'impulsion, d'émissions en polarisation circulaire, de gestion des effets Doppler-Fizeau, de manière à pouvoir, en fonction des résultats escomptés, éliminer les parasites et faire le tri des échos.
Un exemple d'utilisation de calculateur dans les systèmes de détection par radar peut être donné par le contrôle de la navigation aérienne qui nécessite de volumineux logiciels opérant en " temps réel ". On détecte jusqu'à cinq cents avions dont les trois coordonnées peuvent être mesurées avec précision; d'autres informations sont parfois fournies (indicatif d'identification, puissance de l'écho, etc.). Aucun opérateur humain ne serait à même d'exploiter cette énorme quantité d'informations ; seul un système informatique le peut, en stockant les informations obtenues par le radar et en faisant les calculs (cap et vitesse des cibles par exemple) utiles pour présenter à l'utilisateur les renseignements dont il a besoin à un instant donné, et dont la nature change au cours du temps.
À bord des aéronefs, le radar est utilisé pour détecter les formations nuageuses, turbulences ou orages dangereux pour la navigation aérienne et ainsi pouvoir changer de route pour les éviter.
Une longueur d'onde de l'ordre de 8 mm (A), permet d'explorer en détail la structure des nuages ou des faibles précipitations. Une longueur d'onde est de l'ordre de 3 cm, 5 cm ou 10 cm (A), rend possible de détecter, de localiser, de délimiter les zones de précipitation, voire de mesurer leur contenu en eau.
L'intensité d'un écho radar sur une source nuageuse est donnée par la formule : (n.d^6) / (l^4), dans laquelle n est le nombre, par unité de volume, d'éléments précipitants détectables de diamètre d et l la longueur d'onde utilisée. On pourra lever l'indétermination entre n et d en utilisant plusieurs radars travaillant sur des bandes de fréquences différentes mais cela nécessite des circuits assez complexes d'intégration et de traitement du signal pour obtenir par visualisation les contours des iso échos.
Avec des traitements appropriés du signal et l'utilisation soit de plusieurs radars travaillant à des fréquences différentes, soit d'un seul radar à fréquence multiple et antenne à balayage électronique, on peut détecter la " bande brillante " de l'isotherme 0°C et la signature des pluies "glaçantes", la phase liquide ayant un coefficient de réflexion près de cinq fois plus élevé que la phase glace ainsi que la détection des nuages grêligènes.
(1) Dans les années 50, René Viquerat entrait au CRO/RA (Centre de Révision d'Orly/RAdio) dans le bâtiment que nous appelons toujours "Les Écoles" et qui contenait également le CRO/IB (Instruments de Bord). Là, il dépanna et peaufina ses connaissances sur les radars. En 1966 tous les services radio et IB déménagèrent dans un bâtiment tout neuf sans nom mais avec le numéro 51 (Maintenant il s'appelle Raoul Badin). C'est là que je fis sa connaissance en 1967 lorsque je fut affecté au groupe 10 qui traitait, entre autres, le dépannage des radars. Homme gai, plein d'humour, ouvert, simple, faisant partager ses connaissances (assez rare pour l'époque), il m'apprit ce qu'est un radar, comment ça fonctionne, les rôles des différents constituants avec travaux pratiques sur la chaîne radar complète exitante dans l'atelier (échos de la Tour Eiffel). J'y ai étudié les magnétrons, klystron, thyratron, amplificateurs MF, synchro-resolvers, antenne, écran cathodique, le balayage circulaire, la mesure des temps de retour d'écho, les mesures d'affaiblissement, la mesure et les réglages du TOS (Taux d'Onde Stationnaire) sur les guides d'ondes (la "plomberie" du radar), la synchronisation entre la rotation de l'antenne et le balayage de l'écran, faire gaffe à la haute tension (plus de 3000 volts), enlever la montre pour éviter qu'elle ne reste bloquée par les aimants du magnétron, etc. Il n'a ménagé ni sa peine, ni son temps. Merci René, tous ce que je sais sur le radar, c'est à toi que je le dois.
(2) Anecdote sur les radars de poursuite.
Printemps 1964, Porte-Avions Clémenceau au large de Toulon pour effectuer des essais des canons de 100 après modifications des radars de poursuite et des systèmes d'asservissement (Huit canons capables de tirer chacun un coup par seconde, quatre sur chaque bord, deux par deux à la poupe et à la proue, pilotés indépendamment les uns des autres par huit radars de poursuite). J'étais à babord arrière, sur le pont d'envol, un casque sur les oreilles, jumelles sur les yeux (Merci au Capitaine de Frégate Tardieu), en train de regarder les impacts sur la cible tractée lorsqu'un obus à coupé le câble ; un des radars et son canon associé ont suivi la chute de la cible, l'autre a remonté la câble en le cisaillant petits bouts par petits bouts ; heureusement que le câble est d'une bonne longueur, sinon l'avion tracteur y passait. C'était en 1964, je vous laisse augurer ce qu'il peut en être maintenant au niveau de la précision.
Bibliographie
Livrets de cours du Centre d'Instruction de Vilgénis d'Air France
Encyclopédie Universalis
Encyclopédie Science et Vie
Chronique de l'Aviation - Édouard Chemel
Ma mémoire
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